Distribution en alternance
Une tragédie en cinq actes
Phèdre est une tragédie en cinq actes et en vers de Jean Racine créée et représentée pour la première fois le 1er janvier 1677 à l’Hôtel de Bourgogne sous le titre Phèdre et Hippolyte. C'est aussi sous ce titre qu'elle fut publiée pour la première fois la même année. Racine n'adopta le titre de Phèdre qu'à partir de l'édition de 1687 de ses OEuvres. La pièce comporte 1 654 alexandrins.
Phèdre lutte en vain contre la passion qu’elle éprouve pour Hippolyte, le fils de Thésée dont elle est l’épouse. Culpabilisée par ses sentiments, elle cherche par tous les moyens à l’éloigner d’elle. Ce beau-fils, adulé et rejeté, a l’intention de quitter Trézène pour partir à la recherche de son père disparu pendant la guerre de Troie, fuyant aussi par là son propre amour pour Aricie, soeur des Pallantides, clan ennemi.
Acte I (5 scènes)
Hippolyte, fils de Thésée, annonce à son confident Théramène son intention de quitter Trézène pour fuir sa belle-mère Phèdre qu'il n'aime pas et surtout pour fuir son amour pour Aricie, soeur des Pallantides, un clan ennemi. Phèdre, épouse de Thésée, avoue à OEnone, sa nourrice et confidente, la passion qu’elle ressent pour son beau-fils Hippolyte. On annonce la mort de Thésée…
Acte II (6 scènes)
Hippolyte propose à Aricie de lui rendre le trône d'Attique, laissé vacant par la mort de Thésée, et lui avoue son amour. Leur entretien est interrompu par Phèdre, venue prier Hippolyte de prendre soin de son fils mais qui finit par lui révéler son amour. Comprenant son erreur, elle prend l'épée d'Hippolyte pour en finir avec la vie mais OEnone l’arrête. Théramène annonce qu’on a peut-être vu Thésée.
Acte III (6 scènes)
Thésée, qui n’est pas mort, arrive à Trézène et s’étonne de recevoir un accueil si froid : Hippolyte, qui envisage d’avouer à Thésée son amour pour Aricie, évite sa belle-mère ; Phèdre est submergée par la culpabilité.
Acte IV (6 scènes)
OEnone, qui craint que sa maîtresse ne se donne la mort, déclare à Thésée qu’Hippolyte a tenté de séduire Phèdre en la menaçant, donnant pour preuve l'épée qu'elle a conservée. Thésée bannit Hippolyte et prie Neptune, dieu de la mer, de le venger. Phèdre veut le faire changer d’avis mais elle apprend qu’Hippolyte aime Aricie. Furieuse d’avoir une rivale, elle renonce à le défendre.
Acte V (7 scènes)
Hippolyte part après avoir promis à Aricie de l’épouser hors de la ville. Thésée commence à avoir des doutes sur la culpabilité de son fils, mais la nouvelle de sa mort, causée par un monstre marin, survient. Après avoir chassé OEnone qui, de désespoir, s’est jetée dans les flots, Phèdre révèle la vérité à Thésée ; ayant pris auparavant du poison, elle meurt.
Voici encore une tragédie dont le sujet est pris d'Euripide. Quoique j'aie suivi une route un peu différente de celle de cet auteur pour la conduite de l'action, je n'ai pas laissé d'enrichir ma pièce de tout ce qui m'a paru le plus éclatant dans la sienne. Quand je ne lui devrais que la seule idée du caractère de Phèdre, je pourrais dire que je lui dois ce que j'ai peut−être mis de plus raisonnable sur le théâtre. Je ne suis point étonné que ce caractère ait eu un succès si heureux du temps d'Euripide, et qu'il ait encore si bien réussi dans notre siècle, puisqu'il a toutes les qualités qu'Aristote demande dans le héros de la tragédie, et qui sont propres à exciter la compassion et la terreur. En effet, Phèdre n'est ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocente. Elle est engagée, par sa destinée et par la colère des dieux, dans une passion illégitime, dont elle a horreur toute la première. Elle fait tous ses efforts pour la surmonter. Elle aime mieux se laisser mourir que de la déclarer à personne, et lorsqu'elle est forcée de la découvrir, elle en parle avec une confusion qui fait bien voir que son crime est plutôt une punition des dieux qu'un mouvement de sa volonté. J'ai même pris soin de la rendre un peu moins odieuse qu'elle n'est dans les tragédies des Anciens, où elle se résout d'elle−même à accuser Hippolyte. J'ai cru que la calomnie avait quelque chose de trop bas et de trop noir pour la mettre dans la bouche d'une princesse qui a d'ailleurs des sentiments si nobles et si vertueux. Cette bassesse m'a paru plus convenable à une nourrice, qui pouvait avoir des inclinations plus serviles, et qui néanmoins n'entreprend cette fausse accusation que pour sauver la vie et l'honneur de sa maîtresse. Phèdre n'y donne les mains que parce qu'elle est dans une agitation d'esprit qui la met hors d'elle−même, et elle vient un moment après dans le dessein de justifier l'innocence et de déclarer la vérité. Hippolyte est accusé, dans Euripide et dans Sénèque, d'avoir en effet violé sa belle−mère : vim corpus tulit. Mais il n'est ici accusé que d'en avoir eu le dessein. J'ai voulu épargner à Thésée une confusion qui l'aurait pu rendre moins agréable aux spectateurs.
