Résumé
Fable sur le pouvoir
Le texte
La traduction et l’adaptation
La mise en scène
Contexte historique
Le conflit de deux reines – Marie Stuart et Elisabeth 1ère
Marie Stuart est une épopée haletante et passionnante que Schiller a écrite à partir du conflit qui opposa pendant 20 ans Elisabeth 1ère d’Angleterre à Marie Stuart. Plus qu’une reconstitution historique, le spectacle est une fable politique universelle qui met à nu les mécanismes du pouvoir.
Deux reines héritières d’un même trône, l’une par le sang, l’autre par testament. L’une est une fervente catholique, l’autre instaure l’église Anglicane. L’une se revendique de droit divin, l’autre se place au service de son peuple et de son royaume. L’une suscite les passions et fascinations, l’autre, redoutée et autoritaire, a renoncé à sa vie de femme pour gouverner aussi librement qu’un homme.
Deux souveraines cousines, celle de l’Ecosse – Marie Stuart – et celle de l’Angleterre – Elisabeth 1ère , deux femmes au tournant de l’histoire, symbolisant chacune les extrêmes de l’Europe du 16ème siècle en pleine guerre de religion.
A partir du conflit de ces deux femmes, Schiller écrit une épopée qui place l’humain au cœur des enjeux politiques. Il montre le conflit entre l’intime et le public, dénonce les manipulations, condamne le fanatisme religieux…
Ce texte magnifique et violent est de toute évidence d’une actualité déroutante. C’est pourquoi la mise en scène est plus proche de la fable universelle que de la reconstitution historique. Elle privilégie l’action et le rythme et met en avant cette humanité des personnages qui distille de l’espoir tout au long de la pièce et qui ouvre tous les possibles.
Traduction M. de Latouche. Adaptation, scénographie Fabian Chappuis.
Deux reines héritières d’un même trône, l’une par le sang, l’autre par testament. L’une est une fervente catholique, l’autre instaure l’église Anglicane. L’une se revendique de droit divin, l’autre se place au service de son peuple et de son royaume. L’une suscite passions et fascinations, l’autre, redoutée et autoritaire, a renoncé à sa vie de femme pour gouverner aussi librement qu’un homme. Deux souveraines cousines, celle de l’Ecosse – Marie Stuart – et celle de l’Angleterre – Elisabeth 1ère, deux femmes au tournant de l’histoire, symbolisant chacune les extrêmes de l’Europe du 16ème siècle en pleine guerre de religion.
A partir du conflit de ces deux femmes, Schiller écrit une épopée qui place l’humain au coeur des enjeux politiques. Il montre le conflit entre l’intime et le public, dénonce les manipulations, condamne le fanatisme religieux…
Ce texte magnifique et violent est de toute évidence d’une actualité déroutante. C’est pourquoi la mise en scène est plus proche de la fable universelle que de la reconstitution historique. Elle privilégie l’action et le rythme et met en avant cette humanité des personnages qui distille de l’espoir tout au long de la pièce et qui ouvre tous les possibles.
Il a longtemps été attribué à Schiller d’avoir été l’un des premiers grands auteurs à participer à la construction de la légende de Marie Stuart et de faire évoluer le personnage historique vers un mythe. Bon nombre d’oeuvres ont été écrites sur la reine d’écosse, chaque auteur revendiquant une totale impartialité en assurant au lecteur d’être le seul à décrire le plus justement possible Marie Stuart. Exercice bien difficile, quand on sait que c’est surtout le mythe de la reine d’écosse qui a inspiré tant d’ouvrages. Marie Stuart a eu un rôle historique et politique très limité, elle n’a rien laissé derrière elle que sa légende, légende dont elle a été la première instigatrice. Elle a littéralement mis en scène son exécution, pour mourir en reine martyre, faisant d’elle une Sainte et construisant ainsi une vengeance post-mortem vis-à-vis d’Elisabeth 1ère.
