Les Descendants

du 2 au 27 mai 2012
1h30

Les Descendants

Dans un Orient imaginaire, après des années de séparation forcée due à la purification ethnique, un homme et une femme se retrouvent… Un spectacle créé à partir des questions sur la réconciliation, la mémoire et l’héritage des générations.
  • Une main obstinément tendue vers l’Autre

Dans un Orient imaginaire, sous la coupole d’un vieil observatoire astronomique, un homme et une femme se retrouvent. Orphelins, ils ont grandi là ensemble, ils se sont aimés, jusqu’à ce que la purification ethnique, qui a ravagé leur pays, ne les sépare de force. Mais y a-t-il un avenir pour eux, alors que leur naissance n’est que mystère ? Et faut-il vraiment déterrer les secrets du passé pour se reconstruire un futur ?

Mille et une questions traversent Les Descendants, la pièce que Sedef Ecer, auteur franco-turque, a imaginé pour Bruno Freyssinet, se nourrissant des multiples débats et ateliers qu’ils mènent tous deux avec la collaboration du documentariste Serge Avédikian depuis février 2011. Des rencontres menées à Istanbul, Berlin, Erevan, Lyon, associant des jeunes comédiens et étudiants arméniens et turcs, allemands et français, ainsi que des intellectuels et des personnalités politiques de ces pays qui ont été, à un moment de l’Histoire, en conflit avec leur voisin.

Le texte propose de retracer le parcours de personnages qui font l’histoire (les bourreaux), mais aussi ceux qui en sont victimes, ou encore ceux qui en sont simplement les témoins, ou les justes. Sous ces destins individuels, les questionnements à l’oeuvre en filagramme sont multiples et évolueront selon les générations.

Celle confrontée au temps du génocide pose la question de l’attitude des bourreaux (idéologie profonde, justification officielle, horreurs de la mise en oeuvre…) et des victimes (passivité ou révolte, fuite ou vengeance, culpabilité pour les survivants…).

La seconde génération est confrontée à un héritage terrible et doit se construire avec. Si les fils de bourreaux font acte de déni ou sont simplement ignorants, ils sont aussi innocents des crimes perpétrés par la génération précédente. Comment peuvent-ils assumer le passé ? Comment peuvent-ils reconnaître un crime qu’ils n’ont pas commis ? De leur côté, les fils de victimes se trouvent malgré eux héritiers d’un poids de l’histoire qui les dépasse souvent. Ils doivent construire leur vie sur des béances, sur la mort, et se voient condamnés à être fidèle à une histoire qui les tire en arrière, sous peine de trahir leurs pairs. En attendant la reconnaissance des crimes, ils remettent finalement entre les mains des fils de leurs bourreaux le pouvoir de les libérer.

La troisième génération incarne une forme de fusion de ces questionnements. Les pages de l’histoire commencent à s’effacer, les enjeux sont plus dilués, mais les zones d’ombres restent et entravent confusément tout épanouissement. Une quête de vérité rattrape les fils de victimes et de bourreau, les unis d’une certaine façon dans un besoin de savoir, d’être conscient, de reconnaître ou d’être reconnu, pour pouvoir s’excuser ou compatir, réparer peut-être, et enfin trouver le moyen de dépasser cet héritage et de vivre sa vie d’aujourd’hui.

Aux antipodes d’un spectacle documentaire ou historique, cette fiction fait dialoguer héritage et réconciliation, mémoire intime et mythologies collectives. Comme une main obstinément tendue vers l’Autre, malgré les murs et les miradors, malgré la guerre et la douleur, malgré la colère et les malentendus. Un pari sur le dialogue, un pari sur la vie.

  • Note de l'auteur

Depuis deux ans, nous avons beaucoup réfléchi, parlé, pleuré, écrit sur ce « passé qui ne passe pas », comme disait Jorge Semprun.

