Cest le soleil, le personnage central et essentiel de la tragédie. Phèdre est née de lui. Sil disparaît, cest la mort et les ténèbres. La vie dure tant quon parle de ce que lon fait et de ce quil conviendrait de faire. Le verbe retient le soleil. Il ny a pas daction. Il y a le récit, la menace, le souvenir dune action. Le discours retient le jour. Puis les ténèbres sinstallent et prennent le pas sur le désir des hommes.
Ce nest pas triste une tragédie. Cest simplement une histoire qui commence, qui se noue et qui se termine. La mort des personnages nest quune métonymie de cause, deffet, de libération et de la fin des souffrances.
La préciosité du discours racinien nest quune enveloppe, une politesse théâtrale. Lintérieur est âpre, sauvage. La passion est brutale, absolue, et ne salimente que delle-même. Le personnage de Phèdre est stupéfiant de force et de vérité : sa passion, dont lobjet dépasse infiniment le tendre Hippolyte, lentraîne aux confins de la nature humaine. La malédiction qui semble la poursuivre devient celle de toute femme prisonnière de son désir. Son cri, transcendantal, la dégage des pesanteurs politiques et la libère pour la première fois des soumissions féminines. Son suicide, symbole des limites humaines, parachève le sacrifice.
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