Nominations Molière 2003
Meilleur spectacle public
Meilleur créateur de costume : Elsa Pavanel
Appartenant au cycle du Théâtre en liberté rédigé en exil à Guernesey, ce conte cruel rassemble au fin fond d’une forêt vénéneuse, un roi tyrannique et jaloux, un couple de jeunes amants persécutés, réduits à la famine, une vieille sorcière centenaire et un gibier de potence à la faconde bouffonne. Benno Besson, expert ès féeries et fantaisies, un des maîtres de la scène européenne, saura assurément tirer le meilleur parti de cette fable aussi attachante qu’extravagante et loufoque.
Pour quantité de gens de ma génération dont je me fais ici le porte-parole, les spectacles de Benno Besson qui étaient à l’affiche dans les années soixante ont représenté une grande libération. Quelque différents qu’aient été leur bagages ou leurs familles d’esprit, les uns et les autres, au sortir de ces spectacles, se découvraient comme purgés de toutes sortes de lourdeurs qui avaient encombré jusqu’ici leur façon de pratiquer le théâtre ou de tenir des discours à ce propos. Cette libération venait à point pour montrer qu’il y avait moyen de jeter des passerelles entre diverses exigences que nous avions crues inconciliables : – entre le vrai sérieux de la pratique théâtrale et le ludisme indispensable de ses effets sur le public ; – entre les grandes significations des fables à mettre au répertoire et la popularité des spectacles à en tirer ; – entre les noms les plus chargés de la littérature dramatique du passé ou les noms de la littérature dramatique récente les plus conscients de leur responsabilité, et la fraîcheur de contact que le spectacle pouvait établir avec eux. Il n’est pas question d’asseoir l’éloge du théâtre tel que l’exerce Benno Besson sur la critique négative d’autres hommes de théâtre; cela me serait contraire. Simplement, la libération historique dont je parle tenait à ceci que le théâtre, par Besson, redevenait théâtre ; que Benno Besson semblait avoir pris à la lettre, et comme une urgence nouvelle, la définition qu’en donne Lope de Vega : «Un acteur, un tréteau, un spectateur. » Par lui, le théâtre n’était ni boudoir confidentiel, ni tableau splendide et savant ; ni réunion de bureau, ni congrès de parti ; encore moins lieu de propagande; il était théâtre, c’est-à-dire qu’il misait essentiellement sur la rencontre – dans le temps et le lieu même de la représentation – entre les artistes et les spectateurs, et il s’arrangeait pour que cette rencontre ait la qualité d’un événement.
Béatrice Perregaux
professeur à l’Université de Genève
4, place du Général de Gaulle 59026 Lille