Présentation
Note d'intention
Le mot des comédiennes
Les "Cahiers Brûlés" ont déjà une histoire. Deux lectures ont été faites, au théâtre de la Tempête puis au théâtre du Chaudron au mois de juin 1998. Suite à ces lectures le Théâtre du Chaudron nous a proposé de présenter une étape de travail pour cinq représentations en décembre de la même année.
Le chantier de ces lectures comme celui de la présentation ont produit des réflexions, non seulement de perspectives pour lobjet à venir, mais sur le statut de chaque étape, ce qui donna limpression publique favorable davoir eu droit a plus quune lecture, alors quil sagissait dune lecture réalisée, à plus quune présentation, alors quil sagissait dune étape. En quoi la lecture ne suffisait-elle pas ? En quoi népuisait-elle pas le projet ?
Il est sensible que nombre desquisses théâtrales sont plus satisfaisantes que leur réalisation achevée. Souvent la raison dune telle perte tient à la manière additionnelle de traiter le théâtre. Pour achever, on ajoute. Ce nest pas la pensée effective qui, bouleversant les enjeux de base, ordonnent l étape ultérieure, mais le souci den finir.
La tension existant entre le caractère achevé de chaque étape et le maintient de la perspective exige de redéfinir les enjeux ultérieurs.
Ce dont il sagit dans ces "Cahiers Brûlés" cest de la parole empêchée. Quel destin pour ces bouts de papiers qui, à peine griffonnés et confiés à la mémoire fragile de lautre, se font flamme et se consument jusquà la cendre ? Le point le plus incandescent que peuvent manifester les "Cahiers Brûlés" ne se trouve ni dans la valeur intrinsèque des entretiens, pas plus que dans laspect biographique qui les traverse, mais dans la mise en jeu de ceci : dans ce que lon fait taire, au delà de la restitution, il y a une perte. Il faudra vivre au foyer de cette blessure vive, parce quà défaut de le faire, la vie se défait et la mélancolie gagne. Et cest précisément la poésie qui occupera cette place. Pour nous, à la puissance seconde, le théâtre.
Il se dégagera de la représentation une certaine simplicité. Cette simplicité sera de parti pris. Plusieurs raisons à cela.
Tout dabord pour Akhmatova comme pour Lidia, faire de la souffrance son malheur, même quand il ny a nul espoir à attendre, cest risquer de sombrer et de ne plus pouvoir se redresser. Belle urgence pourtant que celle de maintenir son éphémère verticalité. De même pour les deux comédiennes, tomber dans le pathos serait se perdre.
Il sera nécessaire de se garder dune représentation dentretiens où le vraisemblable trouverait son confort dans lévidence dune situation convenue, parce qualors sévanouirait tout ce qui fait le nerf de cette suite de chants qui manifeste le poème. Pas tel ou tel poème dAkhmatova, mais le poème quest le spectacle en proie à labsence réelle dAkhmatova.
Ici le statut de la fiction ne sera pas de restituer dans le détail la crédibilité dune époque passée, non seulement rien de "la vie quotidienne au temps dAkhmatova ou de Tchoukovskaïa", mais rien non plus dune permanence du souci de la représentation. Cest à ce prix que lorsque Isabelle Lafon se lèvera au chant premier pour offrir à Lidia désespérée le poème en langue russe, quelque chose dAkhmatova se révélera, avant de sévanouir lentement et que se poursuive la simplicité du jeu.
Marc-Henri Boisse
Cela commence le jour où la jeune Lidia T. se rend chez la grande poétesse Anna Akhmatova. Elle la connue dans son enfance par son père, le poète Korneï Tchoukovski. Elle connaît tous les poèmes dAkhmatova par cur, elle est très émue et aimerait paraître au meilleur delle-même. Mais bien sûr, comme on peut sy attendre, tous les avantages quelle pousse en avant la trahissent et se dérobent. Les deux femmes parlent de choses et dautres et peu à peu
Cela commence le jour où la jeune Lidia T. se rend pour une affaire dimportance chez la grande poétesse Anna Akhmatova. Comme souvent, lorsquil est question de traiter un sujet grave, on parle de choses et dautres avant daborder le véritable motif de notre visite et peu à peu
Cela commence le jour où la jeune Lidia Tchoukovskaïa ne supportant plus de rester sans nouvelles de son mari arrêté depuis peu, se rend chez la grande poétesse Anna Akhmatova. La jeune femme sait que cette dernière a vu son fils subir le même sort et quune lettre de sa main adressée à Staline a pu libérer le jeune homme. Elle vient pour demander conseil. Elle est très émue et peu à peu
Marc-Henri Boisse
Imaginez un monde où vivrait une espèce dêtres
Pour qui cette chose bizarre
Que lon nomme poésie
Serait aussi nécessaire à la vie que
Lair à loiseau
Imaginez un monde où vivrait une espèce dêtres
Qui passerait la plupart de son temps à tenter
De dompter le mystère du poème pour le
Plier à l'ordre de ses raisons
Qui lextirperait du cur de qui le porte
Pour dissoudre la voix de son chant
Qui scellerait la parole qui lanime
Avant même quil nait pu trouver oreille
Pour lentendre
Imaginez cela
Et vous serez au seuil de ces Cahiers brûlés.
Marc-Henri Boisse
avril 2000.
De dessous quelles ruines je parle,
De dessous quels décombres je crie, (...)
Et je claquerai les portes éternelles pour toujours.
Et quand même on reconnaîtra ma voix.
Et quand même de nouveau on la croira.
Anna Akhmatova
1959
Lidia Tchoukovskaïa rencontre Anna Akhmatova, "grande dame de la poésie russe", pour "affaire". Anna a écrit à Staline pour quil fasse libérer son fils déporté dans les camps. Le mari de Lidia a été arrêté, elle est sans nouvelles, elle voudrait savoir le contenu de la lettre pour écrire, elle aussi, à Staline. Et de cette "affaire" vont naître des entretiens qui vont sétendre sur plus de vingt années entre Anna, personnalité tumultueuse et fragile, hautaine et terriblement vivante, et Lidia, qui est là, lumineuse, fine, patiente. Leurs conversations sont intenses, fragmentées, essentielles.
Lidia Tchoukovskaïa est investie dune mission délicate, apprendre par cur les poèmes dAnna Akhmatova, toute trace écrite étant trop compromettante. Le rite est le suivant : Anna dit son poème, quelle a écrit sur un bout de papier, Lidia lapprend, puis elles brûlent le papier au dessus du cendrier. La poésie et lécriture se mêlent de façon nécessaire aux paroles échangées entre ces deux femmes.
Anna Akhmatova a son fils dans les camps, elle est pratiquement tout le temps interdite de publication, mais elle reste avec sa peur, possédée dune autre urgence : continuer à écrire comme si cétait ça le plus pressé. Elles traversent ensemble des événements éprouvants, mais Anna Akhmatova semble indiquer quil y a plus urgent que lurgence : il y a les petites histoires qui résistent et qui se glissent dans lHistoire et cela donne le souffle pour continuer...
Isabelle Lafon
Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.
En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
Parking Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.