Barillon, avec désespoir. – J’ai une femme et un mari !
Madame Jambart. – Mais alors, on va nous traîner devant les tribunaux ?
Barillon. – Nous n’avons qu’une chose à faire : partons pour la Turquie.
Scène X Acte 2.
Voici enfin une pièce qui commence là où les autres finissent : Barillon doit épouser la jeune femme qu’il aime. Les invités sont là, la famille, les futurs époux ainsi que monsieur le maire. Rien que du très réjouissant. Bon, il est vrai que des petits contretemps en font un mariage ou la solennité fait place aux ardeurs d’un champ de course, d’une foire populaire voire même d’un ring de boxe. Tout part vite, très vite. Mais comme promis, dès la fin du premier acte, tout est réglé. Barillon peut commencer sa vie de couple souhaitée. Et là, forcément, on va enfin découvrir et vivre tout ce que le théâtre ne nous dévoile jamais, tout ce qui se passe quand le rideau est retombé…
Enfin presque, allez comprendre, car légalement, Barillon est devenu le beau-père de son ex-future épouse, le mari de son ex-belle-mère, le mari du premier mari de son ex-belle-mère donc le mari d’une femme « Bighomme ». Et là, les choses ne partent plus très vite, elles sont déjà parties : il ne reste plus aux personnages qu’à tenter de les rattraper, aller très vite, bien serrer les virages et tout faire pour ne pas chuter. Les spectateurs ? Nous sommes comme les personnages. Sur une montagne russe. On a les boyaux noués et l’on voudrait que cela ne cesse jamais.
Par la Compagnie In Cauda.
Le Mariage de Barillon est pour nous, plus qu’une très bonne pièce de Feydeau. Beaucoup moins connue que le Fil à la patte, La Dame de chez Maxim ou Tailleur pour dames, elle a les grandes qualités de ces très grandes pièces avec un petit quelque chose en plus, une petite porte entrebâillée sur un monde alors quasi inconnu, ce qui d’ailleurs lui a valu certainement son échec à l’époque. Mais revenons sur ses grandes qualités communes aux autres pièces.
Sa construction en trois actes.
Les pièces en un acte de Feydeau étant excellentes il nous est très difficile de dire que celles en trois actes
sont mieux construites. Dans l’un ou l’autre cas, la piste de décollage, l’exposition est fort courte. Mais trois
actes, quoiqu’il en soit c’est plus long, c’est donc chez Feydeau plus vertigineux, plus mouvementé, les
combes sont plus encaissés et les sommets plus hauts.
Ses personnages.
Il nous faut 10 comédiennes et comédiens pour donner Le Mariage de Barillon. Les contraintes économiques
de notre temps rendent cela difficile au théâtre. C’est cependant ce que nous allons faire. Chez Feydeau, le
nombre de personnages est un facteur exponentiel de non sens, d’embrouilles, de possibilités de dérapage.
Pour permettre à la pièce d’exister comme elle a été pensée, écrite et créée nous pensons également à nous
permettre de réintégrer ces nombreux figurants. Une noce à 10 manque tout de même de charme.
Ses thèmes inaltérables.
Qu’il s’agisse des rouages de l’administration, du bien fondé du mariage ou de la sauvegarde de l’honneur
quoiqu’il en coûte, Le Mariage de Barillon vogue sur des thèmes qui comme de fortes vagues sur la mer, hérissent
encore les esprits. Ou les émoustillent. Car s’il s’agit du mariage à trois, il s’agit également des vues
d’une belle mère sur son gendre, de l’abandon de sa jeune épouse à un jeune homme plus vivifiant…
Voyons maintenant ce petit plus que l’on soupçonne :
Le cadre d’une pièce de Feydeau reste l’un des débats les plus établis dans l’histoire de la dramaturgie :
faut-il oui ou non qu’il soit sévère afin que les personnages puissent mieux « déraper » ? Bien souvent, la
question se pose au niveau du simple « décor ». Décors que Feydeau décrit toujours de façon minutieuse.
S’il s’agit d’un simple cadre, l’auteur s’autorise pourtant le droit incessant d’y déplacer ses personnages,
notifiant constamment la plupart des déplacements.
Plusieurs fois, dans le Mariage de Barillon des non choses « jouent » et se mettent même à parler. (comme le phoque). Il y a aussi de nombreuses scènes de portes claquées, de portes « boucliers »… Et sans aucun jeu de mot, cela ne peut que nous mettre la puce à l’oreille.
Chez Feydeau, le texte comme nous l’avons vu joue de lui-même, les comédiens jouent et ici, dans cette pièce, de façon flagrante, les choses, les objets également. Nous ferons donc jouer tout cela. Mais comprenons nous bien, le globe terrestre de Chaplin dans le dictateur ne pouvait en aucun cas être un globe terrestre normal. Il devait devenir un globe en représentation, gonflé, grimé pour pouvoir saisir l’espace, voler… Il s’agira pour nous d’opérer le même « travail » avec les éléments « décors » de notre mariage.
Place du théâtre (quartier de la Mairie) 94130 Nogent-sur-Marne
Voiture : Autoroute A4, au niveau de la Porte de Bercy en venant de Paris, prendre la sortie n° 5 “Nogent-sur-Marne”, rester sur la voie de gauche.