Nous informons les personnes sensibles à la claustrophobie que le spectacle comporte de longues plages d'obscurité totale.
Retour vers les origines avec un spectacle dansé où l’expression passe par les corps et explore des états qui évoquent l’âge d’or.
La pièce, en trois volets, s’ouvre sur des images vacillantes de ce qui a pu précéder à tout mouvement terrestre, aussi loin que l’imagination puisse remonter : sur scène, des corps comme sortis inopinément d’une sorte de grand nulle part apparaissent et commencent à bouger. Comme s’ils venaient tout juste d’éclore, totalement vierges d’habitudes, d’histoires et de réflexes.
Puis ils découvrent et se libèrent, expérimentent et jouissent, sont pris dans une ivresse grandissante et inéluctable, se livrent à une sorte de danse de jubilation orgiaque au milieu des fruits colorés, mûrs, alléchants, eux aussi produits de la terre, comme tout droit sortis ou plutôt dégorgés d’une grande corne d’abondance. Le raisin qui est écrasé, les bananes que l’on met à nu, les tomates qui éclatent… tout cela fait des explosions, du jus, nous rappelle des organes, parlent de vie terrestre, de jeunesse innocente et de sève concentrée qui contient pourtant déjà l’évidence de sa fugacité, de sa putréfaction future comme la pulpe fragile à l’intérieur d’une peau translucide.
Puis alors, il faut tout nettoyer, ranger, effacer le chaos. Comme de grandes bêtes sauvages effectuant un geste protecteur ou maternel, ils passent des coups de langue pour faire disparaître toute cette matière liquide et sucrée, nourrissante et épaisse. Les gestes, par nécessité, deviennent lents une fois l’effusion terminée, et la conscience, sans doute, modifie les mouvements.
Il faut faire de la place, afin que tout cela puisse recommencer.
Valérie Mréjen
Collaboration artistique, dispositif scénique et lumière : Yves Godin
Création musicale : Alexandre Meyer
« Mais le concept développé par Godin et Rambert donne vraiment lieu à une expérience inoubliable, dont le corps gardera longtemps la trace. Lentement plongé dans un noir absolu, comme placé en lévitation par les jeux de perspective qui se déploient sur scène, littéralement déconnecté de tout environnement proche par cette impénétrable obscurité, le spectateur est véritablement placé dans un état de conscience particulier, à la limite du rêve éveillé, assistant à la surgie hors de lui d’images archétypales et flottantes qu’il lui revient d’interpréter, comme s’il était le créateur de ce spectacle mental qui vient puiser dans le riche imaginaire de sa culture et de son inconscient, un peu comme si, littéralement, il osait pour la première fois regarder la mort en face. » Mouvement
« Pascal Rambert, avec Memento Mori, se tient sur la ligne des ténèbres. Son rite nu, dont nous ne voyons que les restes, après en avoir deviné les agapes, laisse méditatif. (...) C’est un spectacle à sentir et à ressentir plus qu’à voir, et Yves Godin, qui signe le dispositif scénique et la lumière, en est auteur autant que Pascal Rambert. » Marie-Christine Vernay, Libération, 1 avril 2013
« Une expérience rare et déstabilisante. (...) Le spectaculaire et la représentation (...) sont évacués pur céder la place à un espace de projection mentale qui oblige le public à abandonner ses habitudes (...). Métamorphosé en éponge sensorielle, le spectateur absorbe tout, en particulier les sons (...) qui prennent une ampleur imprévisible. » Rosita Boisseau, Le Monde, 2 avril 2013
« Cette forme expérimentale cherche à retrouver les origines qui, puisque la vie est formes en mouvement qui ne peuvent être perçues que grâce à la lumière, se situeraient dans une antériorité du mouvement. (...) Memento Mori fait goûter à l'expérience d'une plénitude vécue en son for intérieur. » Sophie Lespiaux, Une chambre à soi, 5 avril 2013
« Proposition impressionnante de Pascal Rambert, Memento Mori, (N’oublie pas que tu vas mourir), est une expérience sensorielle magnifique qui se définit en toute simplicité par ce qu’elle ose modestement : un voyage dans le mouvement du simple corps de l'homme. » Alban Orsini, Culturopoing, 1 avril 2013
« Memento Mori nous fait toucher aux rives du néant, à un temps d’avant toute création, pour nous conduire aux délices terrestres en une orgie organique enivrante. » Marie Plantin, Pariscope
Memento Mori n'a pas de sujet sinon le mouvement lui-même. Ou encore si possible avant le mouvement lui-même. Je veux dire encore avant. Au tout début. Avant que ça bouge. Avant que ça apparaisse. On pourrait imaginer ça : avant le mouvement. Avant même qu'on voit quoi que ce soit. On écouterait. On entendrait bien que ça gronde que ça arrive de loin et ça arriverait : nus.
On imaginerait tout ce qu'on a en soi : toutes ces images qu'on porte en soi, qui nous appartiennent, mais qui appartiennent en fait déjà au haut Aurignacien encore avant ? À un monde prélapsaire. Nu. Avant la chute. Avant la faute. Est-ce que ça danse les images sur les grottes ? Est-ce que ça danse les mains sur les grottes ? Oui. Avec la lumière ça danse. Un mouvement physique c'est une matière qui passe d'une forme à une autre, non ? La lumière en général permet ce passage donc. Là aussi : quand elle rentre dans la grotte. Dans la grotte obscure de la tête oui. Jusqu'à des formes primaires de joies. D'épanouissements. De purs éblouissements. Où sortent et s'adjoignent aux corps : fruits ! Grappes ! Raisins ! Bananes ! Tomates ! Jardin ! Dionysos partout quoi.
Avant pour suivre une forme de terreur. Un moment de pur effroi d'être en vie. Ou de la perdre. Avant de se lécher. Lécher. Tous. Nettoyer tout. Et se lécher. Lécher. Lécher. Lécher. Nettoyer. Nettoyer la vie. Nettoyer nos images.
Pascal Rambert, Paris, septembre 2011
41, avenue des Grésillons 92230 Gennevilliers
Voiture : Porte de Clichy, direction Clichy-centre. Tout de suite à gauche après le Pont de Clichy, direction Asnières-centre.
A 86 Sortie Paris Porte Pouchet. Au premier feu tourner à droite, avenue des Grésillons.