Lettres d'une mère à son fils

du 7 mars au 26 avril 2000

Lettres d'une mère à son fils

CLASSIQUE Terminé

Ces Lettres d’une mère à son fils sont un superbe roman d’amour. Amour passionné, dont l’intensité fait trembler l’eau en apparence tranquille des phrases sages et des conseils de prudence. Sous cette sagesse, quelque chose brûle. Une passion. Une folie d’amour.

Les rouges confitures de groseilles de nos grands-mères
Madeleine Renaud est cette voix...
Un roman d’amour
Ma mère m’a écrit presque chaque jour

Les rouges confitures de groseilles de nos grands-mères

"Chacun est seul avec son Désir, dont l’objet est inaccessible. Caresse au moins ta Chimère, sans le secours de personne ; elle n’est qu’en toi."
Marcel Jouhandeau

Il m’arrive de passer des heures dans les librairies à feuilleter, lire, flâner, rêver. Ce sont avec les églises vides et sombres des lieux où je me sens en un propice chaud intérieur. Il y a quelques années, je me trouvais dans une de mes librairies préférées : c’était au moment où la maison Gallimard bradait son fonds. Je tombais alors, avec délectation, sur l’édition complète des livres de Marcel Jouhandeau dans la belle collection blanche qui me fait rêver depuis toujours. Parmi cette trentaine de livres, où je découvris à quel point Marcel Jouhandeau est un rare styliste, je fus particulièrement ému, amusé et ébloui par les Lettres d’une mère à son fils.

Dès les premiers mots de ce gros volume de 602 pages, je compris qu’il y avait là matière à un moment de théâtre intime. J’ai rêvé, sur le champ, de la petite musique de chambre des Lettres d’une mère à son fils. Faire entendre, non plus le verbe royal des grands lyriques, mais l’élémentaire langage du quotidien : celui du "cordon ombilical" qui retient tout homme, non seulement à sa mère, mais à la vie toute bête et simple de nos jours qui avancent, et aux rouges confitures de groseilles des grands-mères de notre enfance.

Grâce à la complicité enthousiaste de Madeleine Renaud qui, d’emblée, partagea ma passion pour ce projet, j’ai pu porter à la scène une première fois, en 1983, à Marseille puis, déjà, au Théâtre du Rond-Point, ces épîtres de la maman bouchère à son fils poète.

C’est avec émotion que je reprends aujourd’hui ce travail, en hommage à Madeleine Renaud, à Jean-Louis Barrault, à Jean-Pierre Granval qui avait signé la mise en scène à la création et à tous les acteurs qui m’ont précédé dans ce théâtre.

Marcel Maréchal
Acteur

Madeleine Renaud est cette voix...

"Les lettres de la petite bouchère de Guéret sont aussi fraîches qu’au premier jour, car elles furent écrites pour un seul homme, sans apprêt, dans le mouvement de la raison et du cœur, pour raconter ce qui est, avec tendresse et sagesse. C’est une longue histoire d’amour, comme des bouteilles jetées à la mer où l’on mêle tout, l’intime et l’essentiel, les paroles et les gestes, pour exister.

Madeleine Renaud est cette voix. On ne la voit pas. Elle est absente, mais si présente dans son absence... Marcel Maréchal continue ses phrases, les prolonge... Puis c’est Madeleine Renaud qu’on entend de nouveau, si proche, et pourtant venue de si loin, d’une province immémoriale..."

Pierre Marcabru

Un roman d’amour

"Tout n’a été pour moi qu’exil, excepté l’amour." Marcel Jouhandeau

S’il devait exister un "théâtre du quotidien" (selon la formule consacrée), il me semble qu’on pourrait le trouver à l’état naissant dans certains textes anonymes dont les auteurs n’ont jamais pensé qu’ils feraient un jour l’objet d’une transmission publique.

Textes bruts - comme on parle d’art brut - et qu’il convient d’aborder l’esprit lavé de toute référence, de tout le toc culturel qui nous encombre, pour aller à eux les mains nues, démunis.

Textes anonymes comme ces lettres retrouvées sur des soldats morts au front durant la guerre 14-18, leur dernière lettre qu’à peine ils ont eu le temps de lire. Comme ces correspondances amoureuses d’un autre temps que l’on découvrait parfois au fond d’un tiroir. Comme enfin ces lettres qu’une certaine Anne-Alexandrine Blanchet, épouse Jouhandeau, bouchère à Guéret (Creuse), écrivit chaque jour à son fils, de 1908 à 1936, année de sa mort.

Le fils était écrivain. Il s’appelait Marcel Jouhandeau. Un beau jour, il les réunit et les fit publier, donnant la vie à celle qui l’avait mis au monde.

Ces Lettres d’une mère à son fils sont un superbe roman d’amour. Amour passionné, dont l’intensité fait trembler l’eau en apparence tranquille des phrases sages et des conseils de prudence. Sous cette sagesse, quelque chose brûle. Une passion. Une folie d’amour. Amour secret, exacerbé par l’éloignement, les trahisons du mari, la grisaille quotidienne. Amour jaloux, exclusif, qui rejette dans l’ombre le reste de la famille. Seul brille là-bas, dans son lointain Paris, le Fils, l’Homme, l’Amant. Amour cannibale, fascinant et castrateur, caressant et cruel, porteur à la fois de vie et de mort. Amour-déchirure. Joie et douleur entrelacées. Et l’on est à peine étonné de rencontrer au détour d’une lettre l’écho de Thérèse d’Avila, cette autre grande amoureuse : "... Voilà que j’ai été réveillée par un rêve où une flèche de feu me traversait le cœur...".

