Ecrite en 1951, Les Chaises est l’une des premières pièces d’Eugène Ionesco, et l’un de ses chefs d’œuvre. Chef d’œuvre de dramaturgie d’abord : l’idée est lumineuse d’avoir imaginé la foule sous la forme de chaises où les personnages, invisibles, sont assis. Peu à peu la scène est envahie de ces chaises qui arrivent de plus en plus vite, portées par le Vieux et la Vieille, jusqu’à créer une présence-absence à la fois comique et angoissante.
Le Vieux et la Vieille, à l’approche de leur mort, veulent délivrer au monde leur message, auquel le Vieux a travaillé toute sa vie. Reclus dans une île, ils ont invité beaucoup de monde et voilà que toutes ces personnes arrivent en masse, jusqu’à l’empereur qui leur fait l’honneur d’être présent. Pour que le message soit délivré le mieux possible, ils ont fait appel à un orateur professionnel. Mais quel est ce message ? Que dit-il ? Et, au fond, y a-t-il un message ?
C’est tout l’enjeu des chaises. Sous une forme burlesque, cette « farce tragique » nous dit que l’existence humaine est sans objet, que la mort efface tout. A la fin d’une autre pièce, écrite bien plus tard, Le Roi se meurt, la reine dit au roi agonisant : « C’était une agitation bien inutile, n’est-ce pas ». Ce pessimisme absolu, l’art de Ionesco vient le nimber dans une extraordinaire tendresse pour ces deux vieux pleins d’énergie, décidés à vivre à fond jusqu’au bout, et qu’on se prend à aimer…
80, Allée Darius Milhaud 75019 Paris