Juin 97, France-Brésil. Roberto Carlos est seul, à trente mètres de la cage, à trente mètres du but. Il prend son élan, s’élance, son tir contourne le « mur ». Il réussit l’impossible et marque… un but d’exception ! Incroyable ! Une courbe improbable ! Goooooooaal !
Certes ! Mais cela ne fait pas une pièce de théâtre, à moins que…
Lui aussi est seul. Il veut quitter son pays. Il veut devenir footballeur en Europe. Un rêve, un espoir, un sauvetage. Il revit son périple, cherche ses mots… Les mots qui ponctuent les étapes. Fuite, route, tunnel, barbelés, frontière, interrogatoire. Ou bien encore, passeur, corruption, bakchich, racket… Parfois, attente, espoir… Plus souvent, désillusion, fatigue, douleur, faim, abattement, épuisement.
Il ne raconte pas, mais évoque, pense à voix haute, offre son regard. La parole est là, au présent du doute, tantôt rugueuse et abrupte, tantôt aérienne et musicienne. Est-ce le personnage qui parle ? Est-ce le narrateur ? L’intermédiaire ? Le comédien ? Il est avec nous et nous sommes avec lui, dans « les hautes herbes » qui masquent l’horizon.
Avec lui ? Avec eux ! Moussa, Vlad, Rarek, Anita, Kossi, Yanis, Sali, Dit Mir, Adama, Garda, et l’Albanais, et « les deux noirs », et « la femme », et « les quatre des Balkans », et tant d’autres qui frappent à nos consciences, tentent de réussir l’impossible, de prendre la bonne route, la bonne trajectoire, de marquer un but, de contourner le mur…
C’est au coeur des mots que Michel Simonot est allé tracer les sillons d’errance, « les lignes de lunes à fleur de fer ». Un texte fort. Un coup… franc et poétique.
Dans sa mise en scène, Hassane Kassi Kouyaté souhaite « un spectacle où l’histoire tisse son cours en arrière-plan des vies humaines », et, dans la nudité du plateau, le digne fils du capitaine de l’équipe de football du Burkina Faso fait de la scène une surface de réparation.
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