François Bourgeat
Metteur en scène

Ma mère m’a écrit presque chaque jour

Ma mère m’a écrit presque chaque jour pendant vingt-huit ans, de 1908, date à laquelle je l’ai quittée, jusqu’à sa mort, survenue en 1936.

Devant certaines pages dont la simplicité causait mon admiration, forçait quelquefois mes larmes ou mon sourire, j’hésitais à les détruire. Alors, je les entassais dans des cartons, mais de temps en temps débordé par l’abondance de la matière, contraint aussi par le peu de place dont je disposais à Paris, je les détruisais. Il m’est arrivé heureusement, à une époque troublée de ma vie, d’en confier deux précieuses liasses à une amie qui les a retrouvées par hasard et vient de me les remettre.

Les premières lettres étaient datées. Ma mère, encore dans le commerce, m’écrivait sans doute sur le comptoir de sa boucherie, auprès de l’agenda ouvert devant elle. Une fois retirée des affaires, comme elle devait le plus souvent ignorer le quantième du mois, elle se contenta d’indiquer le jour de la semaine.

Comme un fanal
Esclave d’abord de son magasin, prisonnière toujours de ses devoirs envers mon père, envers ma sœur et ses petits-enfants, envers sa maison, ma mère me donne tout ce qu’elle peut ravir à tous, sans trop léser personne. A mesure qu’elle ne vit plus que du sentiment exclusif qui nous vouait l’un à l’autre, sa vie intérieure progressivement s’approfondit et s’illumine jusqu’à atteindre la suprême grandeur. (...)

Et voilà qu’elle improvise une sagesse qui dépasse en dignité et en efficacité celle de bien des philosophes, qu’elle se montre apte à conduire à travers les mystérieuses embûches qu’elle ignore elle-même, toute simple petite marchande qu’elle est, un homme, un écrivain, son fils, à qui toutes ses peines de mère ont permis de s’élever au-dessus d’elle par ses études et qui est comme une image d’elle-même, où elle se contemple et s’achève, mais sans s’abandonner tout à fait à lui ; elle le contrôle et le juge.

Debout sur la hauteur, elle pressent de loin l’écueil, quelquefois en rêve et crie dans la nuit : casse-cou ! Sa lettre quotidienne me guide et me garde, comme un fanal.

Une eau éblouissante
En somme, que trouvera-t-on dans ces pages ? La courbe journalière la plus fidèle des battements d’un cœur de mère qui les enregistre minutieusement un à un et une sorte de chronique familiale et provinciale, comme il n’en existe pas d’autres. Jean Pauhlan, dès la lecture des deux premières années, m’écrivait : "Je ne pensais pas que ce fût si grand et si pur ! Quelle eau éblouissante ! Et comme tout y devient passionnant, plus qu’une aventure, plus qu’un roman". (...)

Ainsi, grâce à cette épître quotidienne, jamais entre ma mère et moi, entre ma petite patrie et moi, entre le surnaturel, la nature et moi, le cordon ombilical n’a été rompu avant ma quarante-huitième année et c’est à ce mirage que je dois le peu de simplicité, le peu de vertu que j’ai gardé à travers tant d’erreurs personnelles et les dangers d’une époque sans grandeur.

Marcel Jouhandeau
Extraits de la préface de Lettres d’une mère à son fils
Editions Gallimard / 1971

Vous avez vu ce spectacle ? Quel est votre avis ?

Note

Excellent

Très bon

Bon

Pas mal

Peut mieux faire

Ce champ est obligatoire
Ce champ est obligatoire

Vous pouvez consulter notre politique de modération

Informations pratiques - Théâtre du Rond-Point

Théâtre du Rond-Point

2 bis, avenue Franklin Roosevelt 75008 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Bar Champs-Elysées Librairie/boutique Restaurant Vestiaire
  • Métro : Franklin D. Roosevelt à 148 m, Champs-Élysées - Clemenceau à 216 m
  • Bus : Rond-Point des Champs-Élysées à 69 m, Rond-Point des Champs-Élysées - Franklin D. Roosevelt à 203 m, Rond-Point des Champs-Élysées - Matignon à 214 m, Palais de la Découverte à 237 m
Calcul d'itinéraires avec Apple Plan et Google Maps

Plan d’accès - Théâtre du Rond-Point

Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin Roosevelt 75008 Paris
Spectacle terminé depuis le mercredi 26 avril 2000

Pourraient aussi vous intéresser

- 22%
Montaigne, les Essais

Théâtre de Poche-Montparnasse

La Cerisaie

Comédie-Française - Salle Richelieu

Cyrano de Bergerac

Théâtre le Ranelagh

Spectacle terminé depuis le mercredi 26 avril 2000