Le pays lointain

Après des années d’absence silencieuse, Louis décide soudain de retourner là-bas dans sa ville natale, de retrouver les siens et leur annoncer lui-même qu’il va bientôt mourir… La mère, le frère, la sœur et la belle-sœur le reçoivent comme un revenant, cela fait si longtemps… On s’embrasse ? Par quoi commencer ? Et pourquoi Antoine ne dit-il rien ?

Mais une foule immense accourt pour être aussi de la photo de famille, tous ceux et toutes celles, proches ou lointains, morts ou vivants, que Louis a pu croiser durant sa brève existence : le père, mort déjà il y a belle lurette, qui devance le reste de la tribu, des aïeux aux neveux ; l’amant de Louis, le "préféré", décédé lui aussi de la même maladie qui… ; et voici la ribambelle des garçons que Louis a aimés (il aurait bien voulu), et tous les autres encore à peine frôlés, jamais revus ; et les ami(e)s, les ami(e)s des ami(e)s, Longue date, Hélène, bref, la grande famille des humains qui auront fait la vie de Louis - il faut tous les retenir, tout rattraper, à l’heure de mourir, à l’heure du jugement dernier…

Ultime pièce de Jean-Luc Lagarce (1957-1995), qui clôt prématurément une des œuvres dramatiques les plus riches et singulières d’aujourd’hui, Le Pays Lointain est ce magnifique rêve de théâtre impossible en guise d’adieu au monde, une dernière tentative, ironique et fière, joyeuse et désespérée, pour saisir enfin l’essence même de l’existence ici-bas, un ultime sourire avant le clic-clac final : rideau !

François Rancillac