« Quand meurent les hommes, ils chantent. » Ce vers de Khlebnikov donne son titre à l’une des œuvres majeures, bouleversantes, de la dernière période de Luigi Nono. Un même souffle de vie traverse les pièces pour flûte de Salvatore Sciarrino et les madrigaux que Luzzasco Luzzaschi composa jadis pour le Concerto delle donne, à la cour du duc d’Este.
En octobre 1981, le festival « Automne de Varsovie » invite Luigi Nono (1924-1990) à composer un « journal polonais ». Mais deux mois plus tard, le général Jaruzelski proclame l’« état de guerre ». Luigi Nono, sans nouvelle de ses amis, condamne le coup d’État militaire et les soutiens internationaux du régime autoritaire.
Puis, empruntant à des poètes de l’Est, hongrois, polonais, russes, à cette Europe de l’Orient qui en appelle à de nouveaux commencements, il met en musique le thème de l’apocalypse, entre lamentation, psaume et prophétie. « Dans le symbole apocalyptique, le moment de la catastrophe est indissociable de celui de la rédemption. » L’interdit du désespoir, cette faiblesse des pessimistes, est attention à la lueur fragile d’un avènement et souci de ceux qui, en exil, dans la clandestinité, en prison ou au travail, résistent.
En regard, les madrigaux de Luzzasco Luzzaschi (1545-1607) exaltent une vocalité tour à tour dolente, suave et virtuose, quand les pièces pour flûte de Salvatore Sciarrino (1947-) partagent une même attention au son, celui du minéral, du corps vivant, du souffle et du sang de la vie, ou de la musique même, des strophes d’une chanson imaginaire ou de l’« Adieu » du Chant de la terre de Mahler.
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