Olivia Grandville a toujours travaillé l'articulation du verbe et du langage dansé. Elle le fait cette fois en s'inspirant de Combat de Carnaval et Carême, tableau de Brueghel l'Ancien (1559). Dans celui-ci des personnages incarnent la rencontre entre Carnaval et ses excès, et Carême et son abstinence. Polysémique comme toutes les grandes œuvres, on peut y voir une place de village en liesse, mais aussi une allégorie du temps, un rite de passage et surtout, la formidable expressivité des corps et des visages.
Ce foisonnement, cette expressivité se retrouvent sur le plateau où officient dix danseurs, qui réagissent aux consignes que leur donne la voix - une voix que l'on entend, puis qui s'adresse aux seuls interprètes par le biais de casques audio.
Olivia Grandville poursuit ainsi l'exploration d'une méthode déjà éprouvée dans Foules, son précédent spectacle : laisser place à l'immédiateté de l'interprétation en murmurant des consignes - gestes, actions, situations inspirés du tableau - à l'oreille des danseurs. Porté par la question du rythme, mis d'emblée en exergue par le lancement d'un métronome, et celle de la dépense, Combat de Carnaval et Carême est un tableau vivant, toujours recomposé, qui prend un tour plus ou moins narratif, expressionniste, plastique ou abstrait, servi par des interprètes singuliers, qui passent par les cent soixante personnages de la peinture.
Il en résulte une chorégraphie qu'Olivia Grandville décrit comme carnivore : dévorant, incorporant, questionnant tous les genres et toutes les techniques ; une pièce à la fois précise, complexe et ample ; étrange et luxuriante.
Place Jean Jaurès 93100 Montreuil