L'équilibre d'un Monde
Entre ciel et terre , le corps suspendu d'Else se présente au regard des voyeurs.
Au-dessus l'Eros", point d'extase ultime dans la rencontre du sexe opposé, l'amant,
le mari ou… le père. Au-dessous "Thanatos", les ténèbres dans la terre,
la conclusion fascinante de l'échec, la mort.
C’est ce point de départ tragique, que le scénographe a traduit en faisant en sorte
que les pieds d’Else soient proche du sol sans le toucher vraiment, la tête proche
du ciel sans l’atteindre tout à fait.
Else se brûle. Les deux pôles la déchire de haut en bas. Elle ne choisit rien elle se
laisse entraîner dans la logique de l’histoire tragique. Mais les ressorts du roman
de Schnitzler n’ont rien à voir avec les guerres de Troie et autre grandes
conquêtes. Il faut trouver de l’argent, faire tout ça pour quelque milliers de
florins, sauver un père ruiné…
Else se cherche des utopies, l'homme de ses rêves, la villa, la mer, le soleil, des
désirs en papier glacé. Tout se dégonfle très vite comme un ballon de baudruche.
Elle vit sur elle, pour elle. Fuite en avant, le monde extérieur n'existe que réfléchi
par un miroir merveilleux.
Else porte l'énorme poids des valeurs morales et sociales de sa famille. L'adolescente
avale et digère difficilement le monstrueux fardeau. Le mal au ventre sera d'autant plus
violent que la solution passe par une relation sexuelle avortée : Etre nue et se faire
voir!
La nudité est publique. L'implosion inévitable.
Else libère l'affreux bébé.
La mère-vierge profite des quelques minutes d'agonie pour prendre le plaisir d'exister au
regard des autres. Elle devrait s’envoler ou s’enfoncer dans le sol. Le plaisir
est la mort. Les deux mondes se rencontrent parce que Else s’anéantit. Elle
n’est plus…
Marianne PICHON
Du jeu, de l'actrice
Jouer "Melle Else" mène inévitablement à la solitude. Le caractère se
construit de l'intérieur, pour l'intérieur. La réplique devient accessoire.
La solitude nourrit les fantasmes d'Else et de l'actrice. Else est seule, l'actrice est
seule. Else se parle face au monde, l'actrice se parle dans l'obscurité de la salle. Le
monologue se boucle, enferme.
L'adaptation dramatique exclut la rencontre. Seul Dorsday, machine à fabriquer
l'hystérie, reste. Il existe par Else, pour Else. Les questions de l'homme résonnent
dans la tête de l'adolescente et s'amplifient de réponses improvisées.
Else flotte. Tombe. Comme Alice dans son puits sans fin.
L'adaptation dramatique exclut les références aux lieux. Else vit ses derniers instants,
dans un monde merveilleux et monstrueux, riche et délabré. Elle défait et refait sa vie
au cœur d'un trou noir. Sa pensée s'enroule en spirale et guide sans fin des désirs
inaccessibles. Le corps en reflet
signe l'espace. Des miroirs renvoient l'image, entre ciel et terre. La solitude.
L'actrice joue les paradoxes. L’intériorité d'Else est un fil tendu entre silence
et fureur. De ce jeu subtil naît le
sentiment affreux de l'implosion. Le traumatisme d'Else donne alors l'irrésistible envie
de s'ouvrir.
Stéphane VÉRITÉ
Mademoiselle Else dans la presse :
Pendant plus d’une heure (Melle Else : Marianne Pichon) vient s’exhiber sur scène, avec ses démons, ses désirs, ses frayeurs, ses naïvetés, des impudeurs d’adolescente. Elle s’est offerte… et nous fait part de ses peurs obscures, de son désenchantement de petite fille, à peine femme qui va se faire un devoir d’aller jusqu’au bout… et ce, rien que pour nous. (…) Les spectateurs savent reconnaître ce qui est de qualité. La scénographie de Gérald Gribé est remarquable, ce technicien est un perfectionniste. Il accentue à profusion les délires de Melle Else, c’est un travail d’horloger.
Nord Matin
Et la voilà nue, toute nue. Tragiquement, misérablement. Et pourtant, elle est belle Melle Else (Marianne Pichon). Elle vient de soliloquer 1h15 durant, seule avec ses démons, ses désirs, ses frayeurs, ses naïvetés, ses impudeurs d’adolescente. Elle s’offre à nous public, jambes écartées, petite culotte au vent et nous fait part de ses peurs obscures, de son désenchantement de petite fille à peine femme qui va aller jusqu’au bout. (…) Bonne comédienne, Marianne Pichon. Effets de scène efficaces. On aurait entendu voler une mouche, on a écouté Else.
Et on s'est dit que la Compagnie du Palimpseste pouvait brûler les planches.
Nouvelle République
Elle laissera sans nul doute des empreintes sur le parchemin de notre mémoire cette " Melle Else " que nous a présentée la Compagnie du Palimpseste. Comme le sel déposé par une larme sur une joue trop triste.
"Melle Else" laisse forcément aussi une trace dans la texture du cœur. Dans une volute de fumée, cette création est un fabuleux voyage dans les nébulosités du délire et des fantasmes de la pensée humaine. Voyage tout en ombres et lumières, que Melle Else effectue entre euphorie et désespoir, incertitudes et affirmations, solitude. Solitude. (…) Marianne Pichon n’aura pas donné dans la demi-mesure pour camper cette adolescente torturée. Son long monologue est sans faille. Teint blafard, comme ses idées, cheveux roux, flamboyants comme ses pulsions, cette Marianne-Else est sublime de véracité. Elle terminera nue sur la scène. Une manière de tout nous offrir, sans retenue aucune(…) Stéphane Vérité signe là une mise en scène aussi originale qu’envoûtante. Les effets spéciaux plongent le spectateur dans un univers àpart qui doit ressembler à celui du subconscient. Ici, la mise en scène est une véritable mise en images.
Le jeu de lumière est époustouflant (coup de chapeau à Eric Loustau-Carrère qui est un magicien de l'ombre!)
La Voix du Nord
2, passage du Bureau 75011 Paris