En 2002, dans une mise en scène qui a fait date, Lavaudant a déjà présenté sa vision de La Mort de Danton. S’il y revient, c’est qu’il y a aujourd’hui urgence. Rappelez-vous, c’était hier ou presque : on se croyait entrés dans la fin de l’Histoire. On se persuadait que l’économie seule régissait nos vies. La politique n’était plus qu’un jeu d’ombres. Tout paraissait joué…
Dix ans plus tard, la recréation de La Mort de Danton est l’occasion de reformuler des interrogations essentielles. Devant nous, avec nous, les protagonistes débattent de grandes questions esthétiques, métaphysiques – politiques, toujours. L’exercice de la pensée est omniprésent tout au long du drame. Büchner pousse le versant réf lexif de l’art dramatique plus loin que personne avant lui. Mais les questions qui se posent sur ce théâtre d’idées sont toutes de chair et de sang, terriblement urgentes et concrètes. Par exemple : faut-il tuer pour ses convictions, ou mourir pour elles ? « Je préfère être guillotiné que guillotineur », répond Danton – mais Robespierre a-t-il tort pour autant ? Büchner, génialement, refuse tout verdict facile. C’est qu’il se veut poète, lui qui note dans une lettre à sa famille : « le poète dramatique n’est à mes yeux rien d’autre qu’un historien, mais se tient au-dessus de ce dernier dans la mesure où il crée pour nous l’histoire une deuxième fois […] ». Büchner, inventeur de réalité, nous montre « des caractères au lieu de caractéristiques et des figures au lieu de descriptions ». C’est en poète qu’il donne à voir des existences à notre image – des libertés contraintes, qui se battent et qui pensent, avançant à tâtons dans le chaos du temps.
Daniel Loayza
Traduction Jean-Louis Besson et Jean Dourdheuil.
Nulle autre révolution n’aura porté à ce point critique toutes les données d’un théâtre tragique : l’Histoire « avec sa grande hache », comme disait Perec.
Les idées neuves. Et, pour les incarner, les deux faces d’une même utopie, mais dont l’une, celle de Robespierre, va dévorer l’autre en immolant Danton. L’homme qui écrit La Mort de Danton n’a pas vingt-deux ans. Et il lui reste deux ans à vivre. Etudiant en médecine, puis professeur de zoologie traqué pour ses positions subversives, il n’aura donné que des chefs-d’oeuvre – dont Lenz et Woyzeck – avant de disparaître.
Avec La Mort de Danton, le poète et dramaturge allemand compose un drame au plus près de l’implacable mécanisme conduisant, en quelques jours du printemps 1794, les adversaires politiques de Robespierre à la guillotine. Danton, qui tantôt abdique, tantôt se refuse à se laisser emporter vers la mort, réactive les grandes figures shakespeariennes qui marchent vers le néant. Et cependant, au nom de quoi cet homme consent-il au supplice ? Une telle question pourrait disqualifier l’utopie des Lumières. Du moins la nuancer. À la manière ambivalente de Goya intitulant l’une de ses gravures : « Le songe (ou le sommeil ?) de la raison produit des monstres ». Nul doute que ce qui tremble et vacille dans cette interrogation est furieusement d’actualité.
« On se délectera entre autres (…) du plaidoyer de Danton (l’absolument extraordinaire Patrick Pineau), magnifique taureau se débattant face à la mort. » Un Fauteuil pour l’orchestre, Joséphine Bécart
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