La représentation du 23 septembre sera suivie d'une projection du film Et si le ciel était vide et d'un débat avec la réalisatrice et la psychologue Annie Ferrand (FNSF).
Idir est un survivant. Lycéen, il rencontre Thissa d’Avila Bensalah dans le cadre d’une intervention artistique en milieu scolaire. Enfin, la parole se libère : pour la première fois, il évoque la violence dont il a été victime. Mais très vite, le théâtre devient dangereux, pour l’élève comme pour l’artiste…
Alors c’est aussi par le théâtre que va tenter de se réinstaurer un « dialogue ». Escape game – Pourquoi je n’ai pas porté plainte est une lettre fictive adressée à Idir, sous la forme d’un concert dramatique. Cet « oratorio profane » jette une bouteille à la mer, trace un sillon face aux situations qui nous sont présentées sans issues.
Des productions de lycéens investissent le plateau, accompagnent la réflexion sur les manquements de notre système éducatif et judiciaire, lorsqu’il est confronté à certaines violences patriarcales. Entre le concert parlé et le poème musical, ce spectacle met en scène le courage et offre une parole salvatrice sur l’état de notre jeunesse et sa difficulté à trouver les mots pour dire le patriarcat.
En janvier 2015, une semaine après les attentats de Charlie Hebdo, alors que je devais retourner dans un lycée où notre compagnie avait initié une intervention artistique portant sur les relations entre femmes et hommes un mois auparavant, je reçois un appel de menaces de mort m’interdisant d’approcher l’enceinte du lycée dans un avenir proche.
Cette menace de mort m’était, qui plus est, proférée (entre autres hommes) par l’un de mes élèves avec qui nous avions pourtant accompli un trajet humain, politique et artistique gratifiant, et courageux.
Ce jeune homme avait été victime d’un viol au sein de sa famille, et c’est à l’occasion de notre atelier que cela a pu être révélé.
Devant cette communication brutalement rompue, sans appel, prise très au sérieux par toute l’institution, je n’ai pu continuer. Je me suis arrêtée, bien sûr. Le théâtre devenait dérisoire à ce moment-là, tout autant que dangereux… étrange paradoxe.
Ce n’est que de nombreux mois plus tard - surgissement salutaire - que le théâtre, au contraire, m’est apparue comme l’endroit possible nécessaire et urgent de reconnexion de ce dialogue (entre moi et Idir, entre un plateau de théâtre et « des » Idir, entre moi et le sens de l’assemblée théâtrale), comme pour empêcher absolument cette rupture de devenir définitive.
Une bouteille d’eau jetée à la mer devant témoins. Une bouteille d’eau, et la difficulté d’écrire sur ça, de trouver les mots et de parler du choc et de la violence d’une menace de mort quand on va simplement au travail.
C’est ainsi qu’a pris forme peu à peu ce monologue adressé comme pour entamer un dialogue entre deux personnes qui ne peuvent renoncer à la réussite d’une transmission même si tout les sépare. La survie de l’un demande d’ignorer, de mépriser et de violenter l’autre. L’impuissance des deux (dont le cadre de la rencontre est pourtant si banal, si encouragé, si institutionnalisé) à établir un dialogue est la blessure et le sentiment d’espoir qui habitent ce texte.
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