Lenz

Paris 18e
du 6 janvier au 8 février 2003
60 minutes

Lenz

" Etre au plus près de Lenz, le suivre à la trace - l'odeur que ça a - et refuser tout état d'incarnation douloureuse ou prophétique, même si c'est parfois dans une souffrance que Büchner devient un œil voyant qui s'emplit de larmes et de vérité. " Arnaud Saury

Présentation
Un mot de l'interprète
La presse 
L’énergie du désespoir par Jean-Noël Cadoux - Sud-Ouest
Les Marches en marge par Valérie de Saint-Do - Cassandre

L'adaptation, proposée pour un comédien, retient l'essentiel du récit et en respecte la chronologie.
Le travail pose le juste endroit de la prise de parole entre la distance du "il" du récit et l'incarnation du "je" ; faire en sorte que l'on ne sache jamais d'où vient cette parole, cette voix, ne jamais définir qui porte ce texte sur le plateau : l'auteur ? un témoin ? Lenz lui-même ? ou bien encore et, plus sûrement, quelqu'un d'autre, moins identifiable, plus indéfinissable (et donc plus troublant). Comment rester toujours sur cette frontière, tout comme Lenz, arraché à lui-même et constamment confronté à des fins qui sont au-dessus de ses forces ?
Même auprès du pasteur Oberlin, où il va chercher secours, il ne parviendra pas à être lui-même ; la folie qui le submerge, même s'il la combat, est cependant la seule voie qui s'offre à lui car elle seule lui permet de se séparer du monde extérieur, et, partant, devient un principe de survie.

" Les moments les plus heureux étaient encore ceux où son esprit semblait chevaucher une quelconque idée délirante. Car c'était malgré tout un peu de tranquillité, et son regard éperdu n'était pas aussi atroce que l'angoisse assoiffée de salut, que la torture infinie de l'inquiétude..."

La scénographie : l'espace choisi est un espace réduit, vide, mais sans limite. Du sol, la lumière éclaire par transparence un plancher de dalles couleur anthracite, qui donne ainsi l'impression de bouger, de se dérober.

"…et alors cela s'éloignait, la terre se dérobait sous son corps, elle devenait aussi petite qu'une planète errante…"

La lumière, élément important de la scénographie, travaille sur les ombres et la pénombre : elle structure l'espace, fragmente le corps, le visage de l'acteur-récitant, le faisant apparaître, disparaître imperceptiblement.

Jean-Luc Terrade

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Etre au plus près de Lenz, le suivre à la trace - l'odeur que ça a - et refuser tout état d'incarnation douloureuse ou prophétique, même si c'est parfois dans une souffrance que Büchner devient un œil voyant qui s'emplit de larmes et de vérité. Seule la langue de Büchner est une ombre vivante de Lenz - plus attachée à reconnaître et à dire la folie qu'à sombrer elle-même - poussée par l'élan triomphant et désespéré du jeune homme. Le récit reste actif, c'est un troisième œil qui veut savoir, aussi pressé qu'effrayé par la démence qui poursuit Lenz. La déchirure de Lenz n'ouvre pas sur ses propres souffrances, elle révèle des blessures plus profondes : c'est l'endroit d'un souvenir défiant sa propre mémoire."  Arnaud Saury

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"Un spectacle qui a permis à l'acteur Arnaud Saury de réaliser une véritable performance artistique dans Lenz de Büchner, sobrement réalisé par Jean-Luc Terrade"  A. Camp L'Avant-Scène 

"Itinéraire d'un poète trop lucide pour espérer : Lenz, monté par Terrade et Arnaud Saury. Un diamant noir pour une heure sur la nouvelle scène du Bouscat." J.N. Cadoux Sud-Ouest

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Itinéraire d’un poète trop lucide pour espérer : « Lenz », monté par Terrade et Arnaud Saury. Un diamant noir pour une heure sur la nouvelle scène du Bouscat

