Après sept ans d’enfermement, en 1668, un ami de Nicolas parvient à lui faire passer le premier volume des Fables que La Fontaine vient de faire publier. Sa joie est grande de découvrir un chef d’œuvre qu’il a initié quelques années plus tôt. Ces merveilleux personnages, mis en scène par le poète et se faisant quelquefois l’écho de son sort, ainsi que des airs de Lully et Marin Marais, joués à la viole de gambe par Champagne, son fidèle valet, vont apaiser quelque temps son chagrin et peupler son isolement.
La ville de Cambrai m’a commandé en 2014 l’écriture d’une pièce sur Fénelon pour célébrer le tricentenaire de sa mort (1715). François de Salignac de La Mothe Fénelon fut créée en septembre 2015, dans le théâtre de cette ville du Nord dont il fut l’archevêque.
Pour écrire sur cet auteur ecclésiastique dont je ne savais presque rien, j’ai beaucoup travaillé sur le siècle de Louis XIV et sur le caractère tyrannique de notre roi soleil qui a exilé Fénelon à Cambrai lorsqu’il a lu Télémaque et compris que ce prélat ne partageait aucunement ses visées expansionnistes et son pouvoir absolu.
Après avoir écouté mon CD de 21 fables : Du temps que les bêtes parlaient, Emmanuel Dechartre m’a proposé de faire la rentrée de septembre 2018 avec La Fontaine. Trouvant le principe du récital poétique un peu convenu, j’ai souhaité construire un scénario qui mettrait en scène une dizaine de fables, à l’intérieur d’une histoire. Et Nicolas Fouquet ayant été, comme Fénelon, exilé par le même monarque, le nœud de l’intrigue s’est rapidement et naturellement imposé.
Instruit par les remarquables ouvrages de deux historiens : Daniel Dessert et Jean-Christian Petitfils, ému par le roman de Paul Morand : Fouquet ou le soleil offusqué, j’ai construit cette pièce en un acte avec un double objet : rendre son mérite et son honneur à ce mécène qui a découvert et pensionné les plus grands esprits et artistes du XVIIème siècle, dont les talents ont tous été récupérés par Louis XIV... et faire entendre une dizaine de fables de La Fontaine, parmi les plus audacieuses et courageuses face à un monarque jaloux de son pouvoir. Sans oublier que l’auteur de La cigale et la fourmi aura été le seul de ces grands esprits à soutenir son ami Fouquet et à demander régulièrement sa grâce au roi, en vain.
Les Fables de notre plus grand poète européen (qui ont 350 ans cette année) exigent du public une attention soutenue. C’est pour lui permettre de reprendre haleine que j’ai souhaité inclure quelques pauses musicales avec la complicité de Jean-Louis Charbonnier, ce grand violiste qui a enregistré l’intégrale de l’œuvre de Marin Marais. Le valet Champagne jouera donc de la viole de gambe.
Lorsque Philippe Murgier m’a proposé de mettre en scène «Mon ami La Fontaine», j’ai immédiatement été séduit par le point de vue proposé, le regard de Nicolas Fouquet sur les fables de La Fontaine. La pièce réussit à mettre en lumière ces célèbres histoires par le biais d’un vrai récit de fiction.
Nicolas Fouquet, emprisonné sur ordre du roi, est un symbole des victimes expiatoires des autocrates et des procès staliniens. Par la situation et le personnage que nous propose de suivre Philippe Murgier, les fables prennent une autre dimension, elles ne sont plus simplement « récitées »... Ce n’est plus exclusivement le La Fontaine poète qui est mis en valeur, avec son humour et son sens de la formule, mais le moraliste lucide, le sociologue sévère et désenchanté, tantôt amusé par nos petits travers, tantôt révolté par les privilèges et turpitudes des puissants. Et les mots du poète résonnent soudain avec plus de force. Ce n’est alors plus un comédien qui dit les fables mais un personnage qui les incarne et les découvre avec le spectateur. Partageant la souffrance et l’injustice que vit Fouquet, son empathie pour le Surintendant grandira au rythme de sa complicité avec le poète.
