La chanteuse Alima Hamel parle de sa soeur morte à Médéa, petite ville isolée au milieu des montagnes, méconnue de tous, pourtant berceau des massacres de la décennie noire algérienne. Une mise en scène d'Aurélien Bory. À partir de 14 ans
À partir de 14 ans
« Quand je suis retournée à Médéa en Algérie pour retrouver mes sœurs que je n’avais pas revues depuis 19 ans, elles m’ont demandé de raconter notre histoire. Comment raconter cette histoire que seul mon chant convoque tant elle échappe à ma compréhension ?
Je chante la mort de ma sœur depuis 1997. Un chant abstrait qui n’a de mot à prononcer tant la violence semble indicible. « Morte de mort violente » écrivait son médecin légiste. Aujourd’hui, il est temps que j’interroge la mémoire de notre histoire familiale, que je l’écrive avec mon encre, que je la dise, la chante dans l’urgence et l’engagement du théâtre, l’engagement de dire ce qui doit être enfin entendu d’une période sombre de l’Algérie que le monde n’a pas encore les moyens d’analyser tant elle est récente. Que les Algériens eux mêmes encore plongés dans ce traumatisme observent dans le mutisme le plus émouvant. Un hommage à mes sœurs délaissées les unes après les autres dans la petite ville montagnarde de mes parents, Médéa, dans l’Algérie des années 80, avant que ne survienne la mort par assassinat de la plus jeune en février 1997, surprise par le « surgissement » de la guerre civile des années 90.
Peu d’artistes, hommes et femmes de lettre nés en Algérie, ont témoigné. Je dois contribuer à cet effort de mémoire, en tant qu’auteur et chanteuse française d’origine Algérienne. Je veux faire parler ma famille. Je veux faire parler Médéa. Médéa, petite ville isolée au milieu des montagnes, ce « chef-d’œuvre de la nature », méconnu de tous, pourtant berceau des massacres de la décennie noire algérienne. »
Alima Hamel
« Tombeau pour la sœur disparue, Médéa Mountains se révèle également un puissant geste de résilience. Un geste bouleversant porté par un dispositif scénographique qui avec modestie mais efficacité donne corps au double mouvement à l’œuvre : le dessin des liens souterrains entre géographie réelle, familiale, et géographie des souvenirs. » Sceneweb
« Entre théâtre et chant, Alima Hamel dévoile son récit intime sans pathos. Sur le grand panneau blanc derrière elle, une figurine robot dessine une carte et ses circonvolutions. La comédienne écrit son nom. Bientôt noyé dans l'encre noire. Puis les mots deviennent souffle, musique, celle du blues, le chant de la douleur et nous laisse sans voix. » RFI
Je connais Alima Hamel depuis de nombreuses années, et j’ai pu suivre son beau parcours musical, entre jazz et musique improvisée ou plus précisément composée instantanément. J’ai été touché par sa voix, dont la douceur et l’âpreté mêlées me laissent deviner l’intranquillité de son alchimie intérieure.
J’ignorais tout de son histoire familiale. Comme j’ai pu ignorer à l’époque la vie de ces jeunes filles françaises, celles qui étaient mes copines de classe dans les années 80, condamnées par leur famille à retourner dans un pays qu’elles ne connaissaient pas, sans autre horizon que la séparation avec leur vie française, l’isolement et le mariage.
Alima qui a commencé à chanter à la mort de sa sœur retournée en Algérie, livre aujourd’hui un texte autobiographique, dont le traumatisme familial à Médéa croise celui de la décennie noire algérienne.
J’ai imaginé un espace pour Médéa, qui ne serait pas un dessin, ni une carte géographique, ni une machine, mais tout cela à la fois. Un dispositif comme tuteur d’une histoire, qui imposerait son déroulé, mais démêlerait du même coup les méandres de la mémoire d’Alima, qui ne sais plus vraiment comment tout cela a pu être possible, et qui cherche au-delà de son histoire un sens, mais de son sens il n’y en a pas. « Que dire de mon histoire » interrogeait Pérec. « L’histoire avec sa grande hache l’a déjà fait à ma place. » En écoutant Alima parler avec ses mots de poétesse, j’ai pensé que l’histoire ne nous avait pas tout dit …
Aurélien Bory
Voilà un témoignage rare, sobre, sombre et fort. Alima Hamel ne cultive pas le pathos ; pour autant, son récit est poignant, simple et indispensable.
Pour 1 Notes
Voilà un témoignage rare, sobre, sombre et fort. Alima Hamel ne cultive pas le pathos ; pour autant, son récit est poignant, simple et indispensable.
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