Un tapis mécanique pour courir, comme on en voit dans les salles de gym. Un danseur sur ce tapis s'adapte à sa vitesse changeante. Au début du solo Running Piece, on pourrait croire à une expérimentation un peu aride, minimaliste et répétitive. Or l'inverse se produit. Extraordinaire, réjouissante, une immense variété de gestes, d'attitudes, de situations, tient en haleine les spectateurs de cette pièce du Québécois Jacques Poulin-Denis.
Encore peu connu en France, ce chorégraphe est également compositeur, électro-acousticien, passionné par la texture des trames rythmiques de la temporalité. Fureteur technologique, il programme le dispositif de Running Piece comme tout autre chose qu'un banal équipement de gymnase. Ses variations sont autrement subtiles, réversible et diverses.
Voyons la situation pour l'interprète : confiné dans un espace restreint, d'où émane, de surcroît, le tempo de ses pas. Le paradigme de l'espace-temps s'en trouve remanié. La partition des gestes est fort impérative. Mais très ouverte la gamme des adaptations interprétatives. L'intuition, voire l'improvisation sont physiquement de la partie. Suspensions, inclinaisons, gestion de la gravité fondent un jeu de fuites ici, et là de courses bien en avant. Il y a l'astreinte. Il y a la danse. Et encore l'épuisement.
On croirait lire la fable ultra-contemporaine de l'homme soumis à la dictature des durées et des plannings, quand pourtant le temps est ce qui s'offre à lui en gratuite abondance. Mais chez le danseur de Running Piece, on peut aussi déceler en quoi les parties basses du corps, à ras le pas, à ras la marche, orchestrent une essence de la relation au monde. Ainsi la danse défie-t-elle la paresse des représentations installées.
1 rue Charles Garnier 93400 Saint-Ouen