Avec l’équipe du projet, nous avons rencontré des historiens, des sociologues, des témoins, des artistes, des jeunes, des moins jeunes. Puis, de tout cet amas de douleurs entremêlées, je devais inventer une histoire. Il y avait trop de choses[...] J’ai donc fait le choix de composer une grande fresque historique en trois temps et de me servir d’un choeur final, en m’inspirant des dramaturges antiques.Mes peurs, malheureusement plus contemporaines, m’ont accompagnée également lors de l’écriture : certains faits sont inspirés des crimes contre l’humanité que l’on orchestre encore aujourd’hui, car je constate avec horreur qu’un nouveau racisme post-moderne est palpable actuellement dans beaucoup de sociétés [...] La reconnaissance, le pardon et le deuil, les étapes indispensables du travail de la réconciliation doivent, me semble-t-il, toujours se faire sur les terres où les atrocités ont eu lieu. Il n’y a aucun pays qui n’a pas eu des pages sombres dans son histoire [...] Beaucoup de sentiments extrêmement forts m’ont traversée durant ces deux ans. Aujourd’hui, seule me soulage l’intime conviction d’avoir fait un travail sincère et honnête.

Sedef Ecer

  • La mise en scène

« Avec 8 acteurs pour une vingtaine de personnages, des époques qui se croisent dans la narration, plusieurs lieux pour l’action (un observatoire d’astrophysique, le palais d’une dictatrice, un site de fouilles archéologiques…), nous nous sommes orientés vers un travail choral sur un plateau très neutre, habillé par la lumière, les costumes et des éléments de vidéo.

À Paris, la pièce sera jouée pour moitié en français, mais aussi dans les 3 langues des comédiens ainsi que l’Anglais. Ces langues provoquent sur scène une forme de Babel revisitée. Elles interrogent la difficultés du dialogue dans des langues si différentes que le français, l’allemand, l’arménien et le turc, mais offrent aussi des sonorités mélodiques, des accents qui résonnent souvent dans notre mémoire, stimulent notre imagination et notre perception de la dimension non verbale des échanges. Les moyens de la traduction au spectateur sont expérimentés selon les scènes : sous-titre, traduction simultanée, pas de traduction…

Le dispositif scénographique permet de découper l’espace au sol avec la lumière et les projections vidéo. Un écran complémentaire de forme atypique (une bande de toile grise sur un support concave léger) permet de suggérer les différents décors de l’histoire, comme par exemple la fenêtre d’ouverture du télescope d’un observatoire. Il fait aussi fonction, selon les époques, d’écran de cinéma ou de télévision (reportages sur le terrain), toujours utilisé en direct par les comédiens sur le plateau. »

Bruno Freyssinet

  • La presse en parle

« L’idée charnière de Sedef ECER est de faire se rencontrer les enfants des bourreaux et des victimes sur leur lieu commun, celui de la désaffection. Si la mémoire est douloureuse, elle ne circule pas par la haine. Les descendants passent par une forêt de signes dans une mise en place, scénographie interstellaire, où l’observatoire, lieu de rencontre symbolique a une allure de paravent, sorte d’antenne qui continue à émettre les voix des ancêtres. » Le Monde

« Un spectacle pour penser les blessures de l'Europe méridionale. (...) La belle présence des interprètes et cette sensation de nuit balkanique qui s'éclaire tout à coup portent haut l'idée de réconciliation qui est au coeur de la soirée. » Politis

« Le texte, construit de façon très intelligente, touche des sommets extrêmement spirituels pendant lesquels les mots se fusionnent aux mélodies des langues dans lesquels ils sont proférés. Le résultat est une réflexion profonde sur la rencontre avec l’Autre et sur le dialogue qui trop souvent, tout au long de l’histoire, s’est transformé en source de peur plutôt que de richesse. » Toute la culture

« C’est une belle aventure qui est entrain de se poursuivre au Théâtre de l’Aquarium. Elle a pour sujet les relations ambigües et complexes entre des jeunes dont les parents furent des bourreaux et des enfants de victimes. On ne dira jamais la pertinence d’une initiative empreinte d’un humanisme qui force le respect. » Marianne 2

« Sous leur histoire, c’est tout un ensemble de questions qui reviennent, celle de l’idéologie des bourreaux et de la façon dont elle triomphe à certains moments, celle de l’attitude des victimes, de la soumission à la révolte, celle de la difficulté pour les survivants à assumer le passé, celle de la transmission aux enfants. Le dispositif scénique suscite l’imaginaire du spectateur. C’est beau et émouvant. » SNES

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Théâtre de l'Aquarium - La vie brève
La Cartoucherie - Route du Champ de Manoeuvres 75012 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 27 mai 2012

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