Présentation
Deux destins possibles d’une même femme
Entretien avec Fanny Mentré
Deux jeunes femmes au prénom identique croisent leurs destins le jour de leurs vingt ans. L’une a fui l’horreur de la guerre ; l’autre, dans un pays en paix, fait face à un autre ennemi : l’ennui.
Et si, au bout du compte, ces deux Lisa, bien plus que des doubles distincts, ne faisaient qu’une ? C’est la question qu’au hasard de leur errance urbaine ose esquisser Fanny Mentré, l’une des jeunes auteurs et metteurs en scène les plus pertinentes de sa génération.
17 mars. Une chaleur étrange, caniculaire, continue de s’abattre sur la
ville. Toutes les nuits, des corps tombent. Assassinés ou suicidés, on ne sait
pas.
17 mars. Ce jour-là, deux jeunes femmes ont vingt ans. Elles sont nées à la même
heure, au même instant. Portent le même prénom.
Lisa 1 a fui son village en guerre. Elle porte en elle l’anéantissement de sa
famille. Elle prend le chemin de la ville, à la recherche d’une nouvelle vie.
Lisa 2 a fui le fardeau oppressant d’une famille étouffante, à la recherche
d’une nouvelle vie, elle doit faire face à son ennemi : l’ennui.
17 mars. Le Veilleur, un jeune homme amnésique qui se nomme ainsi car il a
oublié jusqu’à son nom, a acheté un nouveau carnet. Il notera dedans tout
ce qu’il pourra recueillir des morts qu’il veille : leur nom, la date
et heure de leur décès, leurs dernières paroles.
Les vivants ne l’intéressent pas, mais il devra leur faire face.
17 mars. Lisa 1 et Lisa 2 vont chacune à leur tour rencontrer " le
veilleur ".
Elles sont toutes deux " entre deux ", en équilibre fragile entre vie et mort, en l’état de survie. Mais pour lui, sans mémoire, ses deux jeunes femmes n’en sont qu’une. Et pourquoi pas ? Ces deux Lisa pourraient bien être les deux destins possibles d’une même femme.
17 mars. Quelque part, à la croisée des chemins, un vieil homme attend le
retour des Dieux.
17 mars. Max a décidé de prendre un train, pour aller planter un arbre quelque
part.
17 mars. Robert, à la terrasse d’un café, rencontre Max, qui est amoureux de
sa sœur, Lisa. Il lui parle de moustiques.
17 mars. La femme de Robert bouffe.
17 mars. Partout des gens se posent la question : et si l’on s’aperçoit,
soudain qu’on s’est " trompé de vie " ? Peut-on en
rire ?
Lisa 1 et 2 parle de la différence parfois invisible et pourtant fondamentale qui existe entre vivre et survivre. C’est le fil sur lequel on oscille, le bord du précipice, sans savoir de quel côté est le vide, de quel côté la terre ferme.
Il y est question de frontières, frontière entre le quotidien et le surnaturel, entre l’intime et l’Histoire, entre action et renoncement. Qui n’a rêvé un jour de pouvoir vivre plusieurs vies ?
Et s’il existait, quelque part dans le monde, d’autres nous ? Des
doubles ayant vécu à partir de ce que nous sommes des histoires parallèles à
la nôtre ?
C’est le cas de Lisa 1 et de Lisa 2, nées au même instant, qui vont vivre un
face à face improbable le jour de leurs vingt ans.
Fanny Mentré
Yannic Mancel : Qui est Fanny Mentré ? Quel est son parcours, son
histoire de théâtre ?