Un matin de ce mois de janvier 1778, en Allemagne, un homme échevelé marchait en montagne. Il ne rigolait pas. Allemand, romantique, admirateur de Goethe, assoiffé d’absolu, il se nommait Jacob Michaël Reinhold Lenz. Poète maudit, dramaturge peu joué, « il cherchait quelque chose comme des rêves perdus mais il ne trouvait rien ». Hébergé chez un pasteur alsacien, Oberlin, qui tentait de calmer ses déchirements intérieurs en lui parlant de la miséricorde divine, Lenz prit le prêcheur au mot et s’en alla défier les dieux. Cognant ses poings aux nuages face au cadavre d’une fillette trouvée morte chez des paysans, il réclama un signe du ciel pour croire encore à la Terre, que cet enfant se lève et marche. Le silence divin le laissa à moitié fou, « l’enfer était en lui ». On perdit sa trace en Russie où il mourut en 1792.

Avec la compagnie bordelaise les Marches de l’Eté, Jean-Luc Terrade et Arnaud Saury ont suivi sa trace en cosignant la mise en scène de « Lenz », œuvre forte pour un seul personnage. L’itinéraire de cet écrivain possédé par une lucidité, qui est toujours le pire des cadeaux, fut raconté par son compatriote Georg Büchner, homme révolté, mort à 24 ans (1837) après avoir publié des pièces telles que « Woyseck » ou « La Mort de Danton », toujours inscrites au répertoire. Monument de l’âme germanique, sa nouvelle, « Lenz », est devenue objet de culte pour les romantiques : beaucoup d’Allemands font chaque année le « pélerinage » à Waldersbach (près de Colmar), où l’on visite encore le presbytère d’Oberlin.

Ombre vivante

Histoire d’un homme au bord du gouffre, le récit écrit par Büchner offre à la scène un monologue qui n’est pas à la portée du premier acteur venu. Formé au Théâtre national de Bretagne en 94, remarqué dans ses rôles chez Tchekhov, Heiner Müller, Brecht et Beckett, Arnaud Saury a relevé le défi. Avec la complicité bordelaise de Terrade, « Lenz » fut créé au Festival International de Tours en novembre dernier et revient en Gironde sur la nouvelle scène des Marches de l’été, au Bouscat.
Comme souvent chez Terrade, la lumière est travaillée comme un acteur à part entière, avec, sur la bande-son, quelques gouttes de Mahler et de Schubert. Dans ce nouvel espace de travail, équipé d’une scène de belle taille, l’ex-locataire du TNT a d’abord fait poser les projecteurs. Leurs pinceaux jouent avec Saury et des mots d’une richesse qui donne à voir autant qu’à penser, allumant, dans les têtes, les images de ces pentes herbeuses sur lesquelles Jacob Lenz court derrière l’infini.

Jean-Noël Cadoux - Sud-Ouest

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Evadé du TNT, Jean-Luc Terrade, fondateur des Marches de l’Eté, a monté au Bouscat, dans la banlieue de Bordeaux, ce qu’il qualifie d’ « espace de travail, centre de recherche et d’expérimentation ». La recherche, le travail sur le jeu y prennent le pas sur le marché de la diffusion, fût-il « alternatif ».

Installer un laboratoire théâtral dans une banlieue chic et protégée d’une ville étiquetée, pas toujours à raison, bourgeoise et conservatrice : le choix fait par Jean-Luc Terrade, directeur de la compagnie conventionnée les Marches de l’Eté, a de quoi surprendre.

Passé par Sarlat et Paris, avant Bordeaux, où ses créations des années quatre-vingt-dix furent repérées et appréciées un remarquable Quartett, une mise en scène d’On purge bébé de Feydeau qui eut les « honneurs » du CDN et de quelques scènes nationales, Terrade s’est délibérément mis en marge d’un milieu théâtral dans lequel il ne se reconnaît plus. Il fut, avec Gilbert Tiberghien, cofondateur du TNT. Le divorce consommé, il s’est entêté dans son projet de fabrique. Et dans celui, toujours revendiqué, de « faire du théâtre sale ».

