Monsieur Mallaussène au théâtre

Paris 15e
du 15 au 18 novembre 2001

Monsieur Mallaussène au théâtre

Il y a le routard des villes. Et il y a le routard des champs, Benjamin Malaussène est de la première espèce.Un confrère. Son tour du monde est à Belleville. A peine quatre rues qui se donnent le coin. Une façon de marcher sur place : ce n’est pas lui qui bouge, c’est la terre qui tourne…

    
Le roman hors de l'étagère
Ruminements de tête
Bulletin de naissance
La presse

Tout roman est une confidence du silence au silence. Un échange muet de bocal à bocal. Auteur et lecteur y sympathisent, mais sur des étagères différentes, en des lieux étrangers, chacun dans sa bulle. Le silence des mots fait le lien. 
Il devrait donc s’excuser, le romancier qui fait irruption sur la scène : le théâtre, lieu de tous, n’est pas son espace. Qui est-il, ce poisson rouge, pour prétendre nicher dans les frondaisons du dramaturge ? Il faut se méfier de ce genre de coucou à nageoires. Particulièrement en un temps où nos sociétés jouent la confusion des rôles, où les comédiens se font élire président, les affairistes bombardeurs comédiens et les papes gynécologues. Nous sommes dans l’ère des nouveaux centaures : les chattes n’y retrouvent pas leurs chiots et les électeurs votent pour des images. 
Que le romancier reste donc à sa place, qui n’est pas le champ sonore de la scène. C’était ma résolution : ne pas mélanger les genres, et point de représentation. 
Je m’y suis tenu pendant quelques milliers de pages, et puis, un soir de lecture publique, librairie « Folie d’Encre » à Montreuil, le théâtre a fait irruption dans ma bulle (ce n’est pas moi, c’est lui !). En la personne d’un comédien, Jean Guerrin, venu donner corps aux mots, aux miens. Or, ce soir-là, par cette voix-là, j’ai entendu beaucoup plus que mes mots : mes intentions. Sur ce visage de comédien, j’ai vu mes silences. Comme si ce type avait passé sa vie dans mon gueuloir intime. Surprise ! Je découvrais l’essence du théâtre, qui est de faire éclore nos silences.
Jean Guerrin, c’est le faiseur de théâtre. A la scène (il faut le voir jouer cette pièce de Thomas Bernhard !) comme à la ville, où il fonda le Théâtre-école de Montreuil. Le théâtre est son mode d’expression, d’exposition. Voici donc Benjamin Malaussène extrait de sa bulle, posé là, sur les planches, un poisson rouge hors de son bocal romanesque, privé de 1500 pages d’anecdotes qui lui tenaient lieu de milieu naturel, livré à ses seuls monologues, à ses silences, infiniment exposés.
Contre tous mes principes, Jean Guerrin a fait descendre le roman de son étagère et a proclamé le romancier metteur en scène. L’absolue confusion des rôles, vous dis-je. L’époque ! Des excuses encore des excuses ! Mais quel bonheur, nom d’un chien, de me retrouver au théâtre avec mon lecteur, dans la même bulle. Quel bonheur et quelle trouille, ces noces !

Daniel Pennac -Extrait du Journal du Théâtre n°2

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Il y a le routard des villes
Et il y a le routard des champs
Benjamin Malaussène est de la première espèce
Un confrère
Son tour du monde est à Belleville
A peine quatre rues qui se donnent le coin
Une façon de marcher sur place :
Ce n’est pas lui qui bouge
C’est la terre qui tourne
En fait son globe-trottage est existentiel
Une certaine façon d’être 
Benjamin tourne en rond dans sa tête
Benjamin ne marche jamais seul
Pas le genre « walk-man »
Il a les oreilles bien trop basses
Bouc émissaire accablé par la poisse
Une vieille connaissance
Sa besace est toujours pleine de monde
Bourrée à craquer
Pour l’heure le cas est grave
Et l’affaire est sérieuse.
Comment se résoudre à devenir père ?
Comment se préparer à devenir soi-même ?
Les affres et conciliabules secrets
Du primipare tardif
Situation connue, angoisse vécue de près,
Personnage familier
Facile à comprendre,
Facile à raconter,
C’est ce qui m’a séduit bien sûr
Mieux, même : 
C’est ce qui m’a irrésistiblement emporté
Dans le flot vif d’un texte
Qui vous met l’état de grâce
A fleur de bouche.

