1945, en Allemagne.
À la faveur de la progression des Alliés, les six principaux responsables du projet de bombe nucléaire allemand sont capturés. Ces hommes sont placés au secret en Angleterre et là, dans le manoir de Farm Hall, leurs conversations sont écoutées et retranscrites. S’appuyant sur ces échanges bien réels, Fission montre la stupéfaction des protagonistes à l’annonce de l’explosion de la bombe d’Hiroshima. Comment vont-ils pouvoir dépasser cet échec ?
À travers leurs échanges se posent les questions de la place de la science dans l’histoire de l’humanité.
Quelle est la responsabilité du scientifique, et plus généralement du citoyen face à des choix politiques ? Peut-on refuser d’obéir à une dictature ? Quel point de vue ces scientifiques ont-ils sur les enjeux philosophiques et politiques d’une telle invention ? Fission est une réflexion passionnante sur la responsabilité morale et historique des scientifiques et sur l’engagement personnel face à un régime totalitaire. Admirablement servis par une mise en scène atmosphérique et pleine de rythme, ces six comédiens abordent dans un langage clair et direct des sujets qui nous concernent tous.
« Aucune oeuvre de théâtre n’avait entrepris de donner la parole à ces acteurs exceptionnels d’une histoire qui a changé le destin de l’humanité. » Edouard Brézin, Académie des Sciences, février 2011
Je ne peux imaginer le travail de la mise en scène autrement qu’avec l’envie indéfectible de rechercher avec l’acteur l’exact endroit de la parole du poète. Et si Fission est une oeuvre où le sujet prime sur le traitement du langage, la lecture de la pièce a tout de suite suscité en moi un intérêt immédiat pour les enjeux et les situations de ces personnages. Ces figures scientifiques apparaissent aux spectateurs comme des êtres tiraillés par leurs certitudes et leurs étonnements… Ainsi, pour rendre limpide toutes les notions scientifiques que contiennent les discussions et autres débats de Farm Hall, les acteurs alimentent ces échanges d’une âpreté singulière, d’une élocution claire et concise. Nous explorons une forme droite et concrète du jeu dans le parcours de chaque figure : donner aux pensées et aux vérités de ces personnages un corps en action, un rythme précis, des mouvements définis. Privés de liberté, ces hommes consument leurs propres existences face à leurs consciences : qui devrait assumer la responsabilité ou la culpabilité de la découverte de la bombe atomique ? Comment supporter cette double défaite : scientifique et militaire ? Comment poursuivre des recherches scientifiques qui pourraient mener à la destruction de l’humanité ?
Vincent Debost, metteur en scène
En utilisant les retranscriptions des discussions de Farm Hall, Fission suit au plus près l’état d’esprit de quatre des principaux protagonistes du club de Hitler : Werner Heisenberg, Otto Hahn, Carl Friedrich von Weizsäcker et Walter Gerlach, et le processus psychologique par lequel ils élaborent ce que sera leur position morale après la guerre. C’est également l’occasion d’évoquer la figure de Lise Meitner, physicienne autrichienne d’origine juive forcée à l’exil, d’une stature comparable à celle de Marie Curie. Cette découverte de la fission nucléaire devient également la métaphore, dans ce contexte de guerre et d’antisémitisme, de la fission de la communauté scientifique internationale, racontée à travers les couples Weizsäcker/Teller (lui aussi émigré, aux Etats-Unis), et Hahn/Meitner.
Jacques Treiner et Olivier Treiner, auteurs
Farm Hall 6 août 1945
WEIZSÄCKER - Est-ce que nous tenions tellement à réussir ?
GERLACH offusqué - Comment pouvez-vous dire ça ! Nous avons fait ce que nous avons pu. En tout cas, dans mon centre, à Berlin, c’était comme ça. C'est absurde de dire que nous ne n'avons pas voulu que ça réussisse. Vous devez être encore plus secoué que moi.
WEIZSÄCKER - Cessez d’arborer cette mine de général vaincu. Personne ne vous accule au suicide.
HAHN - Est-ce que vous êtes en colère parce que nous n’avons pas fait la bombe à uranium ? Ou bien êtes-vous démoralisé parce que les Américains l’ont faite avant nous ?
GERLACH le regarde fixement un instant - Pourquoi me posez-vous cette question, Hahn ? Vous connaissez très bien la réponse. Vous me la posez parce que vous étiez en marge des vraies responsabilités, vous. Vous pouvez confortablement prétendre vous être confiné à la science. C’est moi qui étais en charge de l’opération, c’est à moi qu’on demandait des comptes, c’est moi qui devais en rendre. Si les Américains l’ont faite, c’est qu’ils ont mieux résolu les questions à résoudre, c’est que leur organisation a mieux fonctionné que la nôtre. Ils ont mieux travaillé, quoi ! Il n’y a pas de quoi être démoralisé ? !
HAHN - Vous n’êtes quand même pas pour l’existence d’une arme aussi monstrueuse que la bombe à uranium ? Pour ma part, je suis ravi que nous ne l’ayons pas faite !
GERLACH en colère, à Heisenberg - Comment pouvions- nous la faire ? Nous ne savions même pas quelle était la masse critique nécessaire pour faire une bombe !
Une pièce exceptionnelle en tous points avec l'immense plaisir de revoir Alexandre Lachaux qui m'enchante toujours dans ses participations de "lire autrement" dont je suis une fervente adepte.Loin des pièces mineures et parfois minables," fission" vous galvanise le noyau cérébral, vous prend par le coeur ...Un moment rare de théâtre
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Une pièce exceptionnelle en tous points avec l'immense plaisir de revoir Alexandre Lachaux qui m'enchante toujours dans ses participations de "lire autrement" dont je suis une fervente adepte.Loin des pièces mineures et parfois minables," fission" vous galvanise le noyau cérébral, vous prend par le coeur ...Un moment rare de théâtre
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