Présentation
Châtier les moeurs en riant
Que faire de George Dandin ?
Riche paysan voulant sélever au dessus de sa condition, George Dandin épouse Angélique, fille de Sottenville, nobliaux de province ruinés. Berné par sa femme qui le trompe avec Clitandre, il se voit bâtonné sur lordre de celle-ci pour avoir osé mettre sa fidélité en doute. Il lui faudra même présenter ses excuses à Clitandre et solliciter le pardon dAngélique.
Violent, incisif, cruel et tendre, plus moderne que jamais, que toujours, Molière, ce Jean Baptiste " humain " nous donne ici à voir et à entendre, sous les apparences de la comédie, linsupportable et douloureuse incompatibilité des êtres.
Débats à lissue des représentations les dimanche 18 mars et jeudi 5 avril
Voilà bien le type même de "l'oeuvre simple" façon Molière. Une comédie
qui fait rire, sans doute. Qui doit faire penser sûrement.
George Dandin lancêtre du vaudeville ou du théâtre de boulevard ? Le trio parfait
: le mari, la femme et le jeune et bel amant (au sens du XVIIème).
Le mari : Dandin, un homme dans toute sa force dont nous ne saurons rien, ni de son passé, ni de sa famille, ni de ce quil est, sauf sa mésalliance et sa richesse.
La femme : Angélique, vendue sans vergogne pour redorer le blason sans gloire de ses parents, gens de petite noblesse qui se prend pour "la" grande.
L'amant : Clitandre, un courtisan et un "précieux" qui joue.
Mais voilà, ici, si la situation est banale, les protagonistes et les situations annexes ne le sont pas. Tout bascule dans "l'abominable comédie" qui doit nous faire rire, et qui nous fait rire.
Il faut rire à George Dandin, parce quainsi nous rions de nous-mêmes. Soulagement ? Est-ce bien certain ?
Merci "Monsieur de Molière".
Avant tout garder à l'oeuvre toute sa théâtralité. Regarder simplement l'action. Ne pas se poser plus de questions que Molière nen pose. Se consacrer à étudier ce mécanisme infernal et pourtant si simple des trois actes.
Trois actes de construction et d'action identiques. Trois fois la même situation et chaque fois un palier de plus de franchi qui nous conduit à un dénouement terrible. Si George Dandin décide "de s'aller jeter dans l'eau la tête la première", je crains qu'il ne trouve qu'une flaque juste assez profonde pour s'enfoncer jusqu'à la cheville. Angélique, victime de la bêtise, la cupidité, l'éducation de ses parents, des autres, du monde, se retrouvera face à un mari qu'elle ne peut plus supporter. Passera un nouveau galant...? Qui sait ?
Ce qui est sûr, c'est que si George Dandin est une comédie, le petit jour qui se lève à la fin de la pièce risque bien d'accompagner un drame humain sous-jacent. Un orage incontrôlable entre deux personnages qui n'auraient jamais du se rencontrer.
Pour accompagner cette désagrégation, j'ai choisi de placer la pièce une fin de journée de fin d'automne. Ce moment où le soleil brille encore de sa lumière rougie avant que la nuit emmène avec elle cette fraîcheur trompeuse qui annonce les longues nuits d'hiver. Ce moment où le soleil brûle les feuillages qui tombent morts sur le sol et que quelque pluie, légère ou forte, va petit à petit transformer en pourriture. Alors les valets balayeront la cour pour que les maîtres ne glissent pas... Ce moment où les corps sont gavés de chaleur, de lumière, d'odeurs dont la sensualité exacerbe le désir. Désir physique, charnel, désir de l'autre, désir de soi !
Voilà l'écrin dans lequel Molière enferme ses personnages. Tout est fait pour vivre cette fin d'automne dans la volupté, et pourtant l'intérieur de l'écrin n'est que misère, souffrance, refoulement, désespoir. Car là même Molière sourit, s'amuse, nous amuse et nous déchire.
Dandin une comédie ? Sans doute ! Mais une comédie qui nous tend un miroir bien peu souriant !
Francis Sourbié
7, rue des Plâtrières 75020 Paris