Pour ce qui est du personnage d'Hippolyte, j'avais remarqué dans les Anciens qu'on reprochait à Euripide de l'avoir représenté comme un philosophe exempt de toute imperfection ; ce qui faisait que la mort de ce jeune prince causait beaucoup plus d'indignation que de pitié. J'ai cru lui devoir donner quelque faiblesse qui le rendrait un peu coupable envers son père, sans pourtant lui rien ôter de cette grandeur d'âme avec laquelle il épargne l'honneur de Phèdre, et se laisse opprimer sans l'accuser. J'appelle faiblesse la passion qu'il ressent malgré lui pour Aricie, qui est la fille et la soeur des ennemis mortels de son père.
Cette Aricie n'est point un personnage de mon invention. Virgile dit qu'Hippolyte l'épousa, et en eut un fils, après qu'Esculape l'eut ressuscité. Et j'ai lu encore dans quelques auteurs qu'Hippolyte avait épousé et emmené en Italie une jeune Athénienne de grande naissance, qui s'appelait Aricie, et qui avait donné son nom à une petite ville d'Italie. Je rapporte ces autorités, parce que je me suis très scrupuleusement attaché à suivre la fable. J'ai même suivi l'histoire de Thésée, telle qu'elle est dans Plutarque. C'est dans cet historien que j'ai trouvé que ce qui avait donné occasion de croire que Thésée fût descendu dans les enfers pour enlever Proserpine, était un voyage que ce prince avait fait en Epire vers la source de l'Achéron, chez un roi dont Pirithoüs voulait enlever la femme, et qui arrêta Thésée prisonnier, après avoir fait mourir Pirithous. Ainsi j'ai tâché de conserver la vraisemblance de l'histoire, sans rien perdre des ornements de la fable, qui fournit extrêmement à la poésie ; et le bruit de la mort de Thésée, fondé sur ce voyage fabuleux, donne lieu à Phèdre de faire une déclaration d'amour qui devient une des principales causes de son malheur, et qu'elle n'aurait jamais osé faire tant qu'elle aurait cru que son mari était vivant.
Au reste, je n'ose encore assurer que cette pièce soit en effet la meilleure de mes tragédies. Je laisse aux lecteurs et au temps à décider de son véritable prix. Ce que je puis assurer, c'est que je n'en ai point fait où la vertu soit plus mise en jour que dans celle−ci. Les moindres fautes y sont sévèrement punies ; la seule pensée du crime y est regardée avec autant d'horreur que le crime même ; les faiblesses de l'amour y passent pour de vraies faiblesses ; les passions n'y sont présentées aux yeux que pour montrer tout le désordre dont elles sont cause ; et le vice y est peint partout avec des couleurs qui en font connaître et haïr la difformité.
C'est là proprement le dut que tout homme qui travaille pour le public doit se proposer, et c'est ce que les premiers poètes tragiques avaient en vue sur toute chose. Leur théâtre était une école où la vertu n'était pas moins bien enseignée que dans les écoles des philosophes. Aussi Aristote a bien voulu donner des règles du poème dramatique, et Socrate, le plus sage des philosophes, ne dédaignait pas de mettre la main aux tragédies d'Euripide. Il serait à souhaiter que nos ouvrages fussent aussi solides et aussi pleins d'utiles instructions que ceux de ces poètes. Ce serait peut−être un moyen de réconcilier la tragédie avec quantité de personnes célèbres par leur piété et par leur doctrine, qui l'ont condamnée dans ces derniers temps et qui en jugeraient sans doute plus favorablement, si les auteurs songeaient autant à instruire leurs spectateurs qu'à les divertir, et s'ils suivaient en cela la véritable intention de la tragédie.