Fanny Mentré : J’ai commencé à faire du théâtre très jeune. Au départ
j’avais envie de « faire l’actrice » : pleurer, me jeter
contre les murs… Un peu calmée par la conscience naissante et les expériences,
je me suis plongée dans la mise en scène et l’écriture. Tout a commencé
avec la rencontre d’Eduardo Manet qui m’a confié la mise en scène de sa pièce
Couples et paravents. Puis dans l’espoir d’y faire des
rencontres, j’ai présenté et obtenu le concours du Conservatoire. La première
année a été très difficile, je m’y ennuyais, je ne m’y sentais pas à ma
place, et j’aurais probablement démissionné si en deuxième année je
n’avais pas intégré la classe de Stuart Seide, dans un groupe où la
fantaisie et la recherche étaient une priorité de travail.
J’ai eu alors la confirmation que mon plaisir et mon désir de théâtre se situaient plus dans la mise en scène et dans l’écriture que dans le jeu. J’ai donc écrit pour quatre acteurs de ma promotion une pièce, Un Paysage sur la tombe, que nous avons d’abord présentée sous forme d’atelier. De ce premier projet date ma collaboration assidue avec Patricia Rabourdin, scénographe et créatrice de costumes, et Lauriano de la Rosa, créateur de lumières.
Nous avons eu ensuite la chance de reprendre ce spectacle avec France-Culture au Festival d’Avignon, puis un an plus tard, au Volcan au Havre et au Théâtre de la Bastille. Alain Milianti m’a ensuite invitée à écrire plusieurs textes pour le Volcan, de même que Thierry Collet dont les spectacles tout public associent texte et magie : après l’adaptation d’un récit de Jules Verne, Maître Zaccharius, nous préparons actuellement un prochain spectacle sur le thème de l’ombre. Entre temps j’ai écrit sept ou huit pièces…
Yannic Mancel : Qu’est ce qui, par delà le temps et les années,
rattache Lisa 1et 2 à Un Paysage sur la tombe ?
Fanny Mentré : J’aime les acteurs. Leur travail me fascine. Ils étaient la
base de mon travail d’écriture et de mise en scène sur Un Paysage sur
la tombe. Il ne s’agissait pas d’écrire « sur eux »
mais pour eux. De partager avec eux des interrogations, sur le rapport au
public, l’espace scénique, la notion de personnage. Dans ce premier texte, il
y avait très peu d’indications d’espace, avec un travail sur l’épure et
la symbolique. L’action pouvant aussi bien se passer dans un théâtre.
L’histoire faisait se retrouver quatre personnages à quatre âges de la vie :
25, 35, 50 et 80 ans. Il y avait Camille Japy, Muriel Amat, Christophe Bouisse
et Yan Duffas.
Lisa 1 et 2 part de ce même désir de travail. Mais avec cette fois le souci de pousser plus avant ma relation à l’espace, la scénographie, le son, tous les outils qui sont l’essence même du théâtre sans s’éloigner de mon souci principal : le rapport au public.
Lisa 1 et 2 a été écrite un peu différemment : on m’a proposé de partir à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon pour une résidence dite « de compagnonnage ». Trois auteurs, Roland Fichet, Michel Azama, et Philippe Minyana, qui y avaient eux-mêmes effectué une résidence dix ou quinze ans plus tôt, étaient chargés d’inviter chacun un jeune auteur à venir à son tour résider pendant trois mois.
Yannic Mancel : Par qui étais-tu parrainée ?
Fanny Mentré : Roland Fichet.
Yannic Mancel : Et quels étaient les deux compagnons ?
Fanny Mentré : Kossi Efoui et Luc Tartar. Quand je suis arrivée, c’était
l’hiver, décembre 1995, il faisait très froid, le vent faisait un bruit
infernal dans les allées. Je me suis retrouvée dans une chapelle au toit éventré,
à ciel ouvert et à flanc de colline, et j’y suis restée pétrifiée pendant
vingt minutes. De retour dans ma cellule, je me suis installée à ma table et
j’ai commencé à écrire le premier monologue de Lisa 1.