Schiller a recentré son drame sur la fin de la vie de Marie Stuart. Il débute juste après sa condamnation à mort par la chambre des Lords et se termine juste avant son exécution. Entre ses deux points, c’est toute la vie de la Reine d’écosse qui est évoquée, mais surtout dans son conflit humain, religieux et politique avec Elisabeth 1ère.
Si Schiller prend des libertés par rapport aux faits historiques, jamais il ne les dénature. Si les événements ont été adaptés aux nécessités de la théâtralisation de cette page de l’histoire, ils sont toujours fidèles à ce qu’ils ont représenté historiquement. Les deux reines ne se sont jamais vues, mais Schiller les fait se rencontrer. Et cette scène reprend le contenu de l’important échange épistolaire que les deux femmes ont entretenu tout au long de leur vie.
Schiller ne détaille pas non plus tous les faits historiques de cette période, mais il nourrit ses personnages de traits de caractères qui sont la conséquence de leur vécu et du rôle historique qu’ils ont joué. Elisabeth et Leicester ont longtemps été soupçonnés d’avoir entretenu une relation amoureuse en début de règne. Schiller conserve cet élément historique en marquant leur relation d’une réelle tendresse. Il procède de même pour tous les personnages.
Plus qu’une biographie, Schiller écrit une fable politique. Il met à nu les mécanismes du pouvoir de son époque. Il montre le conflit entre les forces et failles intimes et l’exercice du pouvoir, et comment intérêts privé et public tentent difficilement de cohabiter.
Marie Stuart de Schiller est une oeuvre exemplaire et universelle permettant à chacun de décrypter les mécanismes du pouvoir. C’est une fable politique qui n’a rien perdu de sa pertinence.
Un auteur classique majeur Schiller est l’un des auteurs classiques majeur en Allemagne avec un statut très proche de celui de Goethe, dont il a été très proche humainement et artistiquement. Il fonde avec lui le Weimar Theater qui se place très vite à la pointe de la scène théâtrale allemande, permettant une renaissance du genre dramatique. Les problèmes que traite l'oeuvre de Schiller, qu'ils soient politiques, éthiques ou tout simplement esthétiques, ont contribué de façon majeure à l'avancée des idées à la fin du XVIIIème siècle. Plus encore que Goethe, il a influencé le romantisme allemand.
Son théâtre est animé d'un souffle puissant, peuplé de personnages de grand format, de présences inoubliables : Guillaume Tell, le roi Philippe II dans Don Carlos, Marie Stuart et Elisabeth 1ère et tant d'autres. Il excelle dans la peinture des tempéraments virils et tourmentés.
En France, mis à part sa pièce Les Brigands qui est quelque fois représentée, il est surtout connu pour les adaptations de ses oeuvres en opéra. On lui doit notamment Don Carlos de Verdi, Guillaume Tell de Rossini ou l’Hymne à la joie de Beethoven.
Il est à noter qu’en 1792, la France de la Révolution lui a donné la citoyenneté française, suite à ses nombreux écrits contre les tyrans !
Pour écrire l’adaptation de Marie Stuart, j’ai choisi une traduction quasi-contemporaine à Schiller, qui a mon sens est la plus proche du texte original. Il ne s’agit pas d’une récriture du chef d’oeuvre, mais d’une traduction très fidèle au texte allemand et qui privilégie surtout l’action.
Ce texte magnifique et violent m’a paru d’une limpidité et d’une efficacité redoutable. Le dernier acte, surtout recentré sur les derniers instants de la Reine d’écosse, est peut-être celui qui a le moins bien survécu au temps. Véritable quête de paix de la reine, il correspond à un long processus ou Schiller fait évoluer le personnage de Marie Stuart vers une figure universelle et religieuse. J’ai préféré situer cette quête de paix à un niveau humain et intime.
Initialement écrite pour plus de vingt personnages, l’adaptation privilégie les huit personnages principaux – Elisabeth 1ère et ses plus proches conseillers, Marie Stuart, sa suivante et son geôlier - pour être au plus proche de l’action dramatique. La psychologie et l’émotion sont introduites par le jeu des comédiens. Certains personnages, cyniques ou grotesques, seront l’occasion de moments plus légers.
