Entre tragédie, cinéma et musique
Note de mise en scène
Jeu et travail sur l'alexandrin
Décor et costumes
La langue de Racine, plus moderne que jamais, au cœur d’un espace brut, s’adapte avec une facilité déconcertante. Une pièce heureusement revisitée.
Phèdre, épouse de Thésée, roi d’Athènes, tombe amoureuse de son beau-fils Hyppolite ; devant son refus, elle l’accuse de viol et se suicide. Les personnages jouent leur destin, comme les pions d’un échiquier, tiraillés entre passion et fureur.
Non loin de l’univers du cinéma, le metteur en scène adapte le tout pour six comédiens et un musicien. Il met en avant des scènes filmées et la musique électrique live, soutient l’intrigue et l’action. Loin d’être figé, ce classique des classiques au déroulement implacable, dépote.
Qui n’a pas célébré la construction tragique de Phèdre, la profondeur des personnages et la richesse de la versification, la musicalité de l'alexandrin ? Qui ne conserve dans un coin de sa mémoire le souvenir de ces fameux vers « la fille de Minos et de Pasiphaé / Ose aimer Hippolyte », vers qui souvent résument la tragédie de Phèdre ?
Mais ce n’est ni par la beauté du vers, ni par un attendrissement mielleux que Racine nous fascine. Non, c’est par sa violence que l’oeuvre de Racine reste vivante encore aujourd’hui ! Violence des rapports entre les personnages tragiques qui franchissent les limites de la conditions humaines, enfreignant les règles de la morale “de l’ordre établi”. Les personnages raciniens mentent, tuent, dissimulent. Ils atteignent un individualisme pathologique qui les aveugle, les empêche de prendre la moindre décision, malgré la liberté qu’ils ont de choisir, ou de persister, ou de fuir. La souffrance de l’autre n’existe pas. Pourtant pas de fatalité, les personnages sont libres et s’ils acceptent de jouer ce Jeu de la Cruauté, c’est parce qu’ils sont consentants, intelligemment consentants. Pas d’échappatoire donc pour les personnages raciniens. Ils sont présents devant nous pour se détruire et mourir. Ils sont là pour expier, pour s’entre-déchirer, sous le regard des dieux silencieux et malveillants. Les personnages raciniens n’ont pas d’avenir. Monstres d’égoïsmes ils ne s’écoutent pas : Phèdre n’écoute pas, elle monologue... de même Hippolyte... de même Thésée ! Pourtant chacun espère et attend désespérément une réponse. Une réponse qui parfois surgit violente, animale, monstrueuse.
Et c’est au travers de cette violence que transparaît alors la Souffrance. Les personnages de Phèdre sont des souffrants qui hurlent leur solitudes à des dieux silencieux et malveillants qui laissent l’homme face à son animalité.
C’est à partir de ces deux axes violence / souffrance que la mise en scène s’est élaborée. C’est cette souffrance que j'ai voulu que les acteurs dévoilent devant nous sans pudeur. La souffrance qui, aujourd'hui, est tabou. C’est par là que le chef d’oeuvre de Racine nous semble profondément contemporain.
Si Phèdre nous fascine c’est également parce qu'elle est une tragédie de l'amour et non pas de l’inceste. Phèdre aime mais elle rêve d’un amour qui n’existe pas. La Violence de la passion amoureuse qu’elle éprouve pour Hippolyte l’entraîne dans un délire amoureux. Elle aime l’Amour Absolu qui ne peut que l’entraîner vers sa mort. Un amour d’adolescente enflammée. Et son suicide final est un suicide d’amour moins que de rédemption. C’est pourquoi le rôle de Phèdre est interprété par une comédienne jeune. Qui mieux que la jeunesse peut, sans romantisme, représenterle cérémonial tragique ?
C’est à partir d’un travail sur l’alexandrin que le jeu a trouvé son authenticité et sa vérité. Authenticité des rapports entre les personnages et vérité des émotions.
Dans un premier temps, nous avons abordé le travail d'un point de vue purement technique : traitement syntaxique de l'alexandrin qui a permis aux comédiens de se libérer du sens et de comprendre les méandres et la complexité des émotions. Les émotions qui bousculent continuellement ces héros. Ce travail a surtout permis de créer une unité de diction, de respiration et une cohérence dans le jeu. Tout en respectant l'alexandrin dans son architecture les comédiens ont pu alors explorer la rythmique et la sonorité violente qui se cache dans chacun des vers. Et soudain le vers s'est fait chair.
Ce faisant au fur et à mesure des répétitions chaque acteur a dû, humblement, se rendre compte que leur sensibilité ne suffisait pas. Que les personnages étaient plus fort qu'eux et que le comédien devait se faire discret, se mettre au service de son personnage et se laisser entièrement envahir par le génie du poète Racine .
Ce travail a permis de révéler que la tragédie peut et doit résonner dans le coeur de tout un chacun. Rendre accessible un chef d’oeuvre au plus grand nombre et sans démagogie tel est l’objectif de la recherche d’un jeu sincère et honnête.
Si la partition poétique devenait limpide et contemporaine dans sa compréhension, il nous est apparu également qu’une partition corporelle était nécessaire. C’est pourquoi dans la mise en scène chaque geste, chaque mouvement d’ensemble participe de la chorégraphie. Si la violence devient douleur les corps alors doivent se tordre. Ces corps anéantis, pour se relever, s’extraient toujours plus péniblement du sol. Une fois debout, ils vacillent, cherchant un nouvel équilibre, un nouvel espoir. Mais ce sursis ne dure qu’un moment, la parole à son tour les torture et la violence reprend ses droits.
Une colonne de béton, quelques morceaux de ferraille figurent peut-être un chantier en déconstruction, une usine désaffectée. Un lieu clos. Sûrement un espace contemporain, vaguement urbain symbolisant la dimension angoissante de la tragédie. Au fond de cet espace un mur bouche l’horizon et empêche le soleil même de percer. Un mur qui témoigne de la rupture entre un passé radieux et la tragédie présente.
Les héros surgissent soudain, tels des apparitions, et s’avancent dans des costumes ultra-contemporains. Leurs entrées solennelles sont soutenues par la musique et des jets de lumière régis du plateau par le musicien. Une fois sur scène les personnages, toujours à vue du spectateur, sont assis au jardin ou à la cour, comme en attente dans l’anti-chambre de leur destin. Ils ne quittent la scène que pour mourir.
C'est vrai qu'il s'agit là d'un travail remarquable. les comédiens sont tous impressionnants, les femmes en tête. Il est rare qu'une relecture d'une oeuvre du répertoire soit faite avec autant d'intelligence et de brio. Oui, vraiment ce spectacle a dû panache, et ça fait du bien en ces temps de consensus artistique plus que mou...
magnifique. mérite tous les honneurs!! Une phèdre impressionnante et un coup de coeur pour le passage de la mort épique de'Hippolyte, l'actrice est extraordinaire.
C'est vrai qu'il s'agit là d'un travail remarquable. les comédiens sont tous impressionnants, les femmes en tête. Il est rare qu'une relecture d'une oeuvre du répertoire soit faite avec autant d'intelligence et de brio. Oui, vraiment ce spectacle a dû panache, et ça fait du bien en ces temps de consensus artistique plus que mou...
magnifique. mérite tous les honneurs!! Une phèdre impressionnante et un coup de coeur pour le passage de la mort épique de'Hippolyte, l'actrice est extraordinaire.
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