La triste danse de Coelio
Le théâtre de Musset
A propos de…
« Entre jour et nuit, entre chiens et loups, au rythme languissant d’une musique aux accents sombres… Entre cirque et cabaret, théâtre et farce, danse et procession… De nuit, un chœur sombre et grinçant vous accompagne… pour vous, pour votre bon plaisir, il illustrera la triste danse de Coelio… tel est le conte, la fable que nous allons vous chanter… »
Coelio est amoureux de Marianne une jeune mariée fidèle à son époux. Désespéré, il se confie à Octave, son ami, qui lui promet d’intercéder en sa faveur. Octave n’obtient rien de ses différents entretiens avec Marianne et conseille alors à Coelio d’abandonner ses poursuites.
Claudio, le mari de Marianne, soupçonne sa femme de le tromper et décide alors de faire surveiller la maison par des Spadassins armés. Irritée par les soupçons de son époux, Marianne décide de prendre un amant et laisse entendre à Octave qu’elle ne veut pas de Coelio mais d’un autre… Octave, malgré tout, envoie Coelio rejoindre Marianne. Mais la maison est surveillée, Marianne qui pensait avoir affaire à Octave lui conjure de s’en aller…
Les musiciens : Sophie Lacombe, Cédric Burgle, Jean Hugues Courtassol,
Jean Francois Sys, Mehdi Dumondel
Les chanteurs : Naéma Boudoumi, Chloé Démurger, Camille Labarthe, Chloé
Rossignol
Textes de Johanna Boyé
« On se lasse de tout, excepté de comprendre. » Virgile
Voilà comment nous pourrions définir l’œuvre de Musset. Tour à tour enthousiaste et désespéré, prolixe et muet, il tenta tout au long de ses écrits de pénétrer le mystère de la nature humaine et fut sans doute l’un des premiers écrivains masculins à interroger la nature féminine. Ballotté dans un siècle qui se cherche, Musset virevolte au sein de ses contemporains à la recherche de l’amour, dont il explore, à travers illogismes et contradictions, la subtile vérité.
Mais par delà de l’amour c’est la complexité de la nature humaine qui est au cœur de ses interrogations. Les Caprices de Marianne est une parfaite illustration de cette quête.
La structure
Ce qui frappe à la première lecture de la pièce c’est la modernité de sa
structure. L’histoire se déroule dans différents lieux, tantôt en extérieur,
tantôt dans un salon, une terrasse de café, un jardin… Comme dans un film
l’auteur passe d’un lieu à un autre, d’une situation intime à l’exubérance
d’une scène de groupe, le tout sans transition.
Toute la difficulté du théâtre de Musset réside dans ce fait : celui-ci était destiné non pas à la scène mais à la lecture. Débarrassé de cette contrainte l’auteur est libre. Sa plume file au rythme de son imagination, le poète suit son impulsion sans se soucier des règles théâtrales les plus élémentaires (Les Caprices de Marianne a été écrite en deux semaines). L’imaginaire du lecteur est sollicité dans ce travail de transition qu’il doit effectuer seul.
Face à cette difficulté, l’utilisation du groupe m’est apparue alors comme une évidence. Le groupe contribuera aux changements de scènes et de lieux… Il sera composé de figures qui ont hanté les nuits de Musset. Hauts en couleurs, ils mèneront les personnages dans leur marche funèbre, accompagnés de chansons et de danses lugubres.
La modernité
Le théâtre de Musset est riche. Inclassable. Pour lui, toute tragédie
contient une part de comédie et toute comédie masque plus ou moins bien une
tragédie. Nous sommes évidemment dans une mouvance romantique mais ses
histoires prennent des allures de fables avec dictons et morales. Les
personnages sont tantôt classiques : Coelio s’apparente à Oreste destiné
à vivre ou mourir par amour, Claudio est un descendant direct des vieux barbons
que l’on trouvait chez Marivaux ou Molière ; tantôt d’une modernité
foudroyante, Octave est un dépravé désespérément lucide, Marianne une jeune
femme d’action très en avance pour son temps. C’est ce mélange, cette
alternance de genres, classique, moderne, drame, romantisme, satire, qui
contribue à la modernité de la pièce.
Le Masque
Ce qui m’a intéressé dans le théâtre de Musset c’est l’apparente légèreté
et simplicité des êtres. Nous sommes en plein Carnaval. Les Sérénades se
font entendre à chaque coin de rue. Des masques passent, des entremetteuses,
des amoureux transis, une jeune femme vertueuse effarouchée, un vieux
barbon…, tous sortis d’une farandole de clowns à la limite de l’archétype.
Il règne un univers de cirque, de théâtre, de Carnaval où la réalité
bascule dans le rêve et où le rêve se fait chair. Chaque personnage évolue
en déposant son masque. Et de l’apparente insouciance des personnages naît
le drame des personnages, la vérité d’une société, le mal être du poète.
Et la pièce vire au drame. Le Poète alors laisse éclater son amertume et son
désespoir, son génie.
Cynique et désespérément réaliste, Musset dépeint une fresque joyeuse sans faille remplie de personnages hauts en couleurs… Mais plus l’intrigue avance et plus le tableau prend des airs de mauvais rêves habités par des êtres sombres et ambigus aux visages déformés par le mensonge, la trahison, l’orgueil et la vanité.
14 bis, rue Sainte Isaure 75018 Paris