Jouet théâtral
Qui est Frida Kahlo ?
Note d'intention
Deux âmes, un cœur
Jouet théâtral teinté d’humour, inspiré du journal de Frida Kahlo. Un voyage chaleureux au coeur d'une femme remarquable. On y découvre les personnages qui l'habitent, son univers, ses douleurs, ses contradictions et son immense joie de vivre. Les deux actrices nous conduisent à travers le récit de sa vie. Elles passent du dramatique au burlesque et inversement. Une atmosphère empreinte des images, couleurs, odeurs et saveurs du Mexique.
"A l’occasion du Festival Frida Kahlo, que j’ai organisé en hommage pour le cinquantenaire de sa disparition du 1er au 30 octobre 2004 à Paris, j’ai fait appel à divers artistes Mexicains pour montrer leur travail et leur talent à travers le théâtre, le cinéma, la peinture, la photo, les bijoux et l’artisanat. J’ai été particulièrement ravie de programmer Les deux Frida, un spectacle où l’humour et la poésie s’entremêlent pour donner vie à l’univers magique de Frida Kahlo. Cette création théâtrale brille tant par sa mise en scène comme par la force du texte et du jeu des comédiennes. Pour moi, c’est un spectacle sur l’espoir : la sublimation de la souffrance."
Guadalupe Bocanegra, Directrice du Festival International Frida Kahlo
Frida Kahlo, peintre mexicaine, est née en 1907 et décédée en 1954. Elle déclarait être née en 1910, l’année où éclata la Révolution mexicaine, parce qu’elle voulait commencer sa vie en même temps que le Mexique moderne.
Ce détail montre bien une personnalité singulière, caractérisée depuis son enfance par un profond sens de l’indépendance et de la rébellion contre les mœurs sociales et moraux ordinaires, moue par la passion et la sensualité, fière de sa « Mexicaneité » et de traditions culturelles contre l’Américanisation : le tout mêlé à un particulier sens de l’humour.
Sa vie fut marquée par la souffrance physique, qui commença par la polio à six ans et qui empira par un événement marquant sa vie, en 1925. Un accident d’autobus a provoqué des sévères blessures dues à une barre de fer qui l’a traversée par le ventre et la pelvis. La médecine de l’époque a torturé son corps par des opérations chirurgicales (32 au cours de sa vie), corsets et diverses systèmes d’étirement mécaniques.
Nombreux de ses travaux furent peints au lit. A cause de ces conditions physiques, Frida ne fut jamais en mesure d’avoir d’enfants, ce qui lui causait un grand chagrin. Voici un extrait d’un article paru dans The New York Times Magazine le jour de sa mort :
Mexico, 13 juillet - Frida Kahlo, épouse de Diego Rivera, peintre remarquable, est décédée aujourd’hui dans sa maison. Elle avait 44 ans. (…) Souvent cataloguée comme surréaliste, l’artiste n’avait pas une explication spéciale pour ses méthodes. Elle a dit seulement : « Je peins tout ce qui me passe par la tête. »
Elle a exposé à Mexico, New York et ailleurs, et d’après certains, c’est la première artiste femme qui a vendu un tableau au Louvre. Certaines de ses peintures ont choqué des spectateurs. Il y en a une qui la montre avec ses mains coupées, un grand cœur saignant par terre à côté, et à l’opposé d’elle, une robe vide est suspendue. Ceci était supposé révéler comment elle se sentait lorsque son mari est parti seul en voyage. Un auto portrait la représente comme un cerf blessé, traversé par neuf flèches.
Il y a un an, trop faible pour se lever du lit plus de dix minutes, elle s’asseyait tous les jours à son chevalet, et déclarait : « Je suis heureuse de vivre aussi longtemps que je pourrai peindre. »
« Je devais avoir six ans lorsque j’ai vécu intensément une amitié imaginaire avec une petite fille… » Frida Kahlo, extrait de son journal.
Les deux Frida est un jouet théâtral teinté d’humour et d’insolence, inspiré du journal de l’artiste, de sa vie et de son œuvre. Dualité, contradiction, trouble face au monstre sacré, à la femme et au mythe. Une rencontre avec ses créatures… sa lutte contre la mort, contre la douleur physique et la solitude mais aussi avec son immense joie de vivre.
« Dans la mesure où son espoir était son art et son art son paradis, Frida lie la souffrance de son corps à la gloire, à l’humour, à la fécondité et l’extériorité du monde. » Carlos Fuentes
"La vie - la mort - et puis de nouveau la vie. Comme si de la mort jaillissait toujours la vie… "Un tableau figé. Au centre, un cercueil sur lequel repose un corps inerte, parfumé d’encens. Au loin, une marche funèbre résonne. Peu à peu, comme dans les peintures de Frida Kahlo, les éléments s’illuminent sous le regard… magie d’objets capables de s’animer. C’est précisément au cœur de la mort que se loge le vivant, c’est là qu’il faudra chercher le mystère de la vie. Sous le fardeau de sa robe funéraire richement bariolée, Frida cligne soudain des yeux, tourne la tête vers le spectateur et sourit malicieusement, pour se dresser aussitôt et débuter le récit de sa vie. Une vie, donc, dont la mort n’est pas le point final mais qui la traverse de part en part, une mort qui en est en quelque sorte le point de départ.
Le pari de la création Les deux Frida est de représenter les entrelacs inextricables entre la douleur et la joie, entre les carcans des limites physiques et les aspirations à l’envol, entre les désirs autodestructeurs et l’affirmation du propre destin. C’est aussi le pari de restituer une version plus personnelle de Frida Kahlo, au-deçà de toute identification péremptoire et au-delà de la tentation du biographique. La pièce, basée sur le journal intime et d’autres témoignages, gravite autour de la duplicité constitutive du personnage de Frida Kahlo. En incarnant à tour de rôle les deux aspects de Frida, celui inquiet et tourmenté et celui naïf et fantasque, les deux actrices nous conduisent à travers le récit de sa vie. Si la confrontation de ses deux âmes si contraires déchire constamment Frida, c’est dans le cœur -au défaut du corps - qu’elle retrouvera la force pour survivre.
Les différents personnages s’enchaînent à un rythme effréné, passant du dramatique au burlesque et inversement, pour culminer dans une danse de Frida avec la Mort où l’on ne pourra guère plus distinguer qui met qui au pas. L’Europe médiévale pratiquait, elle aussi, sur les tombes des « danses mortuaires », aujourd’hui oubliées dans une société où la mort est confinée à un espace de recueillement et de deuil. La masse rectangulaire du cercueil ne se retourne-t-elle pas soudain en un autel à la plus grande gloire de la joie de vivre ?
D’autre part se dessine ce que Frida maniait à merveille - et ce que la metteuse en scène et les actrices ont cherché à prolonger - : l’art du détournement qui transforme en permanence le comique en tragique et vice versa, cet art qui fait du théâtre l’art dialectique par excellence et lui procure, contre toute affirmation de sa mise à mort par le cinéma, une survie assurée.
Emmanuel Alloa (Atopia magazine)
10, square des Cardeurs 75020 Paris