Afin d’épouser la fille du riche Buonafede, passionné d’astronomie, Eccletico se fait passer pour un astrologue qui pourrait lui obtenir une invitation sur la lune. Il le dupe avec un télescope trafiqué montrant des jeunes filles soumises et caressantes envers les vieillards. Conquis, Buonafede décide de suivre Eccletico et boit un somnifère qu’il pense être la potion permettant d’atterrir sur la lune.
Aidé du valet Cecco, Eccletico transforme son jardin en espace lunaire et réveille Buonafede, persuadé d’être arrivé à destination. Le crédule bourgeois est accueilli par l’empereur de la lune qui n’est autre que Cecco déguisé. Savourant les joies du monde sublunaire,il réclame alors sa servante et sa fille auprès de lui, faveur qui lui sera accordée s’il accepte de les donner en mariage à Cecco et à Eccletico. Buonafede cède et va jusqu’à se délester de son or, désormais inutile dans ce monde merveilleux.
La comédie révélée, Buonafede entre dans une colère noire mais finit par pardonner à tout le monde la supercherie dont il aura été victime.
Il mondo della luna (Le monde de la lune) est un opéra bouffe du compositeur autrichien Franz Joseph Haydn sur un livret de Carlo Goldoni représenté à la cour en 1777 pour les noces du fils de Nicolas Esterhazy. Nous adaptons l’oeuvre de 2h40 composée pour 7 chanteurs en une version d’1h35 jouée par 5 chanteurs (soprano, mezzo-soprano, contre-ténor, ténor et basse) et un piano en dialogue avec une création sonore.
L’histoire est caractéristique du théâtre de Goldoni : sur une trame de commedia dell’arte, le dramaturge greffe une comédie de moeurs acide où la duplicité des personnages est constante et où les rôles de jeunes premiers, généralement innocents et désespérés, sont ici les vrais concepteurs du complot. Les personnages que Goldoni a créés sont des représentants ordinaires du peuple et de la bourgeoisie.
À l’affût de sujets sociaux à moquer dans un monde changeant (Siècle des Lumières), il a su trouver avec Il mondo della luna le juste ton ; un regard amusé qui fait le charme de ses comédies sans délaisser pour autant la lutte contre l’intolérance et les abus de pouvoir.
Le livret d’un cynisme savoureux est servi par la musique pétillante mais raffinée, à la gaîté comique mais jamais grotesque, de Joseph Haydn. Le « père de la symphonie classique » sait brillamment illustrer les situations comiques de Goldoni.
Sa musique étoffe l’intrigue truculente, porte l’action à ses rebondissements et souligne avec finesse la personnalité et les comportements des personnages. Les récitatifs fignolés et véritablement théâtraux alternent avec des airs expressifs qui embarquent le spectateur dans une folie féerique ciselée dans les moindres détails.
Le duo Haydn/Goldoni nous délecte donc d’une comédie de situation inventive où la lune est le « deus ex machina » qui gouverne les hommes. Astre le plus visible après le soleil, la lune, objet de fantasmes devient un monde utopique de tous les possibles où les valets deviennent empereurs, le bourgeois à la recherche de femmes dociles et aimantes se fait manipuler et rabaisser à l’état d’esclave, les femmes gagnent leur liberté…
Alexandra Lacroix
73, rue Mouffetard 75005 Paris