La pièce
Pourquoi
LOVE quelques quinze ans après ?
(Gaité Montparnasse 1985).
Historique de la pièce
Témoignage de lauteur
Le théâtre américain et Murray
Schisgal
LOVE (Amour) de Murray Schisgal, succès mondial, est une comédie pleine de péripéties, parfois folles, absurdes, et toujours désopilantes, dont le moteur est cette chose essentielle à laquelle nous aspirons tous, l'AMOUR.
Tour à tour on se moque du mariage, de l'attendrissement sur soi-même, du désespoir, du suicide même, un peu de l'homosexualité - que ne ferait-on pas pour être aimé ?
Harry le désabusé qui ne croit plus à rien, Milt le sensuel, amoureux éternel qui veut mordre la vie à pleines dents, tombent amoureux tour à tour de la belle créature, femme éternelle, Ellen. Qui va-t-elle choisir ? Et pour quelle raison ? Vous avez dit raison ?
Le coeur (le corps) a ses raisons que la raison...
Pourquoi LOVE quelques quinze ans après ? (Gaité Montparnasse 1985).
Dhabitude , je nai pas très envie de remonter une pièce que je pense avoir réussie, mais plutôt une de celles que je pense avoir ratées, ou pas venues au bon moment.
Mais LOVE me semble éternel, comme lAMOUR. Jaime cette parodie des affres de lAmour et la quête " de limpossible étoile ". Jai eu envie de la présenter sur la rive droite, où elle navait jamais été jouée. Le temps a passé, mais la pièce na pas pris une ride. Jespère ne pas mêtre trompé.
Michel Fagadau
Janvier 2001
LOVE de Murray Schisgal, fut créée :
- le 12 novembre 1964 au Booth Theater de New York.
- le 8 novembre 1965 au Théâtre Montparnasse avec Laurent TERZIEFF, Bernard NOEL et Pascale de BOYSSON, adaptation de Pascale de BOYSSON et Maurice GARREL, mise en scène de Maurice GARREL.
- le 16 janvier 1985 au Théâtre de la Gaîté Montparnasse avec Patrick CHESNAIS, Catherine RICH et André DUSSOLLIER, adaptation de Pascale de BOYSSON et Maurice GARREL, mise en scène de Michel FAGADAU.
Je dois commencer par vous avouer qu'être joué à Paris me procure plus de plaisir que n'importe où ailleurs.
Il n'y a aucun doute que le théâtre moderne est né à Paris après la seconde guerre mondiale avec Beckett, Ionesco et Genet qui nous ont apporté une vision plus libre, un reflet de la réalité quotidienne.
Vive les auteurs réfractaires ! Vive Paris et pendant qu'on y est, Vive moi !
C'est la troisième fois que LOVE sera jouée à Paris. La première production réunissait Pascale de Boysson et Laurent Terzieff, mise en scène de Maurice Garrel, et la deuxième, Patrick Chesnais, André Dussollier et Catherine Rich, mise en scène de Michel Fagadau. Je n'oublie pas les productions de LES DACTYLOS, LE TIGRE, FRAGMENTS (dont je regrette vivement de n'avoir pu assister à une représentation de l'adaptation chorégraphique), LES CHINOIS mise en scène par Jean-Paul Bordes et POPKINS avec Gérard Jugnot. Pascale de Boysson et Laurent Terzieff ont joué initialement dans presque toutes mes pièces et mon affection pour eux est sans limite.
L'écriture est devenu au fil des ans une thérapie, des aphorismes que j'aimerais partager avec vous :
" Arrête d'écrire tant que tu n'auras pas appris à être agressif, grossier, provocateur et doté de mauvais goût. Autrement dit, n'écris jamais sans malice ".
" Je me suis menti pendant presque toute ma vie professionnelle. Ce ne sont pas les applaudissements du public que je recherche, mais ceux de Dieu ".
" Il faut comprendre que ce n'est pas le passé que j'essaie d'oublier mais le futur ".
" Nous, les auteurs, avons un avantage énorme. Notre public n'a pas besoin de se plonger dans la lecture. Il nous suffit de hurler. Notre salive est notre ressource première ".
" Ce n'est pas le désir de raconter une histoire qui me pousse vers la machine à écrire mais plutôt le besoin de communiquer le poids d'une démangeaison qui se situe entre la racine de mes cheveux et la pointe de mes pieds ".
" Certains des meilleurs rapports sexuels que j'ai eus, je les ai eus quand j'étais à ma machine à écrire. Entre les phrases ".
" Mon oeuvre ressemble à ma vie : en pleine panique ".
" Quand on me recommande une nouvelle pièce, je demande est-ce que les acteurs se lèvent, s'assoient, se parlent ? et si on me répond oui, je n'y vais pas ".
" Peut-on vomir une pièce ? J'aimerais essayer. Je suppose qu'avant il faut se farcir la bouche, la gorge et l'estomac d'expériences pourries ".
