Un tarif réduit pour les moins de 15 ans est disponible au théâtre.
Face à face entre un baby-sitter et un bébé
Mots suédois, mots français
Les mots à travers une loupe
Des mots et délices
Spectacle pour tous à partir de 3 ans. Représentations des 8 et 22 novembre en suédois.
Le théâtre suédois accessible au jeune public n’a peur de rien. Avec Ma vie de détective, il invite, dès trois ans, à une plongée dans un monde inventif riche en jeux de sonorités et de langue. Et dans sa traduction française, Marianne Segol souligne cette différence jusque dans les babillages parce que les expressions d’un nourrisson ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre… Un face à face bébé /babysitter détonnant et ludique.
Le petit héros, Dada, est caché dans un monde rassurant comme le ventre originel. Il guette le curieux babysitter qui vient l’y déranger et tenter de communiquer. Pas facile de tirer Dada de son cocon, même si quelques indices laisseraient à penser qu’il veut quand même grandir… Le baby-sitter joue au détective pour explorer ce monde clos, et apprend peu à peu à apprivoiser le petit sauvage en créant un langage commun. Toute l’histoire tient dans l’épanouissement de ces deux êtres sensibles, avec un texte où les sons chatouillent et étonnent sans cesse.
Malin Axelsson, auteur de Mitt liv som detektiv, explore le passage du stade du bébé à celui de l’enfant. Comment communiquer avec celui qui ne maîtrise que les gazouillis ? C’est l’occasion d’interroger l’étrangeté d’une langue pour celui qui ne la parle pas. Le Théâtre National de Stockholm (Riksteatern) est allé loin sur la question. C’est un duo franco-suédois qui se partage les deux rôles pour confronter deux langues aux sonorités dissemblables. Et suivant la langue du public, les comédiens intervertissent les personnages.
Le théâtre suédois jeune public n’a peur de rien ni personne, et surtout pas des thèmes coups de poing. C’est lui, qui, le premier, a créé une pièce pour bébés entre six mois et un an racontant leur conception aux tout- petits (Suzanne Olsten), qui a donné à entendre de la philosophie (Gertrude Stein, pas moins !) aux cinq ans et plus… Et cette fois, avec l’auteur Malin Axelsson, il offre aux trois ans et plus une plongée dans l’apprentissage du langage… par le biais du Dadaïsme ! Oui, le théâtre suédois jeune public n’a peur de rien, et cette incomparable qualité en fait un des meilleurs du monde.
Le Riksteatern de Stockholm fourmille d’idées et d’envies. Pour donner une ampleur au texte de Malin Axelsson axé sur la langue, il a choisi de mêler équipe suédoise (technique, auteur, musicienne et comédienne) et française (metteur en scène et comédien). Quoi de plus naturel que de confronter deux cultures, deux sonorités, deux univers, dans cette pièce qui explore le passage de l’état de bébé à celui de petit enfant par le biais du langage ?
Car Dada, le petit enfant de la pièce, est caché dans un monde-matrice rassurant, plein de bruits mais pas de mots, plein de cachettes mais pas d’ouvertures, et y guette le curieux baby-sitter qui vient l’y déranger et tenter de communiquer. Pas facile de tirer Dada de son cocon vaguement inquiétant, même si quelques indices laisseraient à penser qu’il veut quand même grandir, au fond de lui… Le baby-sitter joue au détective pour explorer ce monde clos, et apprend peu à peu à apprivoiser le petit sauvage. Par le corps, par le jeu, par les sons… par les mots. Ils se créent un langage commun, proche du dadaïsme et de ses jeux de sonorités enfantins (d’où le nom de « Dada »), et l’enfant de trois ans devient… un vrai petit garçon ! Quant au baby-sitter, qui ne peut se décider sur son âge (13 ans ou 33 ans ?), il apprend quant à lui à aborder la vie adulte… ou la paternité. Tout est affaire de passage et d’épanouissement, dans un texte où les sons chatouillent et étonnent sans cesse.
Ce texte basé sur les langues peut être à la fois joué sur les scènes suédoises et les scènes françaises. Grâce à une distribution bilingue et des rôles unisexes (un petit garçon qui pourrait être une petite fille, et un/une babysitter), les rôles peuvent s’inverser et se jouer en suédois dans un sens (la comédienne suédoise interprétant alors le rôle le plus bavard, le Détective), ou dans un autre (elle interprète le rôle sonore plus que parlé de Dada, et le comédien français se charge du rôle du Détective).
La traduction française de Marianne Ségol fait particulièrement ressortir la fascinante différence de sonorités des deux langues, même lorsqu’il s’agit de sons vides de sens. Il est connu que le babillage d’un bébé n’est pas le même d’un pays à l’autre !
Malin Axelsson a réussi un véritable tour de force avec ce texte intelligent, expressif, touchant et tellement plaisant à écouter. Tous les thèmes universels de la petite enfance y sont abordés : l’univers privé et magique du tout-petit, comment grandir et couper le cordon (symbolisé par le baby-phone que manie le détective comme un talkie-walkie), la communication avec les adultes, le jeu et les grandes frayeurs de l’enfance…
Le texte est aussi fort pour un public adulte que pour un public enfant, et s’il trouve un fort écho avec ce dernier, c’est que l’apprentissage du langage est pour certains très récent, et donc encore vif à leur mémoire.
Dans un espace de 3 m sur 3, le monde entier d’un enfant de trois ans, j’ai chercher à recréer les angoisses et les réconforts d’un tout-petit dont le monde intérieur nous est étrange, car rendu inaccessible par l’absence de langage : un tunnel de peluches aux yeux omniprésents, des poupées immenses aux visages identiques à celui de Dada, des cachettes disproportionnées, dans une maison de poupées, sous une étagère, parmi les trolls illustrés… Et une boîte à poupées géante (à l’échelle d’un petit !) dans laquelle une musicienne joue une musique électronique et organique rythmant l’univers sans parole de l’enfant. Cet univers dans les tons marron et passés, car matriciel, pourrait effrayer un adulte, et en effet le baby-sitter ne s’y sent pas à l’aise et y jure avec sa tenue éclatante de couleurs. Il lui faut braver les monstres sous le lit ! Et pour ce faire, il doit mettre des mots sur cet univers qui potentiellement en contient partout : sur la boîte de la musicienne, sur un livre géant qui sert d’assise, dans l’univers de contes représenté par les trolls peints, les poupées parlantes… Tout est en devenir, et tout devient sous nos yeux !
En tant que metteur en scène, construire ce monde et en explorer les facettes est un réel bonheur. Tout est libre, foisonnant, complexe et ludique comme l’enfance. Le fait que je parle plusieurs langues (français, anglais, russe, un peu d’allemand, de finnois, et maintenant de suédois !) et que j’en aie inventé deux étant adolescente, m’a permis de jouer sur les sonorités avec délice ! La musique sur scène et en direct, me permet de donner une dimension supplémentaire à ces sonorités, et de faire passer le langage par le corps également en utilisant la danse. Et quoi de plus à-propos que de faire prononcer, dans le rôle de Dada, ses premiers mots en suédois à un français… et inversement ses premiers mots de français à une suédoise ? Les premiers mots de l’enfant en acquièrent une puissance et une étrangeté supplémentaires !
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