Comment est né le projet de monter Phèdre ?
Phèdre est la pièce la plus souvent montée car c’est le chef d’oeuvre de Racine et quand on trouve une Phèdre, on n’hésite pas une seconde. Quand l’occasion, l’opportunité se présente cela devient évidence. Après Britannicus, que j’avais monté il y a deux ans, c’était la continuité d’un cheminement déjà amorcé. En outre, j’ai une formation et un parcours classique auquel je suis attaché.
Qu’aimez-vous dans cette pièce ?
J’aime le vers racinien et tout particulièrement la musicalité de Phèdre, ainsi que l’équilibre des personnages qui sont des duos contradictoires, l’action et ses rebondissements, la profondeur de l’idée de l’auteur qui nous parle merveilleusement de passion. Ayant épuisé tous les thèmes que sont ceux du pouvoir (politique, amour, etc), il traite là de la passion dans sa nudité la plus folle et la plus pure. Ce qui dominera ses deux dernières oeuvres suivantes (Esther, Athalie) sera le thème religieux en adéquation avec son évolution propre.
Qu’est-ce qui, selon vous, a animé Racine dans l’écriture de Phèdre ?
Comme chez Corneille et Molière, c’était la provocation. A l’époque, ce drame a profondément choqué et choque encore les milieux bourgeois, puritains, orthodoxes très conservateurs d’une moralité religieuse.
Quel était la résonance moderne à l’époque de l’écriture et de la création de Phèdre ?
A l’époque, le seul moyen d’expression public était essentiellement oratoire avec cet art particulier de la déclamation. Le choc de Phèdre a proprement parler vient du fait que selon sa condition de reine, de femme, ayant des obligations de conduite morales, celle-ci se laisse peu à peu glisser - avec volonté - dans un abandon entier, intérieur vers sa passion pour son beau-fils Hippolythe. Elle choque par cette liberté car elle ose transgresser tous les dogmes de sa condition et le dit sans pudeur à Hippolythe « La veuve de Thésée OSE aimer Hippolythe » Ainsi Phèdre fut et restera une contemporaine au-delà du temps et de l’espace.
Quel est votre parti pris de mise en scène ?
Le retour à l’épure, à la sobriété, à l’intériorité, avec la musicalité des vers dans la plus pure tradition racinienne. La modernité du comédien doit passer essentiellement par un jeu de vérité, par la sincérité des sentiments et il n’est besoin de rien d’autre.
L’avez-vous vous déjà vue montée par d’autres metteurs en scène ? Y a-t-il une version qui vous a plus ?
Je ne souhaite pas juger le travail des autres. J’ai cependant aimé la vision de Patrice Chéreau, ainsi que l’interprétation de Marie Bell et celle de Christine Fersen.
Vous avez été pensionnaire de la Comédie Française, quels souvenirs gardez-vous de cette expérience ?
J’en garde un souvenir merveilleux. Ma rencontre très jeune avec Jean Le Poulain qui fut administrateur de la maison lequel m’a embauché dans le cadre de deux années de tournées internationales, qui m’ont valu exceptionnellement deux années de dérogations dans ma formation au Conservatoire Supérieur d’Art Dramatique de Paris- m’a ouvert cette opportunité après l’obtention de mon diplôme. J’ai eu la chance de travailler avec les plus grands metteurs en scènes de l’époque comme Antoine Vitez, Jacques Seyres etc, qui furent des Maîtres et des exemples encore de nos jours. L’acquis de mon passage à la Comédie Française est certain, et l’on ne peut nier la qualité des oeuvres produites tant sur le plan culturel que théâtral bien sûr.
Phèdre est la première pièce créée par votre Compagnie. Que représente pour vous le fait de créer une compagnie ?
Après avoir monté une dizaine de pièces d’auteurs différents, commencer la vie de ma Compagnie de manière officielle par la pièce Phèdre est un peu comme réaliser un rêve d’enfant. Créer ma Compagnie c’est aussi me sentir libre et indépendant dans mes choix.
8, rue de Nesle 75006 Paris