Hedda Gabler

du 9 janvier au 8 février 2003

Hedda Gabler

« L’homme est un abîme, on a le vertige quand on se penche sur lui ». Faire siens les mots de Büchner, et comme Ibsen nous y invite, regarder au-delà du parapet. Considérer l’écrivain scandinave par les deux bouts de la lorgnette : à la fois insecte et entomologiste, poseur de bombes et démineur. Philippe Sireuil

Présentation
Notes de mise en scène

« Le balancier de l’horloge cossue de l’intérieur bourgeois fait finalement à peu près le même bruit que l’aiguille du déclencheur de la bombe à retardement. C’est sans doute là qu’il faut chercher la malignité géniale de la mécanique mise en place par l’artificier qu’est Henrik Ibsen dans sa pièce Hedda Gabler. Sous le vernis du bois marqueté, le tranchant de la pièce de métal. Sous le stuc, les tuyauteries. Sous la paisible apparence, la violence de l’essence. Celle de l’héroïne bien sûr, mais aussi des autres protagonistes. Tous sont animés par des pulsions (désir, mort, passion, réussite, sexe) qui font exploser les bordures qui les relient à la convenance sociale, tous ont des désirs inavouables, ou du moins, inavoués. 

Mettre en scène Hedda Gabler revient peut-être à ceci : à préférer la poétique fût-elle toute de noirceur d’un espace imaginaire aux coussins moelleux du canapé du décor naturaliste, à faire péter les convenances et les idées convenues, à envisager les personnages au travers de leurs pulsions intimes plutôt que leurs relations aux autres, à se débarrasser des costumes pour reluquer les dessous, (et même le linge sale qu’il est toujours recommandé de laver en famille).
« L’homme est un abîme, on a le vertige quand on se penche sur lui. » 

Faire siens les mots de Büchner, et comme Ibsen nous y invite, regarder au-delà du parapet. Considérer l’écrivain scandinave par les deux bouts de la lorgnette : à la fois insecte et entomologiste, poseur de bombes et démineur. Fréquenter, avec lui, Wedekind plutôt que Becque. Ne pas dédaigner Labiche. Prendre le rôle d’Hedda pour ce qu’il est : une figure tragique, certes, mais aussi une jeune femme aux rêves de littérature de gare. Ne pas la diaboliser, mais ne rien lui pardonner. Songer à American Beauty plutôt qu’à Une femme française. »

Philippe Sireuil
mars 2001

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« Je n’avais jamais abordé Ibsen, mais je vis en quelque sorte avec son oeuvre depuis plusieurs années. Elle m’a intrigué, comme lecteur et comme spectateur. Ibsen est une figure littéraire extrêmement conséquente du répertoire européen, qui n’est pas éloignée de l’univers littéraire et dramatique qui m’intéresse depuis toujours. J’ai eu l’occasion de voir différentes réalisations scéniques d’Hedda Gabler ainsi que d’autres pièces d’Ibsen, qui ont nourri mon intérêt pour ce théâtre.
[…] Par rapport à mon trajet de metteur en scène, la filiation est visible dans la mesure où je travaille principalement sur des auteurs qui se situent à cheval entre les dix-neuvième et vingtième siècles : Anton Tchekhov, Auguste Strindberg, Paul Claudel… Quoique Ibsen me semble appartenir davantage au dix-neuvième siècle, en raison de ses choix narratifs.

Ce qui m’intéresse dans ce personnage, c’est d’en faire le récit d’une inadaptée. Je me retrouve peu dans tous ces commentaires qui existent sur la pièce, et qui accusent Hedda Gabler de démonisme, de méchanceté ; il ne s’agit pas de l’absoudre de ses méfaits, mais je ne crois pas, productif, d’aborder et le rôle et la pièce de cette manière. 

[…] À mon sens, Ibsen dépeint moins une femme qu’un monde. Il me semble que ce qu’il s’agit de rendre sur le plateau, c’est son inadaptation à la société qui l’entoure, son incomplétude existentielle aussi. Parce que le monde autour d’elle ne lui convient pas, le chemin qu’elle suit est paroxystique, en complet décalage avec son entourage. 
Tous les personnages de la pièce sont traversés par des rêves inavoués et des pulsions inavouables. Ils sont en proie à l’ambition avide de pouvoir et d’argent. À cette société (représentée par le mari, le juge et la tante), Hedda oppose des facettes multiples aux contours étranges. Elle n’est ni ceci, ni cela et c’est cette duplicité émotionnelle qui la rend inquiétante, en ce sens qu’elle contient en germe la part de refoulé qui sommeille en chacun de nous. Elle est paradoxale parce qu’elle représente l’opposition entre un accommodement forcé à l’ordre social et des pulsions intimes, un désir singulier, emprunt de solitude et d’envie de destruction. 
Je ne la considère pas comme un monstre, mais plutôt comme une jeune femme qui s’ennuie. Elle est une impulsive mais bridée. Je ne cherche pas à l’excuser non plus mais à montrer son ambiguïté. Au théâtre, l’enjeu de la direction d’acteurs consiste toujours à réévaluer les archétypes pour éviter qu’ils ne deviennent des stéréotypes. 