La pièce se déroule successivement dans la cellule de Marie Stuart, dans le parc attenant à la prison, et dans les salles du Palais de Westminster. J’ai préféré créer sur scène un espace ouvert, sculpté par la lumière et la vidéo, espace illustrant les états émotionnels plutôt que les lieux. Au sol, un tapis de danse rouge recouvert d’une fine couche de sable noir, sol qui sera marqué progressivement par les déplacements. Les comédiens portent de longues robes noires, seules les deux reines portent des couleurs.
Sur le plateau, les comédiens sont présents pendant toute la durée du spectacle. Ils sont les spectateurs d’une tragédie dont leurs personnages sont les auteurs. Chacun va à son tour se préparer à vue et entrer dans l’espace de jeu pour devenir personnage, qui a décidé d’ignorer ou d’assumer ce à quoi il a été témoin. Mais au fur et à mesure de l’action, la frontière entre le comédien et le personnage se fera de plus en plus fine, et c’est la frontière entre l’individu et l’animal politique qui s’estompera de plus en plus.
Ce qui m’a touché dans la pièce de Schiller, c’est que chaque personnage politique est le résultat d’un parcours humain et que les actes et décisions sont le résultat d’un conflit entre l’individu et la raison d’état. Et c’est cette humanité contrariée qui distille de l’espoir tout au long de la pièce et ouvre tous les possibles, malgré une fin prévisible.
Ce qui aurait pu être une tragédie à l’issue fatale devient une épopée humaine aux ressorts dramatiques surprenants avec une intrigue qui tient en haleine.
La mise en scène privilégie donc l’action et le rythme, tout en gardant des moments de respiration pour permettre à l’émotion d’exister pleinement. Il n’y a pas de machine du pouvoir, mais des femmes et des hommes qui tentent d’accompagner le développement d’un pays et d’un peuple, avec leurs convictions, leurs hésitations, leurs actes courageux ou lâches, leurs visions, leurs espoirs, leurs désirs de grandeur, leurs illusions… En choisissant de monter Marie Stuart, c’est cette humanité que je veux mettre en scène.
Reine catholique d’Ecosse à l’âge de 7 jours, fiancée à l’âge de 6 ans au dauphin de France, François, fils d’Henri II, afin d’éviter une guerre contre l’Angleterre, Marie Stuart devient l’épouse du roi de France en 1559 et elle prend le titre de « Reine de France, d’Ecosse et (abusivement) d’Angleterre ». François II, roi de France, perpétuellement malade, meurt un an plus tard, et la jeune reine, en discrédit auprès de sa belle mère Catherine de Médicis, doit regagner l’Ecosse, où la situation a bien changé.
En effet, à la suite de la mort de sa mère catholique, qui assurait la régence, le protestantisme est déclaré culte officiel en Ecosse et des révoltes nobiliaires agitent son royaume. Marie Stuart parvient tout de même à rétablir son autorité et à imposer la concorde religieuse à ses sujets divisés.
Elle se prend d’une passion, aussi soudaine qu’irrépressible, pour son jeune cousin, Lord Henry Darnley qu’elle épouse en 1565. Vaniteux et lâche, Lord Darnley se montre médiocre dans l’exercice du pouvoir, trahit ses alliés et fait assassiner le principal conseiller de la Reine, l’italien Rizzio qu’il suspecte d’être son amant. Afin de protéger d’un scandale l’enfant qu’elle porte, Marie Stuart laisse quelques lords, dont Lord Bothwell, organiser le meurtre de son mari. Mais des rumeurs sur l’implication de la Reine se répandent vite et une révolte se déclare lorsque l’on apprend que Marie Stuart entretient une liaison avec l’assassin.
