Présentation
Des portes qui claquent et ouvrent sur le vide…
Petite définition empruntée
au Robert de La langue du Théâtre
Mon Isménie !
Le Dossier de Rosafol
Les Suites d’un premier lit
Toute la virtuosité d’Eugène Labiche à travers trois pièces au comique d’autant plus redoutable que chacune doit trouver son issue au bout d’un acte… et un seul ! Chassé-croisés, quiproquos, carambolages ; mesquinerie, vanité, avarice… l’absurdité est parfaitement articulée, la machine impitoyable !
" Nous avons ri, nous avons fait rire, j’espère qu’il nous sera beaucoup pardonné. " Eugène Labiche (Discours de réception à l’Académie Française)
« Ah ! qu’il est doux de rentrer chez soi, de voir ses meubles et de s’y asseoir ». Cette aspiration de Monsieur Perrichon, dans la pièce de Labiche traduit à peu près l’aspiration tranquillement bourgeoise de tous les personnages du maître du vaudeville.
Las ! rien ne va : les rencontres inattendues et les coïncidences, les faux hasards et les fausses sorties transforment le rêve en un cauchemar où les personnages sont lancés dans une course tellement folle qu’ils s’y précipitent jusqu’à l’égarement dans une logique absurde qui devient surréaliste.
Dans Mon Isménie !, Vancouver est prêt à tout pour ne pas perdre sa fille. Dans un désir incestueux à peine voilé il multiplie les scénarios pour faire fuir les prétendants. Jusqu’à l’arrivée du beau Dardenbœuf…
Rosafol, divorcé en Suisse s’est remarié avec une femme assez sourcilleuse sur le chapitre de la vertu. Gare aux jolies soubrettes surtout quand la dernière arrivée n’est autre que son ex-femme ! (Le Dossier de Rosafol)
Enfin, le pauvre Trébuchard, sémillant jeune veuf, encombré de la fille de sa première femme qui a le double de son âge cherche à tout prix à s’en débarrasser pour épouser la belle Claire. (Les Suites d’un premier lit)
Trois pièces en un acte donc où les situations les plus cocasses sont jouées dans un décor unique avec les mêmes comédiens, pour mettre à jour l’extraordinaire machine théâtrale rythmée par les entrées et les sorties, le bruit des portes qui claquent et s’ouvrent finalement sur un vide vertigineux jusqu’à la panique.
Jointe à une observation juste de la société sous le Second Empire, cette extraordinaire mécanique de précision lancée à cent à l’heure jusqu’à épuisement des personnages confine à la folie la plus hilarante.
Mais pour qu’elle fonctionne, les comédiens oubliant le ton « conversations de salon », doivent plonger dans chaque phrase comme s’ils jouaient leur va-tout, être tout entier corps et esprit dans l’instant de la parole qui se formule et soudain bifurque, qui dit et se contredit avec la même évidence, la même naïveté.
Alors, peut-être est-il possible de fondre dans le jeu le réalisme grinçant et la folie comique, de manière à voir les personnages comme des marionnettes qui n’auraient perdu en rien leur relief d’êtres vivants, mais devenus grâce au mouvement endiablé de véritables figures sans temporalité.
Anne-Marie Lazarini, création de Labiche en 3 actes, janvier 2003.
Vaudeville
Genre théâtral qui, aujourd’hui, appartient au registre du théâtre de boulevard. Il s’est constitué sur une période suffisamment longue pour avoir donné lieu à une grande variété de pièces.
Le mot viendrait d’une déformation de vaudevire en vaudeville au XVIIème siècle. Un foulon – artisan qui foulait les draps – normand, Olivier Basselin (vers 1400-1450) composait des vaux-de-vire ou vaudevires, autrement dit des chansons dans la Vallée ou le Val de Vire. Quand ces chansons, après avoir recueilli du succès auprès des habitants des campagnes, passèrent dans les villes, on les appela vaudevilles (ou voix-de-ville).
Ainsi, les vaudevilles primitifs sont-ils des « pièces en chansons » qui se multiplièrent surtout dans le contexte de la foire, quand le monopole de la Comédie Française obligea les forains à inventer de nouvelles formes d’expression ; c’est ainsi que les acteurs, au tout début du XVIIIème siècle, interdits de parole, tiraient de leur poche des rouleaux de papiers, puis faisaient dérouler des écriteaux sur lesquels des comparses disséminés dans la salle pouvaient lire les couplets que les spectateurs reprenaient. […]
Dancourt (1661-1725), en particulier, était l’auteur de « dancourades », qui se présentaient comme des petites pièces en prose prenant pour thèmes des anecdotes scandaleuses. Dans Le Chevalier à la mode, le chevalier dit, en parlant de ses vers : « On les a retenus, on en a fait des pièces de théâtre, et en moins de deux heures, ils sont devenus vaudevilles. » D’où l’expression passée dans le langage courant : « tout finit par des chansons ». Au XIXème siècle encore, les vaudevillistes pouvaient dire : « Ma pièce est terminée, je n’ai plus que mon vaudeville à faire. »
L’idée de brièveté, de polémique ou de divertissement préside alors aux diverses sortes de vaudevilles, qu’il s’agisse de vaudevilles politiques, de vaudevilles bachiques ou airs à boire, d’airs tendres appelés brunettes ou pastourelles ; ce sont tous des vaudevilles chansons. Le public reprenait les couplets puisque les airs étaient connus, le principe étant de composer des paroles nouvelles sur des airs préexistants.
C’est vers 1860 que le vaudeville subit une mutation considérable : il perd ses couplets.
Après 1870 et les misères de la guerre, le genre ne fait que s’épanouir. Notre époque a retenu deux noms : Eugène Labiche (1815-1888) et Georges Feydeau (1862-1921).
"La comédie est l’art de faire rire avec orthographe.
Le vaudeville est l’art de faire rire sans orthographe.
Le drame est l’art de se faire jouer par Sarah Bernhardt." Eugène Labiche
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