" Souvent quand je suis au théâtre et que j'attends que le rideau se lève, j'ai une envie irrésistible de me lever et de m'adresser au public en disant Mesdames et Messieurs, j'ai quelque chose de la plus grande importance à vous annoncer ".
" Je suis constamment occupé. A écrire une pièce ou une autre. La raison ? J'essaie de provoquer la mort en disant Ah, il est occupé, on reviendra quand il sera plus disponible ".
" Le théâtre moderne n'aurait pas pu naître et grandir ailleurs qu'à Paris ".
J'espère que vous aimerez ma pièce.
Murray Schisgal
Le théâtre américain et Murray Schisgal
Le théâtre américain n'a pas une longue tradition derrière lui. Il n'existe que depuis une quarantaine d'années. Faute de s'abreuver à des sources nationales, il a été longtemps tributaire de deux grands mouvements esthétiques européens : le naturalisme du théâtre libre et l'expressionnisme allemand. Les auteurs comme Eugène O'Neill, Thornton Wilder, Tennessee Williams et Arthur Miller ont cependant trouvé les moyens et le ton d'un art qui leur appartient en propre. Après avoir puisé dans l'arsenal de la psychanalyse et celui de l'expressionnisme, O'Neill a pris sa véritable stature, qui est imposante, dans les drames touffus de la fin de sa carrière (LONG VOYAGE VERS LA NUIT et THE ICEMAN COMETH, sa dernière et peut-être sa plus belle oeuvre). Thornton Wilder, venu du roman, a abordé la scène en franc-tireur ; sur un ton de poésie familière et d'humour, il chante la vieille aventure humaine (NOTRE PETITE VILLE, LA PEAU DE NOS DENTS). Les pièces de Tennessee Williams sont sauvées du marécage boulevardier par leur baroquisme de forme et l'égarement qui les habite en profondeur. Enfin, Arthur Miller se sert magistralement de la scène pour mettre en accusation certains aspects de la société américaine : son théâtre se veut témoignage et combat.
Ces "Quatre Grands" dominent, de haut, le théâtre américain. Certaines de leurs oeuvres sont entrées dans le répertoire courant. Au cours des années récentes, quelques nouveaux venus, John Gelber, Janet Bowler, Jack Richardson, Edward Albee, Arthur Kopitt, Murray Schisgal, ont attiré l'attention des critiques et parfois du public. Ils se sont généralement fait connaître en dehors de Broadway, dans des théâtres de la périphérie, à Greenwich Village, ou sur des scènes universitaires ou provinciales, moins soumises que Broadway aux impératifs paralysants du succès. Les jeunes auteurs n'appartiennent pas à une école, ne forment pas, à proprement parler, un mouvement. Il est aisé de voir ce que tel ou tel doit à Dürrenmatt ou Ionesco ; mais Edward Albee, par exemple, semble procéder surtout de O'Neill. Ils se ressemblent, toutefois, par la volonté manifeste d'abandonner le naturalisme de leurs prédécesseurs au profit d'autres conventions dramatiques qui autorisent à la fois une plus grande liberté et une plus grande intensité. Ce qui se passe sur scène ne prétend plus être une copie certifiée conforme au tout-venant de chaque jour. Pour eux, le temps théâtral est un temps spécifique qui ne se superpose pas nécessairement au nôtre : ceci, du reste, n'est qu'une très ancienne règle, à laquelle Shakespeare et quelques autres se soumettaient sans y songer, comme à une chose allant de soi... Mais, au XX° siècle, le cinéma était venu tout brouiller...
Ces auteurs nouveaux ne mettent plus d'accent, comme font Miller et Williams, sur tel ou tel aspect de la société ou de la vie américaine : et d'abord, sans doute parce que la vie "à l'américaine" s'est étendue à toute la planète, elle est devenue notre commune (et amère ?) expérience : LE TIGRE de Murray Schisgal, nous le croisons, je suppose, tous les jours dans les rues de Paris... De même, Albee et Galber ne décrivent pas une difficulté d'être américain, mais, tout simplement, une difficulté d'être... Au théâtre de critique sociale ou de psychologie s'est substitué le "théâtre de l'absurde".
Voilà, me semble-t-il, les deux traits communs aux quelques auteurs que je viens de nommer. Il faut goûter, pour Murray Schisgal, un maniement des mécanismes du langage qui a, dans le comique, la précision des dessins de Thurber. Murray Schisgal sais que l'intelligentzia parle, elle aussi, par clichés, et que ceux-ci deviennent du jour au lendemain les clichés des humbles... Je crois très fort en ce jeune dramaturge, parce qu'il est efficace sans aucune recherche de l'effet, profond comme en se jouant, et cruel avec une vaste tendresse.
Jean-Louis Curtis
paru en 1965
15, avenue Montaigne 75008 Paris