J’ai « joué à fond » le jeu de cette résidence. J’étais arrivée sans projet, juste en état d’ouverture. La Chartreuse l’hiver, c’est le lieu de tous les possibles ! L’écriture de Lisa 1 et 2 a été traversée de ces promenades, de ces errances, de ces conversations et de ces cauchemars-là. L’urbaine que j’étais en était très perturbée, et Lisa porte la trace de cette fragilité. Je me sentais au bord de quelque chose, en imprégnation et en questionnement constants, d’où sans doute la présence de « la croisée des chemins » dans le texte. J’ai donc décidé de placer mes deux Lisa sur une ligne de survie où, d’un moment à l’autre, elles peuvent basculer d’un côté du fil de crête ou de l’autre.
Yannic Mancel : Comment est venue l’idée du dédoublement ou du miroir,
de ces deux femmes qui répondent au même prénom et qu’on ne distingue que
par les chiffres ?
Fanny Mentré : Elles sont à la fois mêmes et très différentes. Les
histoires et l’Histoire qu’elles ont traversées ont fait d’elles des faux
doubles. Elles n’ont plus rien à voir avec ce qui au départ les réunit et
les identifie l’une à l’autre. Les deux seuls points qui leur restent en
commun sont leur âge, et le fait d’être en survie, de ne pas réussir
pleinement à vivre, de porter quelque chose qui leur paraît intolérable et
qui les condamne à passer ailleurs.
Yannic Mancel : Y a-t-il une fable ou une situation qui soit facilement
identifiable ou racontable ?
Fanny Mentré : L’histoire de Lisa 1 et 2, c’est avant tout
une question : est-ce qu’un autre moi, qui aurait fait d’autres choix
et connu une autre histoire, existe ? Et si oui, que nous reste t-il de
commun ?
A Lisa 1, qui a fui le massacre et à l’anéantissement de sa famille, l’exilée qui arrive sans rien dans un nouveau pays, répond par contraste la fuite de Lisa 2, son trop-plein de famille, son effort pour leur échapper et exister par elle-même.
Et tous les personnages de la pièce sont traversés par cette même question : sont-ils au bon endroit et ont-ils fait le bon choix ? Seul le Veilleur, un jeune homme amnésique ne se pose pas cette question. Peut-être, justement, parce qu’il n’a pas de passé ?
J’ai toujours été attirée par cette idée du « double », des choix qui font de nous ce que nous sommes. Quand j’en parlais à la Chartreuse à Kossi, il me disait qu’au Togo il existe dans la culture populaire cette idée qu’il est toujours possible de se retrouver nez à nez avec son double et qu’à ce moment précis il faut être le plus rapide et lui jeter du sable dans les yeux. Le premier qui fait ce geste est sauvé, l’autre meurt. C’est cette idée de devoir à tout prix faire des choix pour exister, cette idée qu’il est impossible de vivre avec son double, c’est-à-dire en fin de compte un autre soi qui a peut-être fait des choix différents, sans mourir de haine ou d’envie à son encontre, qui a nourri mon travail.
Lisa 1 et 2 est traversée par le thème de la passion. Les personnages, presque tous très jeunes, ont une capacité d’investir leur propre histoire et l’histoire des autres avec une puissance liée à leur âge. La rencontre des deux Lisa, par exemple, a pour moi quelque chose de totalement animal.
Yannic Mancel : Quels sont les différents lieux de l’action de Lisa
dont la scénographie dont rendre compte ?
Fanny Mentré : Il y en a sept : le café ; le domicile de Robert et
sa femme ; la ville le jour ; la ville la nuit ; la croisée des
chemins ; la pierre du destin ; le compartiment du train. A côté
d’espaces totalement ancrés dans le réalisme, j’avais envie, notamment
pour les scènes nocturnes, de donner cette idée d’humains perdus dans le
vide.
Yannic Mancel : Qu’entends-tu par « ancrage réaliste » ?