Fervente catholique et très attachée à son statut de Reine, Marie Stuart refuse d’abdiquer en faveur de son fils, et fuit l’Ecosse pour se réfugier auprès d’Elisabeth 1ère, dont elle réfute la légitimité, tout en maintenant ses prétentions au trône d’Angleterre. Elle est devenue une réfugiée bien embarrassante…
Elisabeth la place en résidence surveillée et fait d’elle sa prisonnière pendant dix-huit années. Marie Stuart devient, malgré elle, l’instrument des ennemis de la Reine d’Angleterre, et tout particulièrement des catholiques. Les catholiques anglais et écossais d’abord, réduits à la clandestinité et qui espèrent le retour du catholicisme en permettant l’accès de Marie Stuart au trône ; le Vatican, ensuite, qui voit là un moyen de regagner un territoire perdu depuis Henri VIII ; les souverains des autres royaumes catholiques européens comme la France et l’Espagne, enfin, qui font de la captivité de Marie Stuart un prétexte pour étendre leurs prétentions.
Malgré des tentatives désespérées et de nombreux complots orchestrés autour et par la Reine d’Ecosse, aucune volonté réelle de la libérer ne se manifeste en Europe. Elisabeth 1ère, qui refuse l’idée qu’une tête couronnée soit jugée et condamnée par les hommes, hésite longuement et cherche un prétexte pour condamner à mort Marie Stuart sans qu’elle soit impliquée directement. C’est finalement un complot et un piège dans lequel tombe la Reine d’écosse, qui a raison des dernières hésitations de la Reine d’Angleterre.
Marie Stuart meurt dignement en Reine en 1567, dans l’indifférence quasi générale. Afin de s’assurer d’une paix durable avec le fils de Marie Stuart, le Roi d’écosse, Elisabeth 1ère lui promet sa couronne juste avant l’exécution. Il règnera en Ecosse sous le nom de Jacques VI, de 1567 à 1625, et en Angleterre sous le nom de Jacques Ier, de 1603 à 1625, et inaugurera la dynastie des Stuart. Il fera transférer la dépouille de sa mère à l'abbaye de Westminster, où elle repose toujours, à deux pas d'Elizabeth 1ère.
Deux Reines, l’une légitime, l’autre issue d’une union déclarée illégitime a posteriori pour des raisons religieuses donc politiques dans cette Europe du XVIe siècle en pleine guerre de religion. L’une fervente catholique, l’autre qui a choisi le protestantisme notamment parce qu’elle refuse l’ingérence du Vatican dans les affaires intérieures de son pays. L’une est légitimement reine, suscite passions et fascinations (surtout des hommes), l’autre, redoutée et autoritaire, a sacrifié sa vie de femme (la « reine vierge ») pour gouverner en homme et protéger ainsi son trône.
Deux souveraines, celle de l’Ecosse – Marie Stuart – et celle de l’Angleterre – Elisabeth 1ère -, cousines par leur arrière grand-père, deux héritières pour un même trône, l’une par le sang, l’autre par testament.
L’histoire de Marie Stuart, c’est aussi le conflit dramatique entre deux femmes foncièrement différentes l’une de l’autre à tous points de vue, deux femmes au tournant de l’histoire.
C’est en effet en ces deux souveraines que se touchent les extrêmes du siècle de la Renaissance et de la Réforme, car chacune symbolise à sa façon une idéologie différente, opposée à celle de sa rivale : tandis que la prise de position de Marie Stuart pour la foi catholique montre qu’elle représente la défense des idéaux d’une foi séculaire, celle d’Elisabeth 1ère pour la Réforme symbolise en quelque sorte l’avènement des temps modernes. Marie Stuart se revendique de droit divin, une reine au service de Dieu ; Elisabeth, en raison de sa légitimité mise en doute, cherche le soutien de ses sujets et se place au service du peuple et de son royaume.
Marie Stuart meurt pour la cause d’une tradition qu’elle veut inaltérée, Elisabeth 1ère construit le nouveau visage d’un monde en devenir qui sera celle de la montée en puissance de l’Angleterre : l’Europe du Grand Siècle. Là où Elisabeth 1ère est progressiste, Marie Stuart reste réactionnaire : avec elle s’achève toute une époque.
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