Les Fils de la Terre est un film documentaire d'Edouard Bergeon, sorti en 2012. Cette adaptation en est largement inspirée. C'est un texte théâtral, mais dont l'origine documentaire se ressent dans le réalisme des dialogues, et dans le choix d'un sujet résolument social.
Les Fils de la Terre est un spectacle que l’on pourrait résumer ainsi : tragédie rurale. Dans un hameau du sud de la France, un fils, Sébastien, porte à bout de bras la ferme familiale. Il travaille aux côtés de son père, paysan retraité, mais qui considère que son fils n’est pas capable de s’en sortir seul. Et en effet, l’exploitation est dans une situation intenable : Sébastien croule sous les dettes parce que le lait qu'il produit se vend chaque jour moins cher. Et chaque jour, son père lui répète qu'il ne fera jamais aussi bien que lui. Quand l'histoire commence, Sébastien vient d'obtenir du tribunal un délai de 6 mois pour régler ses dettes. S'il n'y parvient pas, la ferme de son père sera mise en liquidation. De pressions financières en pressions familiales, le fils va devoir choisir : sauver la ferme de son père ou sauver sa vie.
Ce spectacle amène sur scène une réalité sociale souvent méconnue ou ignorée (et loin des fantasmes de retour à la terre) : celle des agriculteurs d’aujourd’hui, tout en nous faisant entrer dans l’histoire déchirante d’une famille. Une famille qui a accumulé tellement de non-dits qu’elle est au bord de l’implosion.
Entre conte moderne et théâtre documentaire, ce spectacle part de questions économiques pour plonger peu à peu dans des questions humaines, et interroger le thème de la filiation, qui dépasse largement le cadre du monde agricole.
Ce spectacle a obtenu le Prix du Jury et le Prix du Public au Prix Théâtre 13 / Jeunes metteurs en scène 2015.
« Les Fils de la terre touche par sa manière simple, presque brute, de raconter le glissement d’un quotidien certes difficile mais harmonieux vers une crise financière et psychologique. L’ensemble est fort, cohérent et fait sens à un moment où la représentation de populations marginales commence à être remise sur le devant des scènes françaises. » Anaïs Heluin – Pause Critique.com
« Elise Noiraud a parfaitement retranscrit le drame quotidien vécu par cette corporation. Elle a su définir de façon précise les situations dramatiques financières auxquelles se heurtent ces agriculteurs prisonniers d’un héritage générationnel écrasant. Les comédiens accusent une sincérité sans faille dans cette tragédie rurale. » Théatres.com
« Une mise en scène et une création lumière des plus abouties, une bande son qui ouvre les espaces, des acteurs remarquables et engagés, la pièce, adaptée d’un documentaire d’Édouard Bergeon sorti en 2012 et mise en scène par Élise Noiraud, est un précipité de talents. En quelques images fortes, dans une scénographie sans fioritures, elle donne un cadre à la fois précis et très poétique à cette histoire qui raconte la réalité sociale, le quotidien souvent méconnus (et loin des fantasmes de retour à la terre) de ceux qui sont devenus cultivateurs, agriculteurs après avoir été, du Moyen-Âge jusqu’à la première moitié du XX° siècle, des paysans. Entre conte moderne et théâtre documentaire, au-delà des questions économiques, ” Les fils de la terre” posent en fait la question universelle de la filiation. Que recevons-nous en héritage ? Qu’avons-nous à léguer ? Éternel problème qui fonde les générations et les tragédies. » Theatrorama.com
Lorsque j’ai découvert, par hasard, un soir d’hiver, le documentaire Les Fils de la Terre, j’ai eu un réel choc. Il m’a touchée parce qu’il parvenait à faire se répondre une histoire collective, donc politique (qu’est-ce que travailler la terre aujourd’hui, en France ?) et une histoire individuelle, familiale (qu’est-ce qu’être fils, est-ce possible de se détacher de son héritage familial, quel qu’il soit... ?).
En cela, il manifestait que nos vies sont à la fois faites de choses intimes, et de problématiques bien plus larges.
L'adaptation que je propose porte donc elle un double projet, un double désir :
- amener sur la scène une réalité sociale souvent méconnue ou ignorée : celle des agriculteurs.
- entrer dans l’histoire déchirante d’une famille. Une famille qui a accumulé tellement de non-dits qu’elle est au bord de l’implosion.
J’ai choisi d’écrire un texte qui soit une succession de scènes assez courtes, pour permettre à l’histoire de se construire par bribes progressives. Il ne s’agit pas de tout expliquer mais, au contraire, de comprendre entre les lignes ce qui est en jeu dans cette famille. Les six comédiens jouent chacun un rôle principal et prennent également en charge un certain nombre de rôles secondaires. Cette rotation permet d’apporter une grande dynamique : l’urgence doit être de raconter l’histoire, en passant d’un personnage à un autre, en créant rapidement des images claires.
Par ailleurs, un choix essentiel dans mon travail d'écriture a été de travailler sur une alternance entre un régime dramatique « classique », c’est-à-dire des scènes dialoguées réalistes, et un régime narratif, c’est-à-dire où l’un des personnages (en l’occurrence, l’ami) fasse le récit de l’histoire au fur et à mesure qu’elle se déploie devant nous. L’ami est donc en même temps présent sur scène, dans l’histoire, tout en faisant régulièrement entendre sa voix, comme la voix d’un narrateur, d’un conteur. Cet « entre-deux » me semble important car il est ce qui permet au spectacle de raconter une histoire inspirée du réel, tout en lui donnant clairement une dimension de fiction.
La particularité de cette histoire, c’est qu’elle amène la tragédie dans un endroit où on ne l’attend pas : une ferme. Les personnages de cette tragédie n’ont pas forcément les mots pour la dire, pourtant le feu qui les brûle est aussi intense, dévorant, que celui qui brûle les grands héros tragiques. Notre travail a consisté à faire dialoguer ces deux niveaux : apparente simplicité de langage et d’action, et profonde complexité des mouvements intérieurs.
Je connais bien, pour y avoir grandi, le milieu agricole, et je sais que derrière les murs des fermes se trament souvent des histoires puissantes, abyssales, qui courent sur des générations. J’espère pouvoir raconter celle-ci et lui donner, avec délicatesse et profondeur, sa pleine dimension : une dimension humaine, universelle, qui dépasse largement son premier cadre rural.
Elise Noiraud
30, rue du Chevaleret 75013 Paris