Un hymne à la vie
Rencontre avec Farid Paya
La presse
Depuis sa création, le Lierre a produit plusieurs spectacles où le français était absent ou presque au profit de chants en langages imaginaires et d'actions, dans le cadre d'une réflexion sur le retour aux origines - origine du verbe, origine du chant, origine d'une parole. Ce spectacle est conçu dans la même veine : la parole première sera ici le corps de l'acteur.
L'homme est la seule espèce vivante capable de massacrer de manière organisée ses congénères. C'est un être de guerre. De ce fait même, il est aussi un être pour la paix, afin que la guerre ne détruise l'espèce.
Le spectacle traite du génocide et de la volonté de retour à la vie. Que
faire de cette vie ? Faut-il prolonger la haine ou bâtir autre chose ?
Un trottoir laissé à l'abandon. Un brin d'herbe fend le bitume et la vie
reprend ses droits. La vie restera à jamais rebelle.
Le spectacle utilisera la musique, le chant, la danse, quelques actions essentielles et des langages imaginaires. Il s'agit de trouver là une parole qui soit celle du théâtre et non celle des ONG, des journaux ou des discours politiques.
Quel est le propos de La cantate rebelle ?
Il s’agit d’un hymne à la vie et à sa capacité de se renouveler.
Vouloir la vie envers et contre tout est un acte rebelle. Une image m’a
toujours obsédé : si vous regardez un trottoir mal entretenu, parfois il
se forme une cloque et puis il craque. Un brin d’herbe vient percer le bitume.
Notre force vitale est la première protestation contre les forces "mortifères".
Pouvez-vous nous résumer brièvement le spectacle ?
Un peuple en déroute est massacré. La fiction théâtrale nous permet de faire
revenir à la vie certains d’entre eux, ce sont les sept acteurs. Ceux qui
restent dans le domaine de la mort sont les marionnettes, une mémoire secrète
qui va révéler aux vivants les chemins d’une vie à construire. En fin de
spectacle, la mort a disparu et une route enchantée a été tracée, celle de
la vie. Une question se pose alors : que faire de cette vie retrouvée ?
Continuer la guerre et la haine ou aller vers la paix ?
Ainsi, La cantate rebelle raconte comment un peuple reconstruit la vie avec ses espérances, son passé et ses racines. Que serions nous sans ceux qui nous ont donné la vie ? Une société qui romprait avec sa mémoire serait vouée à la disparition, faute de racines.
Quelle est la part de politique dans La cantate rebelle ?
Je ne crois pas en un théâtre qui propose des solutions politiques. Par
contre, le théâtre est le lieu de l’interrogation. Poser des questions qui méritent
débat. Dans La cantate rebelle se pose la question de la vengeance ou de
la paix. Nous proposons à chaque spectateur d’y réfléchir avec nous. Cet
acte de dialogue est peut-être l’aspect le plus politique du théâtre.
Comment ce spectacle s’inscrit-il dans l’actualité ?
Un spectacle n’a pas vocation à resservir les images atroces que nous voyons
de manière banalisée sur les écrans de télévision. Le théâtre doit rester
un lieu de jubilation même si nous traitons de questions graves. Aussi dans La
cantate rebelle, après un bref épisode où nous voyons tous les acteurs périr,
ce qui est en question c’est le retour à la vie. Cet impossible, le théâtre
le permet : revenir à la vie, goûter à nouveau l’eau et l’air,
apprendre à chanter, fabriquer à nouveau la vie avec tout ce que l’on possède
en soi et ce que nous ont légué les morts.
Délibérément, le spectacle ne se passe dans aucun pays précis. Nous avons choisi de parler d’un peuple de paysans, de notre siècle, de gens parlant une langue imaginaire.
Quel langage est utilisé dans La cantate rebelle ?
La langage utilisé dans ce spectacle est le langage du théâtre :
musique, danses, action et langues imaginaires, sachant que d’autres lieux de
parole existent chez les citoyens, dans les ONG, les journaux ou chez les
politiques. Nous avons voulu, ici, faire parler la matière même du théâtre.
" La fable, abrupte et touchante, suit les personnages dans leur quête d'une raison de vivre après l'horreur. Un spectacle écrit en langage imaginaire, où les chants polyphoniques s'inspirent du chant populaire italien, slave ou yiddish. " Le Monde, avril 2003
" Sans paroles, mais en utilisant des langues totalement réinventées et une musique omniprésente, Farid Paya et sa bande cherchent comme à l'accoutumée à nous offrir de grandes émotions scéniques et de belles matières à réflexion, à partir de sonorités brutes, d'images fortes. Une expérience toujours intéressante. " Fabienne Pascaud, Télérama, février 2001
" Une fable à entendre, à recevoir avec le corps, les émotions du corps parce qu'on y parle un langage imaginaire. " Monica Frankini, France Culture, mars 2001
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