Théâtre, ombre et marionnettes.
Le récit prend forme au moment où la mère de l’auteur, une vieille dame de 92 ans, ancienne sage-femme,annonce à ses enfants qu’elle va mettre fin à ses jours tel jour, telle heure… Mourir debout, mourir seule avant que la maladie ou la démence ne décide pour elle. La dernière leçon raconte le cataclysme que cela provoque chez l’auteur sous la forme d’une longue lettre, à la première personne, écrite à sa mère quelques mois après sa disparition.
La narratrice s’insurge, se révolte, essaye d’arrêter cette horloge, mécanique, implacable… Elle lui dit aussi le bonheur de ces dernières semaines de leur vie complice où sa mère n’eût de cesse de l’accompagner sur le chemin de sa mort, volontaire, apprivoisée, apaisée. Une dernière leçon.
L’écriture est acérée, pudique. Les mots prennent corps, semblant naître d’une longue macération.
La dernière leçon n’est pas traité comme un récit-témoignage, un fait divers, une question de société sur le droit de mourir dans la dignité mais comme un conte philosophique, un voyage intérieur, initiatique. Voyage de la narratrice. Elle est au centre du récit, elle en est le coeur, sa respiration. Nous l’appellerons Alice, en référence au personnage inventé par Lewis Carrol.
Alice est seule en scène, tour à tour enfant, jeune fille, femme, se transformant au gré de ses rencontres, de ses découvertes, de ses émotions, de ses souvenirs entre-mêlés. Deux autres personnages accompagnent ce voyage : la Mère et la Mort. Ils sont traités en théâtre d’ombres et marionnettes.
A travers le miroir… Il faut entendre La dernière leçon comme un chant d’amour. Chant d’amour d’une fille à sa mère, à cette sage-femme qui a consacré son existence à donner la vie et qui prit la liberté de se donner la mort.
L’adaptation ne retient qu’une quarantaine de feuillets sur un manuscrit qui en comporte cent soixante. Elle est fidèle à la structure des phrases, au rythme de la prose. Les rares dialogues entre la mère et la fille.
La collaboration avec Jean-Pierre Lescot a été précieuse dans la composition des images, la construction de l’espace poétique. Il nous fallait chercher les contrepoints à la gravité du propos : la distance et l’humour ne sont jamais absents de ce travail.
Cette mort désirée n’est que l’accomplissement d’une vie riche de beautés. Certes il y a les derniers jours qui précèdent l’acte final, qui nous entraînent dans ce « couloir de la mort » où Alice vacille, le corps déchiré, tandis que la Mère, seule chez elle se prépare sereinement.
Gérald Chatelain
45 rue Richard Lenoir 75011 Paris