Ludor Citrik - Qui sommes-je ?

du 7 au 22 mars 2016
1h20 environ

Ludor Citrik - Qui sommes-je ?

Plein d'une rage lucide contre le monde, Ludor Citrik fait le clown méchant pour faire rire.
Plein d'une rage lucide contre le monde, Ludor Citrik fait le clown méchant pour faire rire et pour inventer, grâce au rire, un moyen efficace de résister à la violence sociale.
  • Le clown blanc et l'auguste

Un clown se réveille dans un spectacle qui n’est pas le sien, dans un monde de la domestication où règne la dictature du convenable.

Qui sommes-je ? réveille le duo du clown blanc et de l’auguste dans la fable acide d'une tentative d’éducation. Avec la hargne et la truculence qui le caractérisent, Ludor Citrik essaye de danser à la fête de la coercition. Il résiste, se tortille et s’entortille. Contre l’uniformisation et la violence de la société, il essaie de faire vivre l’individu pluriel et insoumis que chacun de nous porte en lui. Plein d'une rage lucide contre le monde, Ludor Citrik fait du clown un bouffon et invente, grâce au rire, un moyen efficace de résister à la violence sociale.

  • Les personnages

Le clown (héros)
Le public découvre le clown au début de l’expérimentation comportementale. Notre héros apparaît dans un emballage plastique. L’inauguration de l’action est un réveil qui met en exergue l’étrangeté de l’ordinaire. Le clown est nu, il a une étiquette à l’orteil. Nous sommes d’emblée entre la morgue et la maternité : ces hétérotopies qui entourent la vie. Tout au long du spectacle, le clown oscillera entre les différents âges de sa vie, entre nourrisson et vieillard, comme il oscillera entre différents points de vue sur le monde qui sont autant d’entrechoquements de personnalités. En tout cas, ce personnage découvre vite qu’il est enfermé dans un spectacle qui n’est pas le sien. Le public assiste à l’élaboration, à la construction et à la transformation d’un esprit, à l’essai d’un façonnage d’une personnalité. Ce processus met le public en empathie face aux injonctions et aux brimades de l’éducation (c’est pour ton bien, tu comprendras plus tard). C’est un être de joie, de curiosité, guidé par ses pulsions et ses désirs qui peuvent entrer en conflit avec le milieu préfabriqué. C’est le mythe du bon sauvage de Jean-Jacques Rousseau, corrompu par la société dans le grand paradigme philosophique nature et culture. C’est le mythe du créateur dans le paradigme artistique convention et invention.

Le formateur (adversaire)
Ce personnage a connu trois phases. D’abord conçu comme une allégorie de la dictature du on (comment doit-on se comporter), une voix anonyme diffusée qui enjoint, qui ordonne, qui interdit, qui félicite, qui encourage. Puis il est devenu un archétype de l’éducateur fonctionnel, muet, son visage était caché par un écran qui lui permettait de voir sans être vu (plastique-miroir sans tain), et enfin, démasqué, il est devenu un personnage à part entière. Garant de la normalité, il représente le bon sens de l’éducation. Il peut forcer le clown à se plier à un ensemble de règles strictes et oppressives et à se couper du champ émotionnel. Sa mission est d’améliorer l’individu pour que la société puisse évoluer de façon positive.

  • Entretien avec Cédric Paga

Il semble qu’une des questions du spectacle est de se demander ce qui relève d’un certain formatage social. Comment avez-vous choisi de « représenter » la société ?
Notre questionnement commence avec l’étymologie d’« éduquer » soit ex-ducere : conduire en dehors. De quoi « on » veut-il nous préserver ? Comment l’humain a-t-il fabriqué les modalités de sa domestication (de lui-même par lui-même) ? Après moult réflexions, nous avons décidé de travailler sur la dictature du convenable, sur le consensus tacite qui atrophie notre sensualité, notre potentiel énergétique et nos aptitudes à jouir. Nous avons pour se faire ressuscité le clown blanc : cristallisation de la figure d’autorité, allégorie de la société « raisonnificatrice » et des forces diffuses de régulation qui cherche à éduquer pour son bien, le clown rouge.

Il semble que le régressif ou le transgressif tiennent une place de taille dans la construction de votre présence scénique...
J’œuvre sur la sensualité ou comment la sensation s’incarne, exacerbée par le clown. Il est pour moi, une créature du débordement entre pétulance et truculence, de la jubilation tragicomique d’être au monde, d’un point de vue éthique : un dissolvant de l’a priori, un désagrégateur de moraline. La régression et la transgression ne sont que des effets de son rapport extemporanée, amoraliste et morosophique (la sagesse de la connerie) au réel.

Le titre Qui sommes-je ? a une résonance philosophique. Est-ce un spectacle d’idées ? Un spectacle qui cherche à créer des idées par la sensation ?
Si je reprends la phrase de René Char, « penser en stratège, agir en primitif » le clown n’a que faire de la ratiocination, il est dans le premier soi, celui qui ressent et non celui qui connaît. Il est dans l’instant brûlant, une immédiateté dynamique vitale en devenir.

Votre spectacle n’est pas tout à fait un solo mais pas tout à fait un duo non plus : quel équilibre avez-vous cherché à trouver ?
Notre tentative de réveiller le duo classique du clown blanc et de l’auguste, où historiquement l’auguste a détrôné le clown blanc en lui volant son nom et la vedette et en faisant de lui un faire valoir, une « spalla » (une épaule de jeu) nous a invité à repenser la figure du blanc d’un point de vue de l’ordre symbolique entre la dictature diffuse du « on » et les incarnations de la hiérarchie. Alors, le clown blanc est devenu pour cette création une présence absente, un oxymore du pouvoir.

Comment avez-vous construit Qui sommes-je ?
Il existe un blog* qui retrace notre processus de création et comment nous avons mené l’enquête autour de l’évolution ontogénique de l’humain, ses schèmes de développement, les stades de constitution vers la maturité. Cette recherche de dix mois que nous avons appelée archéologie du devenir, a donné une sorte de reportage que nous avons ensuite dramatisé pour créer une sorte de fable.

Pourquoi avoir choisi le silence ?
Le silence n’existe pas alors donnons lui une chance de se manifester. Je suis trop mélomane pour ajouter superfaitatoirement de la musique à la mélodie du moment du clown.

Pasolini disait qu’il fallait jeter son corps dans la bataille. En voyant votre travail, je me disais que ceci pourrait être aussi votre devise.
Le clown n’a que faire de la dichotomie entre corps et esprit, il est une chair à vif, une praxis de la brûlure d’être au monde, un rire qui explose les certitudes, un manifeste du spectacle vivant vivant.

Propos recueillis par Stéphane Bouquet, janvier 2015

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Spectacle terminé depuis le mardi 22 mars 2016

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