"Je vous écris tout le temps. En dormant, en rêvant, en vous écrivant, en ne vous écrivant pas, c'est devenu mon souffle, ma respiration, mon inconscient, ma force, mon réservoir de folie et de sensations fortes." Grisélidis Réal à J.-L. Hennig, Les Sphinx, éditions Verticales.
Elle, c'est Grisélidis Réal, "péripatéticienne et écrivain" ; militante aussi. Lui, à qui elle s'adresse, l'ami, c'est Jean-Luc Hennig, journaliste, romancier et passeur. Il est à Paris, elle, à Genève. Cela se passe dans les années 1980.
Engagée, enragée souvent, elle lui raconte son quotidien, ses clients, ses luttes, ses tendresses rares mais passionnées, ses coups de gueule et ses coups de blues dans une langue directe, vibrante, vivante, pleine de verve, d'amertume parfois.
D'après les lettres à Jean-Luc Hennig tirées de La Passe Imaginaire (Ed. Verticales) et les poèmes de Grisélidis Réal.
Musique originale de Gabriel Levasseur. Pianiste en alternance.
Elle est seule. Elle se prépare ? Elle est dans ce temps de latence entre deux activités, de ces temps qui ponctuent nos vies et qui se ritualisent. Dans ce passage, cet entre-deux, elle fait ces gestes tous les jours répétés tandis que son esprit vagabonde. Pas tout à fait, cependant. De temps en temps, elle s'arrête à sa table pour écrire. Elle écrit à un ami, à un complice et quand elle n'écrit pas sur le papier, elle continue à lui écrire dans sa tête, poursuit le fil.
C'est ainsi que nous avons voulu concevoir ce spectacle et sa ponctuation musicale : comme le parcours d'une pensée qui parfois laisse passer une association, une réminiscence. Par bribes ou par pans entiers, une chanson lui vient à l'esprit et s'insère dans le cours du jeu, création musicale sur les poèmes de l'auteur.
Régine Achille-Fould
C’est au milieu des putains que j’ai commencé à apprendre mon métier de chanteuse. Nous avions été engagés Artus et moi pendant un an aux "Voûtes", un bar restaurant de nuit, rue Tiquetonne, dans le quartier des halles à Paris.
J’y ai fait mes humanités à l’université de la rue. Il y avait là Carmen, ex-pute et tenancière de bistrot et Paulette, toutes deux grandes connaisseuses de chansons rares et savoureuses. Certains écrivains célèbres venaient aussi les consulter pour leur science inventive de la langue argotique et surtout pour leurs "sciences humaines".
Est-ce qu’on écrit encore des chansons qui parlent des putains, des filles de joie, des bordels, de ces "maisons" et de ces femmes pour ceux qui n’en ont pas… ? Grisélidis Réal n’est pas une putain d’opérette, elle parle cru, de choses dont on ne parle jamais. C’est jubilatoire pour la chanteuse et la femme que je suis.
Annie Papin
34, rue Richer 75009 Paris