Le fond des choses s'inscrit dans la continuité de nos travaux précédents, qui portaient sur la relativité générale des choses et leurs usages, des personnes et de leurs situations d'absence ou de présence, des sons et de leur musicalité ou non, des images et de leurs cadrages.
Comment aborder ce qui se passe après, ou avant cette relativité générale : le fond de l'être, de la matière, du langage, de l'organisation des oeuvres, du bruit. Les choses comment et pourquoi ? Quel est leur fond ? Par où l'approcher, avec quels outils le sonder ? En revient-on ? Dans quel état ? Traiter des choses c'est parler d'un peu tout : les choses qui nous arrivent, les objets avec lesquels on fait, les notions qu'on charrie. Tout ce qu'il est possible de nommer Chose. C'est de cela qu'on parle.
Nous retenons du théâtre qu'il est le chef-lieu de l'illusion. Par tous les moyens, (par-dessus les montagnes et les océans, contre les vents et les funestes marées), nous tentons de retourner ce principe d'illusion contre lui-même afin que ne se passe que ce qu'il se passe. Parce que nous pensons que le plateau est un lieu de silence et de vide à investir et traverser. Il faut donc s'appuyer sur des bases solides ; justement il faut les chercher, avec l'impartialité d'un scientifique à l'étude. Au fond des choses. Puis s'en mêler, y puiser une langue, des sons et des actes. Comme à l'habitude, l'Irmar se prémunira de la narration par l'exploration d'une réalité fictive, de la musique par la mise à l'épreuve du son, du discours par un doute cartésien et bourguignon au sujet de son à-propos.
Fondamentalement, l'Irmar va créer un nouveau spectacle afin de jouer, comme avec les précédents, le jeu de la fin, de la table rase et du non retour. Avec l'objectif que cela puisse une nouvelle fois créer de la vie, maintenir la tension, les dynamiques et sauver le monde.
Un cube noir. Il sera le fond des choses, un lieu d'importation, d'exportation, d'exhortation, de recherches, un refuge pour le mensonge, un hospice pour la vérité. Ce cube nous engagera à travailler sur l'invisible, à recéler le spectacle, à l'enfouir dans l'inconnu. A faire des tours de magie, des non-tours de magie, des réunions sur les tours de magie nonfaits, ainsi que des bilans réguliers sur l'avancée des réunions.
Une boîte noire à faire fonctionner comme celle du théâtre, comme celle des avions.
Le bureau quantique central du placard du centre cosmologique d'art contemporain : son oeuvre.
Un cachot pour les vilains : leur goulag.
Bref, coulisse, loge, pôle d'emploi.
Autour, à vue sur le plateau, nous n'aurons d'autre choix que de créer les conditions propres à l'interdépendance entre le spectacle caché et les appareils censés le régir.
Appareils administratifs, structurels, sensibles, techniques. Outils, oeuvres et procédures seront le pendant visible du mystère spectaculaire, sa transparence aventureuse.
Par cette tension nous chercherons à nourrir un objet théâtral qui se contamine lui même, se dissolvant dans le même temps que s'affiche son ébullition. Quatre acteurs en auront la charge, ainsi qu'un compositeur suédois dont la capacité à ne pas arriver à prononcer le français nous autorisera à quelques chutes dans le fond de notre langue.
Un travail de mise en abîme, jamais loin, viendra ponctuer et enrayer les agissements de tout ce beau monde afin que s'expriment certaines des tendances les plus lourdes qui nous poussent au rire et à la festivité.
(...) quand derrière le rire sourd la peur du vide, ou pas la peur mais l’affleurement du vide, comme des remontées rocheuses tandis qu’on navigue en pleine mer. Ce qui serait peut-être une manière de parler de l’Institut de Recherche Menant à Rien, dont le nom fait comme un programme, ou plutôt un non-programme. Sous le haut patronage de John Cage ou de Malevitch, l’IRMAR aime la compagnie du rien et s’acharne à le représenter. Mais l’IRMAR n’est pas le rien, et quoique toujours au bord du non-spectacle, ils luttent aussi contre lui, au point que l’horizon s’inverse et devient en dernière instance l’utopie d’une présence, celle des choses mêmes.
Cela commence toujours de la même manière : dans le noir méditatif et silencieux s’installe justement le « rien », avant de devenir, dans notre perception nettoyée, la surface et le temps d’accueil de « quelque chose ». Alors des objets, des êtres, des sons, des voix peuvent commencer à s’installer, durer, nous regarder, attendre, s’absenter à nouveau. Un cube noir occupe le plateau et réfléchit sa présence de… cube noir. Un objet est un objet. Un son est un son. A la manière de Gertrude Stein, on pourrait sortir d’un spectacle de l’IRMAR en disant : « une table est une table est une table… » à force que les objets et les corps, radicalement présents (ou radicalement absents), finissent par être les outils de leur propre investigation : enquête menée en direct sur le vrai fond des choses, et qui se bouclerait en une infernale et ironique tautologie. Alors, à force de frayer avec la matière, à force que notre perception soudain inquiète y soit mise à l’épreuve, il y a quelque chose qui s’approche de l’installation, dispositif presque plastique où l’insondable secret des choses abîme notre conscience, hésitant de quel rire se protéger.
41, avenue des Grésillons 92230 Gennevilliers
Voiture : Porte de Clichy, direction Clichy-centre. Tout de suite à gauche après le Pont de Clichy, direction Asnières-centre.
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