Cette performance musicale revisite les cabarets travestis de l’underground américain des années 70, à la fois surannés et avant-gardistes, entre stand-up et music-hall, à travers la vie de Holly Woodlawn : son histoire familiale, sa transformation identitaire, son parcours artistique survenu presque par hasard, ses rencontres passionnelles et destructrices.
Un spectacle insensé, décomplexé et libre, à l’image d’un esprit indomptable.
Une performance musicale de Pierre Maillet, Luca Fiorello, Howard Hugues, Billy Jet Pilot et Thomas Nicolle d’après A Low Life in High Heels de Holly Woodlawn.
L’idée et l’envie d’imaginer un spectacle-hommage à Holly Woodlawn, grande figure de l’underground américain des années 70, m’est venue suite à la création du dyptique Little Joe, adaptation théâtrale des films Flesh/Trash/Heat de Paul Morrissey que j’ai mis en scène entre 2013 et 2015, dans lesquels j’interprétais le personnage de Holly dans Trash.
Premier travesti superstar de l’histoire avec Jackie Curtis et Candy Darling (disparues assez vite) grâce à Andy Warhol, et juste avant Divine et John Waters, Holly Woodlawn a un parcours absolument remarquable (et pas suffisamment remarqué) tant comme personnalité transgenre que comme artiste. Disparue il y a tout juste un an à l’âge de 69 ans, elle était la dernière vaillante « survivante » des marginaux superstars de la Factory. A la fois actrice, chanteuse, mannequin, showgirl et performeuse, son histoire racontée dans son autobiographie inédite en France est passionnante par bien des aspects : son histoire familiale tout d’abord, sa transformation identitaire évidemment, son parcours artistique survenu presque par hasard, les rencontres qui en ont découlées, son rapport naïf et destructeur aux rencontres amoureuses et à la drogue, ses amitiés compliquées et passionnelles avec ses « copines » Jackie et Candy… Une vie simple sur de hauts talons est évidemment tout sauf simple, mais la personnalité volubile, généreuse et par dessus tout le ton, l’humour et la nonchalance dont elle fait preuve en racontant ses « histoires » (qui ne sont peut-être après tout que des histoires) font de ce témoignage une ode vivante et vivifiante à la différence, et à une vie qui vaut le coup d’être vécue, quoiqu’il en coûte.
Avec l’acteur Luca Fiorello, le technicien Thomas Nicolle et les musiciens issus du groupe pop français Coming Soon : Howard Hughes et Billy Jet Pilot, déjà collaborateurs sur Little Joe et plus récemment sur La cuisine d’Elvis, j’imagine donc ce spectacle performance comme un hommage aux cabarets transformistes dont Holly a été l’une des plus brillantes représentantes. Ces cabarets à la fois surannés et avant-gardistes, à mi-chemin entre le stand-up à la Lenny Bruce et le pur musichall, un endroit d’expression ludique mais où l’affirmation de soi se fait sans filet. Une façon d’être politique par le simple fait d’exister. De ces spectacles quasi disparus aujourd’hui, j’aimerais en garder l’aspect performatif, la proximité avec le public, le danger et la beauté que cela implique. Raconter cette vie simple avec de hauts talons mais aussi avec de beaux et talentueux musiciens, qui par moments incarneront naïvement les différentes rencontres de sa vie. Ponctuer tout cela de chansons - cabaret oblige- allant de Bette Midler à Lou Reed bien entendu.
Un spectacle libre, qui pourrait aussi bien se jouer dans des théâtres que dans des boîtes de nuit, des bars, des halls, des lieux alternatifs, des musées pourquoi pas… Libre aussi dans sa construction, en invitant de temps en temps des guests issus du spectacle Little Joe qui incarnaient les incontournables figures de la Factory warholienne : Joe Dallesandro bien sûr, les autre travestis superstars Jackie Curtis et Candy Darling, la topless Geri Miller, son petit ami Johnny, Andy Warhol himself…
Et en guise de conclusion ouverte, quelques mots de Holly Woodlawn en personne répondant à un journaliste en 2003 sur ce qu’elle allait faire dans son nouveau spectacle : « Je vais totalement me ridiculiser. On m’a dit que je pouvais juste me poser là et envoyer des baisers. Au diable ces conneries ! Je prévois de faire un concert entier. J’ai envie de gueuler " Hello San Francisco. " Je vais faire des putains de chansons que personne n’a jamais entendu dans sa vie. Comme Princess Poopooly Has Plenty Papayas. Oui, je vais vous faire faire le tour du monde. Et je chanterai aussi une petite chanson française appelée Once Upon A Summertime. Ce sera la seule ballade du show. Une jolie chanson. Ce sera Marlene, Barbra, Bette, Beulah, Mona, Lola et Falana ! Et Holly. Toutes les filles quoi… »
Pierre Maillet
5 rue des Plâtrières 75020 Paris