Il paraît aussi que maintenant tu me vouvoies comme une passante. Je suis devenue si lointaine ? Et de quel droit me donnes-tu un nom de gâteau ?
Il l’appelle « Chère Charlotte ». Elle dit : « Mon pauvre amour ». Le ton est douloureux. En fait, un des deux interlocuteurs manque. Celle qui répond au nom de Charlotte n’appartient plus au monde des vivants. Aussi celui qui s’adresse à elle est-il en quelque sorte obligé de faire les questions et les réponses. Car Charlotte a bien existé. Elle a mis fin à ses jours, il y a un peu plus d’un an.
Régis Jauffret, auteur et acteur de ce Lacrimosa qu’il interprète seul sur scène, s’adresse ainsi à celle qui a disparu. En tant que romancier, il n’a pu s’empêcher d’imaginer des répliques venues d’outre-tombe. Lui qui s’est toujours défendu d’écrire des récits autobiographiques a pris une fois encore le détour de la fiction. S’agissant de traiter un sujet aussi intime, il lui a fallu quand même en passer par cette affabulation. Histoire d’entendre une fois encore la voix de l’absente. Ou de lui donner la parole au-delà de la mort. Rien d’étonnant alors s’il a souhaité – n’étant pas comédien – interpréter en personne sur les planches les deux protagonistes de ce dialogue. Le théâtre n’est-il pas le lieu où l’on fait parler les morts ?
D’après le nouveau roman de Régis Jauffret lu et interprété par Régis Jauffret sous le regard de Anne Bourgeois.
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