La scène est en province. Pour connaître Lélio, à qui on la destine sans même l’avoir rencontré, une jeune Parisienne se déguise en chevalier et se lie d’amitié avec son prétendant. Lequel, abusé, mis en confiance, avoue son penchant pour deux dames presque également riches... La travestie complote alors sa vengeance. Séduction, argent, pouvoir, travestissement sont au cœur des débats.
Ici, les personnages se perdent dans leurs propres mensonges et leurs viles intentions. Dès lors, la comédie écrite en 1724 renvoie à une réalité très actuelle où le matérialisme supplante l’être.
Pour Marivaux, les principes du travestissement, de la duperie (et donc du théâtre) ont la faculté de révéler le revers de la personnalité, d’exhiber le spectre de leurs vrais desseins. Parallèlement, dans La Fausse Suivante , l’illusion et la tromperie rendent possible, à chaque instant, la rêverie.
Nadia Vonderheyden propose une version énergique de la pièce de Marivaux, où les mots coulent à un rythme effréné, et préfère aujourd’hui mener La Fausse Suivante sur un terrain politique, celui de « toutes les guerres, guerres sociales, guerre des sexes et guerre de tous les désirs », écrit-elle.
« Nadia Vonderheyden épouse avec brio les stratégies délicieuses du théâtre de Marivaux dans un spectacle pétillant d’humour. Du théâtre de haute tenue, drôle, frais et réjouissant. » Les Inrockuptibles
« Dans un carnaval de figurines colorées comme descendues d'une toile du dix-huitième, Nadia Vonderheyden fait de la cruauté de Marivaux un enchantement. » La Terrasse
« Une vraie fête des sens. » Rue89
« La Fausse Suivante est la pièce de tous les travestissements et de toutes les guerres. Guerres sociales, guerres des sexes, guerres de tous les désirs. »
Marivaux écrit La Fausse Suivante en 1724, c’est une année qui marque une grande rupture tant au niveau personnel que dans son travail théâtral. Il perd tous ses biens en 1720 dans la faillite de la banque Law, un banquier écossais, et perd sa femme en 1723.
Louis XIV meurt en 1715, on est passé de l’absolutisme à la Régence ; en 1723 Louis XV arrive au pouvoir. On est donc dans des temps de transformation politique, économique et sociale, les modèles sociétaux se transforment et donc les modes de représentations changent. Dans la pièce, six personnages se côtoient et s’entremêlent, trois valets, trois nobles, chacun défendant âprement leurs intérêts et leurs gains, chacun ayant à perdre gros, de sa fortune et de lui même. Parmi ces six figures, deux font alliance dès le début, finalement ceux qui ont tout à gagner et peu à perdre, une femme travestie en homme, le Chevalier, et Trivelin, un homme sans situation, qui passe d’un état à un autre, faisant fortune ou la perdant. Quand la pièce commence, il vient de tout perdre (situation dans laquelle se trouve Marivaux) et se fait embaucher par Frontin comme valet.
Ce travestissement va agir comme un « trouble dans le genre », bouleversant et re-questionnant l’ordre des désirs chez chacun. On pourrait faire un parallèle lointain avec le jeune homme de Théorème de Pasolini.
La Fausse Suivante est en effet une des rares pièces de Marivaux qui ne finit pas sur un « happy-end », mais comme sur un suspens après que l’on ait vu chacun des protagonistes se battre entre désirs et mensonges, alliance et survie. Ils sortent de cette bataille comme hagards, ne sachant bien quelle expérience exactement ils viennent de faire, mais défaits, troublés.
On voit bien en quoi Marivaux peut être un des annonceurs (même malgré lui) de la révolution à venir, d’un « intenable » de cette société où une noblesse dépérit, où une bourgeoisie financière prend sa place, pendant que des valets commencent à nommer leur condition, où les contrats qui
s’y contractent doivent se repenser ; contrats d’intérêts et contrats amoureux ; l’ancien ordre des choses commençant à se fissurer, place est faite pour que de nouveaux désirs émergent, y compris violemment.
Tout cela est pris dans un lendemain de bal, où interviennent des chants et des danses, faisant relais à ces joutes oratoires que sont les dialogues de Marivaux, où chacun faisant face à l’autre, improvisant ses réparties, se découvre lui-même ; où chaque joueur est pris à son propre jeu. Où, masqués, voulant démasquer l’autre, ils se révèlent à une partie d’eux-mêmes.
Nadia Vonderheyden
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