Décidément, cet Hôtel des deux mondes n'est pas un endroit très fréquentable.
On y rencontre une drôle de femme de ménage qui ne fait jamais le ménage, un Président de société qui n'arrive pas à être servi en premier, un mage qui ne devine que ce que son client veut bien entendre, un docteur aux jambes fines que l'on prend pour un homme...Bref, dans cet "entre deux mondes" il se passe des choses bien étranges.
C'est aussi dans ce lieu que Julien va rencontrer Laura. Ailleurs, ils ne se seraient même pas regardés. Mais dans cet hôtel, ils se voient avec d'autres yeux, se parlent avec une autre voix... Et il se noue entre eux une passion irréelle qui ouvre à leurs regards une nouvelle vérité.
Aucun client ne sait comment il est arrivé à l' Hôtel des deux mondes. Subitement, tout y devient possible. En revanche, personne ne sait quand il pourra en repartir... Ni pour quelle destination...
Cependant ce séjour permettra à chacun de revenir sur sa vie, ses échecs, ses ignorances, ses certitudes, et de faire ainsi la plus singulière des cures, une cure de mystère et d'espoir.
Note d'intention
Il peut paraître fou de vouloir nourrir le théâtre de philosophie sans lâcher le théâtre - et cela m'apparait fou certains jours. Il est encore plus fou de le faire dans les couleurs de la comédie. On attend plus la philosophie dans la tragédie mais, que voulez-vous, je ne peux pas écrire de tragédie, n'ayant pas une conception tragique du monde. Ma vision, plus songeuse plus hypothétique, fuyant les certitudes et demeurant sur le fil du doute, ne trouve sa forme que dans la comédie. Ma gravité n'est pas grave, mais légère.
Ce voyage à l'Hôtel des deux mondes, chaque année, j'ai essayé de l'écrire depuis Le Visiteur. Ce suspens métaphysique m'attirait et me faisait peur. Je mis six ans à en voir nettement tous les personnages, cerner les implications et à en maîtriser le propos.
Cet Hôtel des deux mondes rencontre, un instant, la situation métaphysique de l'admirable Huis-clos de SARTRE. Mais mon existentialisme se trouve aux antipodes du sartrien, bien plus proche de celui de PASCAL ou KIERKEGAARD. Car je ne vois rien d'absurde dans l'univers, je n'y vois que du mystère, et, dans ce mystère même, des raisons d'espérer.
Eric-Emmanuel SCHMITT
Notes de mise en scène
Eric-Emmanuel Schmitt et moi, nous nous sommes invités à traverser l'Atlantique.
C'est en voyant la création en langue anglaise du Visiteur, à Montréal qu'il m'a invité à venir mettre en scène une nouvelle production à Paris, la saison dernière au Théâtre Marigny, salle Popesco.
C'est en assistant à une représentation de cette production que Donald Sutherland m'a invité à venir le mettre en scène dans la création nord américaine de Variations Enigmatiques cette saison à Los Angeles.
Cette collaboration a suscité un nouveau rendez-vous entre l'auteur, le producteur Jean-Marc Ghanassia et moi-même, cette fois avec la création de l' Hôtel des deux mondes, de nouveau à la salle Popesco du Théâtre Marigny.
Avec l' Hôtel des deux mondes, je retrouve ce qui me passionne au théâtre et plus particulièrement dans celui d'Eric-Emmanuel Schmitt : l'étonnement.
Cette troisième collaboration propose un rendez-vous inattendu entre des personnages étonnés de se rencontrer, dans un lieu où le hasard n'est qu'une illusion supplémentaire, permettant la découverte, l'émerveillement et peut-être une prise de conscience salvatrice.
D'une parole qui se met en route, c'est un chemin qui se trouve nommé, différent pour chaque "client" de l'hôtel, riche en surprises, certaines devenant d'inappréciables cadeaux.
La vie, sous toutes ses formes est source d'étonnement. Dans cet Hôtel des deux mondes, les rendez-vous du destin n'existent que pour en découvrir la richesse.
DANIEL ROUSSEL
Paris, le 15 juin 1999
Avenue de Marigny 75008 Paris