Présentation
Entretien avec Gérard Rouzier
Rencontre dun homme peu ordinaire, qui dit lÉvangile selon St-Jean depuis 1994, pour les communautés chrétiennes de France, Belgique et Suisse.
Les textes sacrés ou spirituels sont en dehors du temps. Ils nous touchent et nous nourrissent comme un ferment. Ils nous bousculent, nous interpellent, nous ravivent. Comme la poésie. Comme la musique. Pas, ou peu dexplications rationnelles ou raisonnées, elles seraient limitatives.
Nous sommes dans le monde du symbole, de la sensibilité, de lesprit. Ces textes sadressent à la part originelle de chacun dentre nous, un scientifique pourrait dire la part dADN dorigine de notre esprit. Les textes sacrés sont nés de la parole.
Ils existent pour être dits. Avant de penser à les mettre en scène, il faut être soucieux de les donner à entendre, à être reçus. Agir à la manière des compositeurs qui orchestrent ou dépouillent au maximum leurs créations musicales. Il ne sagit pas de créer un spectacle à partir dun texte, mais dessayer de le présenter dans un environnement visuel, auditif, sensible, qui aide chaque spectateur à le recevoir.
Pierre Lefebvre
Metteur en scène
Comment vous est venue lidée de dire lApocalypse ?
En quelques jours, trois personnes venues dhorizons très différents
mont proposé de dire lApocalypse de St-Jean. Cest le genre de
coïncidences auxquelles jai pris lhabitude dêtre attentif. Après
avoir étudié les propositions des uns et des autres, jai réalisé que mon désir
profond était de travailler à nouveau avec Pierre Lefebvre, qui mavait déjà mis
en scène dans lÉvangile. Et Pierre a accepté. Les voies du Seigneur ...
En plongeant dans ce texte, jai découvert que son symbolisme baroque parlait du monde. Et de moi. Et de chacun de nous. Que les sept Églises dAsie, la Femme et le Dragon, les vingt-quatre Anciens et les quatre Cavaliers étaient dans le monde. Et en moi. Et en chacun de nous.
Dire lApocalypse de St Jean, nest-ce pas un pari impossible ?
Effectivement, ne faut-il pas être inconscient pour oser dire un texte
aussi difficile, hermétique, codé, qui nécessite tant de clés pour être compris ? Un
pari impossible ... un pari qui pourtant a déjà été gagné une fois, lors dune
lecture-concert, sur une musique de Sylvie Menier, à léglise Stella Matutina de
Saint-Cloud, le 23 mars 2000, où le texte fut reçu comme un choc formidable
par le public. Le nouveau pari, cest le choix de la parole nue.
Le public peut-il comprendre lintégralité de lApocalypse ?
On peut ne pas tout comprendre, bien sûr. Qui comprend toutes les Cantates
de Bach ? Mais si au travers de ces images fabuleuses, de ce verbe rocailleux ou
ineffablement doux, nous nous ouvrons au souffle du Vivant, qui sait ce qui peut advenir ?
Dites-vous lintégralité de lApocalypse ?
Dans lApocalypse, chapitre 22, versets 18-19, il est écrit : Je
latteste à quiconque entend les paroles prophétiques de ce livre; Si
quelquun y ajoute, Dieu lui ajoutera les fléaux décrits dans ce livre. Et si
quelquun retranche aux paroles de ce livre prophétique, Dieu retranchera sa part de
larbre de vie et de la cité sainte qui sont décrits dans ce livre. Et
pourtant oui, pour des raisons dordre artistique et technique, nous ne présentons
pas lintégralité du texte. En obéissant à ces impératifs profanes, nous
espérons ne pas trahir lesprit qui généra la lettre, et ne pas subir les menaces
énoncées ci-dessus. Car si ce travail est un témoignage, cest aussi, et
peut-être avant tout, un spectacle, et comme tel, soumis aux lois du spectacle.
11, rue Yvonne Le Tac 75018 Paris