Le Pont de San Luis Rey

D’un roman magnifique, Irina Brook trace avec humour et sensibilité le portrait de cinq personnages hauts en couleur.

Depuis Une bête sur la lune qui lui valut des brassées de lauriers et de Molières, Irina Brook se plaît à jalonner son parcours de spectacles sertis d’humour et de gravité, qui explorent l’âme humaine en nous interrogeant sur le sens de la vie. C’est parce que ces thèmes sont au cœur du roman de Thorton Wilder, Le Pont de San Luis Rey, qu’Irina Brook a décidé de l’adapter pour la scène.

Au XVIIIe siècle au Pérou, la rupture d’un pont en osier qui reliait Lima à Cuzco précipite cinq personnes dans le vide. Un frère franciscain qui assista à l’accident y vit un signe du ciel et au lieu de se dire ce qu’on se dit dans ces cas-là : “ Cinq minutes plus tard, c’était moi. ”, il se demanda “ pourquoi eux ? ” et se mit à enquêter sur leur vie pour le découvrir.

Nous est ainsi livrée, sur le ton de la chronique, la biographie de cinq personnages hauts en couleur. Avec une actrice, la Périchole, comme fil conducteur, on croise une Marquise excentrique, des jumeaux taciturnes et orphelins, un Pygmalion aussi exigeant que truculent. On suit leurs aventures, on partage leurs passions car chacun a de bonnes raisons d’être attachant et voilà qu’en plein élan du récit et de leur vie, ils empruntent le pont et c’est la chute.

Si ces vies foudroyées nous renvoient à des catastrophes récentes, ce n’est qu’en filigrane au détour d’un texte qu’Irina Brook ne cherche pas plus à folkloriser qu’à le tirer vers le présent. Tout vient de la force narrative et de la pulpe d’une écriture qui s’offre à la fois comme un magnifique terrain de jeu pour les acteurs et comme profonde réflexion sur la vie et la mort. Il nous dit que l’amour pourrait bien être le pont jeté entre les deux.

Nous retrouverons cette émotion, cette tendresse, cet humour, cette générosité qui magnifient l’art de l’acteur, et sont la marque des spectacles d’Irina Brook.