Fanny Mentré : Je pense surtout à l’appartement de Robert et de sa femme. Un
petit couple qui vit dans 20 m2, dans l’étouffement du papier peint et des
mobiliers en merisier massif...
Yannic Mancel : Peux-tu nous présenter l’équipe artistique dont tu
t’es entourée ?
Fanny Mentré : Il y Patricia Rabourdin qui travaille avec moi depuis Un
Paysage sur la tombe. J’aime la générosité avec laquelle elle
cherche et se creuse les méninges pendant des heures, j’aime aussi sa débrouillardise,
son ingéniosité à bricoler des solutions, son opiniâtreté à tout faire
aussi, depuis la conception jusqu’aux patines.
Lauriano de la Rosa, qui crée la lumière, est un partenaire essentiel
(j’ai aussi travaillé avec lui sur Un Paysage sur la Tombe). Très
sensible au texte et à ce qui se passe sur le plateau, il travaille avec nous
et construit les choses au fur et à mesure, il participe véritablement à la
construction de l’espace sur scène.
Il y a aussi Marc Bretonnière, pour le son, sa capacité à saisir les atmosphères,
les enjeux, à mettre en valeur les émotions.
Yannic Mancel : Et les comédiens ?
Fanny Mentré : J’aime les acteurs intelligents. Les acteurs qui sont capables
de réfléchir à une situation, un personnage, un espace, et mettre tout leur
savoir et leur questionnement au profit de l’émotion. J’aime les acteurs généreux,
qui ont envie de travailler, de chercher, qui n’ont pas peur de la sincérité.
L’équipe d’acteurs de Lisa 1 et 2 rassemble des gens avec qui j’ai commencé à faire du théâtre il y a presque vingt ans, et d’autres rencontrés jusqu’à aujourd’hui.
Il y a, par ordre alphabétique, Michaël Abiteboul, Anne Caillère, Vincent Dissez, Christophe Giordano, Laurent Meunier, Natacha Mircovich, Fatima Soualhia-Manet.
Il y a une chose que j’ai envie d’ajouter, c’est que Lisa 1 et 2, qui parle beaucoup de la mort, parle avant tout de l’envie de vivre, et que le désespoir n’exclut pas l’humour. Heureusement !
Entretien réalisé en juin 2003
Pas du tout d'accord avec la critique de Diane Scott ; c'est un super spectacle ; dôle accessible, sensible, fin. Les acteurs sont tous formidables et impliqué dans le projet. Allez y !
je sui totalmen daccor je l ai vu hier soir et je sui tombé sous le charme; lé acteurs,trè bon, mon enchanté,le décor est nickel et fanny mentré est sympathique car elle m a offert le texte de "Lisa 1 et 2" je vais donc aller déguster ce chef d'oeuvre.SPECTACLE A NE PAS MANQUER!!!!!!! N OUBLIEZ PAS LES INTERMITTENTS!!!!!!!!!!!!!!!
g trouvé cette pièce très interessante et très belle une bonne mise en scène kelke peu simpliste et de bon acteurs ki savent faire passer leur émotion. je la recommande vivement.
Pas du tout d'accord avec la critique de Diane Scott ; c'est un super spectacle ; dôle accessible, sensible, fin. Les acteurs sont tous formidables et impliqué dans le projet. Allez y !
je sui totalmen daccor je l ai vu hier soir et je sui tombé sous le charme; lé acteurs,trè bon, mon enchanté,le décor est nickel et fanny mentré est sympathique car elle m a offert le texte de "Lisa 1 et 2" je vais donc aller déguster ce chef d'oeuvre.SPECTACLE A NE PAS MANQUER!!!!!!! N OUBLIEZ PAS LES INTERMITTENTS!!!!!!!!!!!!!!!
g trouvé cette pièce très interessante et très belle une bonne mise en scène kelke peu simpliste et de bon acteurs ki savent faire passer leur émotion. je la recommande vivement.
4, place du Général de Gaulle 59026 Lille