Présenter deux oeuvres majeures du grand auteur dramatique russe jouées par les mêmes comédiens dans des scénographies légères : tel est le pari de la Compagnie du Matamore. Ce faisant, elle nous offre un double plaisir. Celui de parcourir l’itinéraire théâtral de Tchekhov en mettant en perspective sa première pièce majeure Platonov, folle saga préfigurant l’oeuvre du poète, et son avant dernier drame Les trois soeurs, emblématique de ce qui fit l’originalité et la modernité de son écriture : la découverte, derrière les mots du quotidien, d’une incommensurable humanité.
Le deuxième plaisir auquel ce dyptique nous convie est tout simplement celui du théâtre : cet espace où les comédiens nous tiennent en haleine et restituent, à travers eux-mêmes et en la sublimant, la parole d’un auteur. Là, chacun des artistes sera l’interprête de deux rôles. Revenir à l’esprit de troupe pour nous faire traverser 20 années d’une écriture incontournable, voilà l’audacieux parcours proposé par la Compagnie du Matamore.
Les Trois Sœurs, c’est un opéra. Rien ne manque, tout est en place, la partition parfaite. La musique de Tchekhov n’est pas mièvre, elle est violente, rugueuse, drôle, subtile et âpre. C’est la vie qui s’écoule, les rêves qui s’étiolent, les rires qui se figent, le temps qui dévore, la mort qu’on attend. Tchekhov nous donne à entendre et à voir le miroir à peine déformé de nos existences.
Un Platonov
Nous sommes témoins, complices, rats de laboratoire. Tchekhov parle de nous. Pas de héros. Rien que de l’humanité. Un Platonov de « quadras » qui nous questionne sur le monde d’aujourd’hui, la perte de repères, la peur du lendemain, la sacralisation du passé. Jouer Platonov, c’est chercher le creux. C’est questionner le vide, miroir de nos vies. Cela doit être drôle, risible et triste à en crever.
Adaptation : Valérie Durin et Serge Lipszyc.
Par la Compagnie du Matamore.
78, rue du Charolais 75012 Paris