C’est l’histoire d’un petit garçon de huit ans. Pour atténuer sa longueur des trajets en voiture, son père lui fait écouter sans relâche deux cassettes Barclay, anthologies miraculeuses dédiées à un compositeur foudroyé six ans plus tôt dans un accident de plongée, au fond d’une grotte des Canaries. Il avait trente-six ans, il s’appelait François de Roubaix. Sa disparition tragique laissera à jamais orphelins ses cinéastes d’élection, Robert Enrico ou José Giovanni.
Dans ses bandes (très) originales, le petit garçon n’y voit que du soleil, des sentiments exaltants ou positifs. « Objectivement, confesse-t-il aujourd’hui, la découverte de François de Roubaix est liée à l’idée de voyages, de vacances. J’ignorais qu’il s’agissait de musiques écrites pour des films, je les prenais comme telles, sans y associer la moindre image. C’était des repères rassurants, des thèmes que je me chantais à moi-même à l’heure du coucher, pour éloigner les cauchemars ».
À son tour, le petit garçon est devenu un homme-orchestre, un musicien et un compositeur prodige, bassiste et leader de la plus décapante formation du nouveau monde, Le Sacre du Tympan. Son nom est Fred Pallem. À travers concerts, disques et émissions de radio, l’ami Pallem impose la puissance de feu de sa propre écriture et, avide de reprises, fait crépiter d’une nouvelle énergie celle de ses maîtres : André Popp, Burt Bacharach, Francis Lai, Jean-Claude Vannier… et François de Roubaix.
« C’était en 2008, se souvient-il, à l’occasion du festival Jazz à la Villette : la demande était de construire un programme autour d’un compositeur de cinéma. Nous aurions pu choisir Ennio Morricone… mais François de Roubaix, c’était un territoire plus original, encore à défricher. Souvent, son image de « pionnier de l’électronique », de « bricoleur de génie » relègue au second plan ses splendeurs mélodiques et harmoniques, à couper le souffle. Même au piano, réduit à deux lignes, ça reste renversant, épreuve qui ne trompe pas. En partant des albums existants, j’ai donc relevé d’oreille une vingtaine de compositions. Plus je pénétrais dans l’intimité de sa musique, plus j’en tombais amoureux, notamment sa façon de jongler avec la tonalité, son goût pour les accords parallèles, ses modulations extraterrestres. Le de Roubaix, c’est une formidable langue vivante, influencée par toutes les formes de musiques populaires, jazz folklores et pop. »
49 avenue Georges Clémenceau 92330 Sceaux