Jean Guerrin

Si les enfants naissaient adultes, il y en aurait vraisemblablement un peu moins. Christian Mounier

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1995 – Parution de « Monsieur Malaussène » de Daniel Pennac, quatrième volume de la « saga ».
Fin 1995 – A l’occasion d’une signature du livre, chez Jean-Marie Ozanne, à la librairie « Folies d’encre » de Montreuil, Jean Guerrin présente une lecture publique de quelques fragments de l’ouvrage. Le soir même, Daniel Pennac et Jean Guerrin conçoivent le projet d’un spectacle.
Mai 1996 – Après plusieurs lectures publiques qui sont autant d’approches du montage final. Guy Rétoré invite le spectacle tout neuf pour ouvrir la saison 96/97 du TEP.
Octobre 1996 – Première création publique au TEP.
Le spectacle repris au Théâtre des Mathurins jusqu’au 31 décembre 96, sera représenté pendant toute la durée du Festival d’Avignon en juillet 97 et tournera 4 ans en France et à l’étranger.
Dans le roman de Pennac, le personnage central de la « tribu » Malaussène, Benjamin, se prépare à devenir père. Un rôle nouveau pour lui. Cette perspective le remplit de trouble et d’anxiété, questionnement obsessionnel qui tourne parfois à l’angoisse, et libère les fantasmes du genre « Faut-il faire des enfants dans le monde où nous sommes ? Le Divin Parano mérite-t-il qu’on ajoute à son œuvre ? Ai-je le droit d’enclencher un destin ? Ne sais-je point que mettre une vie en marche c’est lancer la mort à ses trousses ? ».
Benjamin tourne en rond dans sa tête et se prend à interpeller l’Autre, le petit être qui ronronne dans sa capsule bleutée.
« Eh ! Oh ! tu m’écoutes, oui ? Concentre-toi un peu, bon Dieu ! Arrête de ronronner dans le ventre de ta mère ».
Ces moments de dialogue, de confrontation, de tête à tête si l’on veut, imaginés par Benjamin, avaient constitué la matière des premières lectures. D’autres textes tirés de l’ensemble de la tétralogie, sont venus compléter le spectacle qui s’enrichit par ailleurs de passages écrits par lui.
Et voici le spectacle façonné par Daniel Pennac et Jean Guerrin :
Un seul personnage en scène, d’abord pour l’histoire : Benjamin, le futur père. Tous les personnages de la saga jailliront de son inquiétude pour jouer leur partition : Maman, Jérémy, Le Petit aux lunettes roses, Clara, Thérèse, Julius le chien, Julie bien sûr, Julie la future mère et puis la Reine Zarbo, Gervaise, le professeur Berthold et le docteur Marty etc…
Puis, deux autres personnages ont rejoint le premier sur la scène.
Le musicien d’abord, développant de façon vivante une partition parallèle, une voix intérieure, compagne du texte et de l’acteur.
Et l’enfant, saisi en quelques images à diverses étapes de sa gestation et convoqué par Benjamin au gré de ses humeurs contrastées, sur une sorte de lune en guise d’écran, suspendue dans le ciel de ses nuits éveillées.
Le spectacle a pris forme sur ces quelques éléments, dans un grand dépouillement de moyens :
Un banc, lieu de pause, voué par nature aux moments éphémères entre deux errances. Un livre oublié, à quitter, à reprendre et d’où tout est venu. Un théâtre, enfanteur de grâce quand un texte le visite. Aldo Gilbert a pris son instrument, le sax-synthé. Jean Guerrin est monté sur scène pour faire l’acteur-conteur de Benjamin. Daniel Pennac a tenu les rênes, de son regard aigu, tapi dans l’ombre de la salle.

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Sur mesure pour Jean Guerrin - L' Express
Un régal - Le Nouvel Observateur
Une pièce, une vraie - Le Journal du Dimanche
La vie, quoi ! - Notre Temps
Franchement réussi...humour, tendresse et puissance d'évocation - Télérama
Pour le meilleur et pour le rire... A voir absolument - Panorama du Médecin
Un moment de grâce. Toute l'interrogation des hommes face au devenir de l'être humain. - Politis

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Informations pratiques

Espace Cévennes

9, rue de la Montagne d’Aulas 75015 Paris

Spectacle terminé depuis le dimanche 18 novembre 2001

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