Philippe Murgier a exclusivement choisi des fables animalières. Son choix est judicieux car La Fontaine, par ce truchement anthropomorphique, peut s’exprimer beaucoup plus librement dans ses critiques sociales et politiques.
C’est ce parallèle entre la situation du prisonnier et les personnages des fables qu’il m’intéresse de mettre en scène. Un rapport assez violent doit naitre. Sous couvert de bienséance et de libéralité (le roi avait permis que Fouquet soit accompagné et servi par deux valets qui avaient en réalité mission de l’espionner) un homme en cage souffre et crie à l’imposture.
C’est pourquoi je m’attacherai particulièrement au langage dans la direction des comédiens. Le rang du personnage principal et l’époque historique dans laquelle il s’inscrit oblige à une évocation clairement XVIIème aussi bien esthétiquement que stylistiquement. Mais pour ne pas créer de distance trop importante avec le spectateur, pour ancrer la pièce dans un rapport contemporain, nous devrons veiller à trouver cet équilibre dans le jeu : d’un côté la tenue du langage, les vers de La Fontaine, avec leur exigence prosodique, et de l’autre la lisibilité et la simplicité de la prose de l’auteur pour emmener le spectateur dans des fables et dans une histoire qu’il ignore ou qu’il connaît bien, ou qu’il croit connaître, ou qu’on lui a plus ou moins bien racontée...
Point de détails trop naturalistes, seuls quelques murs nus, des éléments de mobiliers et une lumière grise évoqueront ce donjon de Pignerol qui deviendra le tombeau du mécène de Vaux le Vicomte, après 19 ans d’incarcération « sans livre, sans plume, sans papier ». Il lui restait la prière et l’espérance que La Fontaine obtiendrait sa grâce.
Les intermèdes musicaux seront intégrés aux situations, le valet Champagne qui partage la cellule de Fouquet joue de la viole de gambe. Des respirations, des plaintes de Saint Colombe, qui feront écho aux pleurs de Fouquet, mais aussi des rires, des danses, de Lully, de Marin Marais qui accompagneront les vers sublimes de son ami La Fontaine.
Un moment de poésie hors du temps. Une très belle soirée
Une réussite à tous points de vue : le texte, le choix des fables et des morceaux de musique, le jeu des acteurs, y compris celui du violiste qui sait écouter les fables, en plus de jouer magistralement de son merveilleux instrument.
Très agréable parenthèse mêlant vers de La Fontaine et musique baroque. Nous sommes entrainés par Philippe Murgier, très touchant Fouquet découvrant les vers de son ami La Fontaine. Il est agréablement accompagné par Jean louis Charbonnier, maitre en viole de gambe. Excellent moment hors du temps.
Belle mise en scène, decors et en costume. Un moment instructif qui nous plonge dans l univers carcéral de Fouquet qui n avait le droit ni d écrire ni de lire dans sa prison jusqu'à sa mort. Je la conseille.
Pour 5 Notes
Un moment de poésie hors du temps. Une très belle soirée
Une réussite à tous points de vue : le texte, le choix des fables et des morceaux de musique, le jeu des acteurs, y compris celui du violiste qui sait écouter les fables, en plus de jouer magistralement de son merveilleux instrument.
Très agréable parenthèse mêlant vers de La Fontaine et musique baroque. Nous sommes entrainés par Philippe Murgier, très touchant Fouquet découvrant les vers de son ami La Fontaine. Il est agréablement accompagné par Jean louis Charbonnier, maitre en viole de gambe. Excellent moment hors du temps.
Belle mise en scène, decors et en costume. Un moment instructif qui nous plonge dans l univers carcéral de Fouquet qui n avait le droit ni d écrire ni de lire dans sa prison jusqu'à sa mort. Je la conseille.
Très belles interprétations et texte intense qui permet de se remémorer les fables et d'appréhender leur résonance immuable avec l'actualité et les jeux de pouvoir. La durée de 1 h 05 confère à l'ensemble une grande densité sans laisser aucune la place à l'ennui. Les morceaux virtuoses de viole de gambe s'inscrivent à merveille dans l'ambiance et le sobre décor.
20, avenue Marc Sangnier 75014 Paris