Maître Pathelin, avocat désargenté, las de sa minable situation que n’a de cesse de lui rappeler son épouse Guillemette, se met en quête de revenir les bras chargés d’étoffes acquises par la seule force de son verbe…
Première vraie comédie de la littérature française, La Farce de Maître Pathelin était jouée par des compagnies d’étudiants, les jours de marché, en marge du théâtre officiel.
Elle est souvent comparée aux pièces de Molière dont elle annonce l’esprit.
Phénomène unique, c’est un météore qui percute la langue française à la fin du XVème siècle et dont le choc est encore perceptible aujourd’hui. Elle nous laisse une expression mystérieuse : « revenons à nos moutons » et fait du nom de son héros un mot de la langue commune.
Seule farce vraiment connue du théâtre du Moyen-âge, atypique par sa longueur, la complexité de la langue et de l’intrigue, elle n’a jamais cessé d’être jouée depuis sa création et fait partie aujourd’hui des « classiques ».
La Farce de Maître Pathelin met en scène l’affrontement entre un homme instruit qui n’a jamais obtenu de véritables diplômes, un commerçant enrichi qui ne pense qu’à accumuler et un berger sans instruction qui vole pour assurer sa subsistance.
Ça manigance, exploite, escroque.
L’argent domine.
« Œuvre saillante d’un âge de fripons » selon Michelet, La Farce de Maître Pathelin est encore parfaitement d’actualité. Entre la soif du gain et le manque, la vie apparaît comme une urgence.
Ici les stratégies de survie passent par celles de la langue. Que de la gueule !
La parole se déchaîne, mêle la moquerie à l’effroi et fait son carnaval : elle déborde, dynamite, abuse, renverse.
On ne joue pas La Farce de Maître Pathelin, on s’y jette comme dans une bataille. Une bataille de polochons. Il faut de la jubilation, une bonne santé physique et l’ombre d’une hargne souterraine.
Vidée de toutes positions morales, la pièce offre le malin plaisir de faire table rase. À la fin, tout est à réinventer. C’est la force de la farce. Nous voilà prêts à y succomber.
Qu’un auteur sans nom surgi du XVème siècle nous traite de tous les noms, avec cette vigueur folle et exemplaire, procure, en ces temps mélancoliques, un troublant et très certain réconfort.
Agnès Régolo
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