Un homme et une femme. Elle ne pose qu’une seule question : « A quoi tu penses ? », comme un refrain répété cent cinquante fois. Il répond. Par pensées brèves, fulgurantes, métaphysiques, ironiques, mélancoliques mais toujours drôles qui dessinent le portrait lucide d’un couple naviguant entre amour et désamour.
Un homme parle. Face à lui, une femme ne pose qu’une question, toujours la même, et répétée comme un refrain : « A quoi tu penses ? ». L’homme dit « je », souvent « je », parfois « tu ».
Soumis à un interrogatoire serré, gardé à vue, naviguant au jugé entre sincérité, mensonges, mégalomanie, peur de vieillir, fulgurances métaphysiques et blagues à deux balles, cet homme se répand, se vide au compte-gouttes.
Hervé Le Tellier écrit « Les amnésiques n’ont rien vécu d’inoubliable ». Frédéric Cherboeuf et Etienne Coquereau le lisent, s’enthousiasment, rêvent et commencent une adaptation.
La sélection des fragments est délicate puisqu’il faut faire le deuil de 800 pensées que l’on élimine. Elle est dictée par une élection affective : ils gardent les pensées les plus drôles… les plus métaphysiques… les plus bêtes aussi…
Puis au fur et à mesure se confirme le désir de privilégier les pensées qui incluent la « partenaire féminine » de l’auteur, donc dans lesquelles il est question d’histoire(s) d’amour(s).
Ainsi, se dessine une histoire à deux et non plus un monologue. Une histoire entre un homme et une femme. Ils pourraient se trouver dans une salle de bain, lieu intime propice à la confidence… ou peut-être même dans une baignoire…
Etienne Coquereau et Frédéric Cherboeuf ont voulu faire de ce livre un moment de théâtre, il a fallu faire un choix. Il co-existe au sein de ce texte plusieurs fils, intimement tressés.
Ils en ont décelé un, ils l’ont tiré avec délicatesse et ils ont construit une histoire nouvelle, une histoire d’amour entre un homme et une femme. La mise en scène de Frédéric, subtile et mobile, nous déplace en un lieu si évident que je n’y avais moi-même jamais pensé. Isabelle Cagnat, incarne, elle, la femme, donc toutes les femmes. Avec grâce et bien peu de texte, elle crée ununivers.
Enfin, j’ai dit que Les Amnésiques n’ont rien vécu d’inoubliable était un autoportrait. Je suis heureux qu’Etienne soit mon double, puisqu’il est clair désormais que j’ai écrit, sans le savoir, ce texte pour lui. Il se pourrait que ce que je croyais être mon autoportrait soit, finalement, celui debien des hommes. Tant pis. Et puis, non, tant mieux.
Hervé LE TELLIER
« Une interprétation magistrale d’Isabelle Cagnat et Etienne Coquereau qui incarnent un couple, le couple, des couples, avec une vérité saisissante et parfois bouleversante, empruntant les montagnes russses des sentiments durant 55 minutes. » Fousdetheatre, 7 juillet 2014
53, rue Notre Dame des Champs 75006 Paris