Les pulsions de mort, de meurtre, de réussite, de sexe et de violence sont constitutives de notre condition humaine. Depuis Ibsen, les temps ont certes socialement changé, mais je n’ai pas envie d’actualiser la pièce pour autant. [..]
L’essentiel de mon travail consiste à traiter véritablement l’écriture particulière d’Ibsen, c’est-à-dire à rendre compte d’un univers qui n’est pas naturaliste. Ce n’est pas seulement une peinture des mœurs sociales de son temps, c’est aussi celle des abîmes de l’âme humaine. La pièce décrit des caractères sociétaux et des pulsions inconscientes. « Ni Zola, ni Maeterlinck » écrit François Regnault, j’ai envie de dire : entre Zola et Maeterlinck. […]

Le portrait d’Hedda Gabler est celui d’une incomplétude, qui incombe non seulement à la société (en l’occurrence une société protestante et machiste, où les femmes n’ont d’autre alternative que de devenir mère ou putain), mais aussi à la propre faiblesse du personnage. Hedda accepte à demi-mot le mariage d’intérêt et en même temps elle refuse l’accommodement à cette réalité. Le trouble provient de cette énigme à elle-même comme aux autres personnages. Hedda Gabler refuse la réalité, mais son refus n’est pas constructif, puisqu’il la conduit à se suicider. Ce sera son seul acte d’insoumission, que j’entends valoriser : contrairement à ce que prévoit la pièce, c’est face au public qu’Hedda devrait mettre un terme à ses jours. Il me paraît opportun de montrer l’indifférence de son entourage. Suite au suicide de son épouse, Tesman n’est pas ému mais excédé. Depuis le début de la pièce, il manque totalement de clairvoyance à propos du conflit interne qui ronge Hedda. Lorsqu’il entendra le coup de feu final derrière les rideaux, il dira : « Oh, elle s’amuse encore avec ses revolvers » ! C’est cet énervement que je veux montrer au moment du suicide d’Hedda : les autres protagonistes ne sont pas atteints mais irrités par son acte. 

Je ne conçois pas Hedda comme un sujet qui aurait tout prémédité, qui maîtriserait les choses. Je désire montrer sa capacité d’insoumission bridée par la peur du scandale et qui se manifeste par des sursauts abrupts semblables à des caprices d’enfant. On peut d’ailleurs la considérer comme une femme-enfant. Ce n’est pas une réflexive mais une instinctive. Elle ne fuit pas le contact des hommes, mais elle vit sa sexualité uniquement dans le fantasme. Lövborg, l’ancien ami intime d’Hedda qui réapparaît brusquement dans son univers, est en quelque sorte son jumeau, à la différence que lui parvient à vaincre ses inhibitions. Brack, le conseiller de la famille, quadragénaire célibataire, parvient quant à lui à déchiffrer Hedda, mais il ne la comprend pas ; il est certainement le personnage le plus crapuleux, le plus cynique de la pièce.

La traduction de la pièce que nous utilisons - celle de Michel Vittoz - rend compte d’une certaine brutalité, inhérente à la langue d’Ibsen, qui la rend tout à coup beaucoup plus poétique qu’il n’y paraît.
Vincent Lemaire et moi-même avons donc opté pour un espace dépouillé de toute figuration naturaliste, où l’imaginaire du spectateur pourra trouver place (du moins, je l’espère). Pas de salon du dix-neuvième clé sur porte, juste quelques éléments nécessaires à rendre de compte de la richesse de l’habitat cerclé de murs de bois peints de griffures noires, quelques fauteuils et le portrait du Général Gabler. 
Je suis persuadé que, pour Ibsen, le balancier de l’horloge cossue de l’intérieur bourgeois fait finalement à peu près le même bruit que l’aiguille du déclencheur de la bombe à retardement. C’est sans doute là qu’il faut chercher la malignité géniale de la mécanique mise en place par l’artificier qu’est Henrik Ibsen dans sa pièce : sous le vernis du bois marqueté, le tranchant de la pièce de métal. Sous le stuc, les tuyauteries. Sous la paisible apparence, la violence de l’essence.
L’espace scénique doit permettre de mettre en jeu la chair comme le squelette, la peau comme les viscères. Claudel disait : « dans chaque homme, il y a un salon, une cave et un grenier ». Mon objectif de mise en scène est de ne pas laisser Ibsen dans le salon, de montrer la cave. »

Philippe Sireuil

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Sélection d’avis du public

Hedda Gabler Le 11 janvier 2003 à 17h58

Une réprésentation exceptionnelle,des comédiens absolument remarquables, tout particulièrement de Nathalie Cornet (Hedda Gabler). Des décors et costumes fabuleux, une musique parfaitement adaptée, une réussite ... A ne pas manquer ...

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Hedda Gabler Le 11 janvier 2003 à 17h58

Une réprésentation exceptionnelle,des comédiens absolument remarquables, tout particulièrement de Nathalie Cornet (Hedda Gabler). Des décors et costumes fabuleux, une musique parfaitement adaptée, une réussite ... A ne pas manquer ...

Informations pratiques

Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Square de l'Opéra-Louis Jouvet, 7 rue Boudreau 75009 Paris

À l'italienne Accès handicapé (sous conditions) Bar Madeleine Opéra Vestiaire
  • Métro : Opéra à 162 m, Havre-Caumartin à 189 m, Madeleine à 298 m, Saint-Lazare à 398 m
  • RER : Auber à 40 m, Haussmann Saint-Lazare à 314 m
  • Bus : Auber à 24 m, Opéra à 105 m, Havre - Haussmann à 167 m, Capucines - Caumartin à 217 m, Gare Saint-Lazare - Havre à 301 m, Pasquier - Anjou à 360 m, Madeleine à 394 m
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Plan d’accès

Athénée Théâtre Louis-Jouvet
Square de l'Opéra-Louis Jouvet, 7 rue Boudreau 75009 Paris
Spectacle terminé depuis le samedi 8 février 2003

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