Pourquoi ce qualificatif ? La « saleté » supposée se nicherait-elle dans un choix de textes signés Büchner, Guyotat, ou d’auteurs peu connus ? Son travail sur Eden, Eden, Eden de Guyotat ne rassurera pas ceux que le contemporain hors modes effraie. Un déluge d’horreur dans une langue foisonnante et ciselée, sur les exactions françaises dans un village algérien : viols, meurtres, nécrophilie d’autant plus dérangeants que sublimés par la beauté de la langue. Ce texte fouaille, choque, « parce qu’en filigrane de la description de l’horreur, se dégage une certaine fascination, voire une jouissance, un renvoi de l’humain à ses capacités d’abjection », estime Terrade. Dose de jouissance qui est un défi pour le comédien en l’occurrence, Mathieu Boisset. Pour l’anecdote, sa proposition de lecture au marché de Lerme, de Bordeaux, dans le cadre de la très officielle Année de l’Algérie, a effarouché les organisateurs. 

C’est au Bouscat, banlieue résidentielle, politiquement très droitière et jusqu’ici atone de Bordeaux, que se dissimule l’Atelier des Marches dont Terrade entend faire une vraie fabrique, un laboratoire, et non un lieu de diffusion alternatif.

Laboratoire de jeu pour commencer. Impliqué depuis des années dans la formation de comédiens, il y fabrique un lieu de résistance à ce qu’il appelle le « tourisme » des comédiens, proposant des stages gratuits qui ont rassemblé nombre d’adeptes au fil des années.

Objectif : « aller plus loin dans ce que je revendique comme travail théâtral », explique Terrade, qui cite en modèle le travail de Claude Régy avec Valérie Dréville. « Souvent, après trois ou quatre ans de formation, un comédien croit être « pro » et les metteurs en scène ne lui proposent que de répéter ce qu’il sait faire. Je m’obstine à revendiquer le fait que le comédien peut idéalement tout faire, développer tout son inconnu. Je préfère parler de partition plutôt que de personnage, tenter tous les possibles. Au risque d’ouvrir un gouffre sous les pieds de certains, déstabilisés… ».

L’Atelier des Marches ouvrira aussi son plateau gratuitement à d’autres compagnies, dans l’esprit d’une véritable fabrique (ce qu’était le projet initial du TNT aujourd’hui orienté vers la diffusion, ce pour quoi Jean-Luc Terrade l’a déserté). Il paie aujourd’hui ce choix : la subvention de la DRAC qui considère l’Atelier des Marches comme « lieu privé »  à sa compagnie a baissé.

« J’ai choisi de faire un travail de fond, au détriment du « marché du spectacle ». Les tutelles ont du mal à cautionner : il leur faut du rendement ! », constate philosophiquement Jean-Luc Terrade, qui n’en est pas à ses premières rebuffades et se heurte aussi aux réticences prudentes des diffuseurs. Las de démarcher, c’est là qu’il présentera sa prochaine création : L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer de Copi.

L’intégrité de la démarche ne va pas sans austérité. Dans un milieu théâtral bordelais toujours tétanisé par la disparition de SIGMA et peu propice aux aventuriers, il a toujours fait un peu figure d’empêcheur de tourner en rond dans les mécanismes de production/diffusion.

On ne s’aventurera pas à dire qu’il s’agit de spectacles « aimables » ou séduisants pour le plus grand nombre. Mais, dans son exigence, il crée un lieu de circulation pour les comédiens et les compagnies. A l’échelle d’une agglomération de 600 000 habitants, un laboratoire théâtral est-il un luxe ?

Valérie de Saint-Do - Cassandre
septembre-octobre 2002

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10, place Charles Dullin 75018 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Lieu intimiste Pigalle
  • Métro : Anvers à 120 m, Abbesses à 336 m
  • Bus : Anvers - Sacré Coeur à 108 m, Yvonne Le Tac à 136 m, Trudaine à 256 m
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10, place Charles Dullin 75018 Paris
Spectacle terminé depuis le samedi 8 février 2003

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