Procès imaginaire d’Agatha Christie
Pourquoi continuer à écrire ?
Agatha Christie
Agatha Christie est une joueuse. Elle aime la peur et le frisson. Assise dans son bureau, elle connaît la fameuse panne de l’écrivain. C’est alors qu’un mystérieux personnage se présente comme étant son juge. Agatha ne perd pas son sang-froid. Qui est cet homme : un fantôme, un tueur, un sadique ? Il vient pour la juger - tout simplement. Agatha riposte. S’entame un dialogue serré où elle va défendre, sa vie, ses romans, sa création. Gagnera-t-elle à ce petit jeu ? Continuera-t-elle à alimenter les « petites cellules grises » de son cher Poirot ? Vous le saurez en venant la retrouver au théâtre...
Par la Compagnie du Duende / Voyages Intérieurs.
« Tout écrivain en milieu de carrière doit faire le point sur ce qu’il écrit », c’est ainsi que le juge justifie le procès imaginaire d’Agatha Christie. Et c’est bien la question que se pose l’écrivain quand il se retrouve en panne d’inspiration et qu’il se retourne sur son parcours d’auteur. Est-ce qu’il faut continuer ? Est-ce que l’on a écrit ce que l’on devait écrire ? Est-ce qu’on est un écrivain légitime ? Car c’est cette dernière et grande question qui taraude l’écrivain toute sa vie, celui de sa légitimité et de ce qu’il laissera derrière lui. A-t-il choisi d’être un auteur ou est-ce que ce sont les circonstances qui l’ont amené à écrire ? Est-il un écrivain par nature ? Le succès public est-il le garant d’une légitimité ? Ne serait-ce pas plus simple de tout arrêter quand la souffrance de l’artiste à créer devient trop importante ? Toutes ces questions liées à l’écriture, mais également à toute forme de création artistique, sont au cœur de la réflexion que développe le procès d’Agatha, procès imaginaire qu’elle se fait à elle-même ou procès véritable qu’un juge dépêché par les instances supérieures de la création prétend lui imposer ?
Ce que je voulais montrer, c’est que tout artiste vit dans une insécurité permanente quant à ce qu’il crée, et ne cesse de se demander s’il a raison ou non de continuer. De nombreuses biographies d’écrivains montrent le besoin fréquent de se justifier en tant qu’artiste, comme si cette identité restait fragile aux yeux du monde et de l’artiste lui-même, comme s’il fallait expliquer pourquoi on se met à écrire, comme s’il y avait une culpabilité sous jacente à la fonction d’artiste.
Agatha Christie est une figure mondialement connue, qui a véritablement fait œuvre de création à partir d’un genre qui était alors considéré comme mineur. Ses personnages sont devenus mythiques, son style est inégalé et son humour sous-jacent, la critique ironique et lucide qu’elle fait des modes de vie de la société anglaise au 20ème siècle la rende unique et vont bien au delà du simple roman policier. C’est une véritable analyse sociologique de cette société. Outre le fait que c’est un auteur que j’apprécie depuis très longtemps, je l’ai choisie comme héroïne de cette réflexion parce qu’elle a toujours douté, toute sa vie, d’elle-même et de sa légitimité d’auteur, bien qu’elle ait publié plus de 80 romans et ait été anoblie pour l’ensemble de son œuvre. Elle a énormément souffert de la panne de l’écrivain. Elle avait un rapport amour-haine avec ses personnages principaux. L’écriture était intimement liée à sa vie, aux épreuves qu’elle traversait et chaque roman est nourri de ses expériences.
Entretien de Carol-Ann Willering par Myriam Guilhot - RFI
Agatha Miller naît à Torquay dans une famille de la bonne société du Devonshire. C’est une enfant heureuse et aimée. Un jour sa sœur Madge pour qui elle a une profonde affection la met au défi d’écrire un roman policier. Agatha relève la gageure. Par la suite, elle ne cesse d’écrire : elle publie en tout plus de 80 romans, des essais, son autobiographie, des pièces de théâtre.
Mariée à un brillant officier militaire, Archibald Christie, elle apprend que son mari la trompe au même moment où sa mère décède. Une période de grand trouble la saisie. Agatha s’enfuit de la maison. On retrouve sa voiture au bord d’un lac. Elle fait la une des journaux. Crise d’amnésie ? Retraite volontaire ? La question restera toujours en suspens…
Agatha divorce puis se remarie avec l’archéologue Max Mallowan. Ils voyagent jusqu’au Moyen-Orient. De leurs expéditions, elle retient l’atmosphère dans laquelle elle situe certains de ses livres. Chaque événement de sa vie est l’occasion de nourrir une intrigue… pour permettre à cette femme non-conformiste, inventeur d’un genre, de faire à chaque fois fonctionner comme son alter- ego Hercule Poirot, « ses petites cellules grises ».
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